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La politique de dépistage obligatoire de la COVID-19 jugée raisonnable dans une maison de retraite

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Bulletin travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

Dans une sentence arbitrale récente non publiée en droit du travail, Caressant Care Nursing & Retirement Homes and Christian Labour Association of Canada, l’arbitre Dana Randall a confirmé que la politique de dépistage obligatoire de la COVID-19 de l’employeur était un exercice raisonnable du droit gestion.

Le contexte

L’employeur, une maison de retraite située à Woodstock, en Ontario, fournit des logements locatifs avec des soins et des services aux résidents, lesquels peuvent vivre de façon indépendante en recevant un soutien minimal ou modéré. Parmi les 100 résidents qui occupent la maison de retraite, les employés syndiqués prennent soin de 85 résidents permanents et 15 résidents temporaires. Celle-ci est sous la réglementation provinciale de l’Office de réglementation des maisons de retraite en vertu de la Loi de 2010 sur les maisons de retraite[1]. Par ailleurs, les employés offrent des services de blanchisserie aux résidents d’une maison de retraite située à proximité. L’employeur doit donc se conformer aux directives émises en vertu de la Loi sur la protection et la promotion de la santé[2], y compris la Directive no 3 à l’intention des foyers de soins de longue durée en vertu de la Loi de 2007 sur les foyers de soins de longue durée[3].

En juin 2020, sur la base des recommandations du gouvernement provincial quant aux tests de dépistage de la COVID-19 en foyers de soins de longue durée[4], l’employeur a exigé que tous les employés de l’établissement se soumettent à un test de dépistage de la COVID-19 par écouvillonnage nasal toutes les deux (2) semaines. Tous les employés étaient payés l’équivalent d’une (1) heure de travail et étaient exonérés de leurs frais de stationnement chaque fois qu’ils devaient se soumettre au test de dépistage de la COVID-19 en vertu de la politique. Les employés qui ne se conformaient pas à la politique étaient forcés de revêtir un équipement de protection personnel intégral pour la totalité de leurs quarts de travail, à défaut de quoi ils seraient suspendus du service jusqu’à ce qu’un test soit effectué. La politique comprenait une mesure d’accommodation, laquelle prévoyait que les refus de passer un test par écouvillonnage nasal seraient évalués sur une base individuelle.

Bien que les employés se soient initialement conformés à la politique de dépistage obligatoire, le syndicat a fini par déposer un grief, invoquant que la politique constituait un exercice déraisonnable des droits de gestion de l’employeur. En contestant le dépistage obligatoire, le syndicat a tenté d’établir un parallèle avec la jurisprudence concernant les tests de dépistage de drogue et d’alcool en milieu de travail. Il soulignait également qu’il n’y avait eu aucune éclosion de la COVID-19 dans l’établissement.

La décision

L’arbitre a jugé que la politique de dépistage obligatoire de la COVID-19 de l’employeur était conforme à la convention collective et constituait un exercice raisonnable des droits de l’employeur. Pour en venir à cette conclusion, l’arbitre a séparé la politique de dépistage de la COVID-19 des politiques de dépistage de drogue et d’alcool. Il est important de noter que l’arbitre a statué que surveiller le lieu de travail pour trouver des traces de la COVID-19 n’est pas similaire à surveiller le lieu de travail pour trouver des substances intoxicantes, faisant remarquer que « les substances intoxicantes ne sont pas infectieuses. Le test de dépistage de la COVID ne révèle qu’une chose : l’employé est-il infecté par le virus? Être intoxiqué est une conduite répréhensible; avoir un test positif à la COVID ne l’est pas » [traduction].

En fin de compte, l’arbitre a conclu que lorsque le caractère intrusif d’un test de dépistage de la COVID-19 (« un prélèvement nasal aux deux semaines » [traduction]) s’appréciait face au problème qu’il visait (« prévenir la propagation de la COVID dans l’établissement » [traduction]), la politique de dépistage obligatoire était raisonnable, en dépit du fait qu’il n’y avait pas encore eu d’éclosion dans le lieu de travail. Selon l’arbitre, attendre une éclosion avant de mettre la politique de dépistage en place n’était tout simplement pas une option raisonnable, étant donné les conséquences qui en découleraient.

Par ailleurs, l’arbitre a conclu que la politique de dépistage n’était pas un outil de surveillance et que son utilité n’était pas limitée. L’arbitre a plutôt confirmé l’importance d’un test positif de dépistage de la COVID-19 dans un lieu de travail, puisque celui-ci peut permettre l’identification, l’isolation et la recherche des contacts, en plus de permettre à l’employeur d’utiliser tous les autres outils mis à sa disposition pour combattre la propagation de la COVID-19.

Ce que les employeurs doivent retenir

Alors que le nombre de cas de la COVID-19 en milieu communautaire ne cesse d’augmenter et qu’il reste encore plusieurs mois avant que l’on puisse espérer voir des campagnes de vaccination, les employeurs de nombreux secteurs d’activités sont encore aux prises avec la mise en application de politiques et de procédures en matière de santé et de sécurité au travail pour protéger leurs employés et le public contre la propagation du virus. Cette décision offre des lignes directrices quant au caractère raisonnable des politiques de dépistage obligatoire dans le contexte d’une maison de retraite, mais il reste à voir si ces politiques de dépistage obligatoire seront contestées dans d’autres milieux de travail, hors du domaine de la santé ou dans des milieux non syndiqués. À tout le moins, cette décision constitue un précédent intéressant pour les employeurs qui œuvrent dans des milieux où se trouvent des personnes vulnérables pour lesquelles les conséquences d’une éclosion pourraient être particulièrement graves.

Les employeurs devraient communiquer avec un conseiller juridique avant de mettre en place une politique de dépistage en milieu de travail. Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, n’hésitez pas à communiquer avec les auteures de cet article ou avec votre avocat attitré chez Fasken.



[1] L.O. 2010, chap. 11.

[2] L.R.O. 1990, chap. H.7.

[3] L.O. 2007, chap. 8.

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  • Sophie Arseneault, Associée, Ottawa, ON, +1 613 696 6904, sarseneault@fasken.com
  • Rebecca Rossi, Avocate, Toronto, ON, +1 416 868 3534, rrossi@fasken.com

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