Nous avons tendance à considérer la fin d’une relation de travail comme un événement binaire clair — soit vous démissionnez, soit vous êtes congédié. Parfois, la relation prend fin, mais on ne sait pas exactement comment elle s’est terminée. Une décision récente d’un tribunal ontarien[1] rappelle aux employeurs qu’ils doivent examiner toutes les circonstances qui ont mené à la fin de l’emploi pour déterminer si une personne a démissionné, abandonné ou répudié son emploi.
Que s’est-il passé?
L’employée était directrice de bureau au sein d’une petite entreprise familiale. Ses tâches consistaient à établir des horaires, à enregistrer les heures travaillées et à préparer la paie et les chèques que le PDG de l’employeur devait signer. Le mari de l’employée travaillait également pour l’employeur.
L’employée et le PDG ont eu un différend au sujet d’un écart d’heures impliquant le mari de l’employée. L’employée et le PDG se sont téléphoné et envoyé des messages textes à plusieurs reprises, mais n’ont pas réussi à résoudre leur différend. L’employée a envoyé un message texte au PDG pour lui dire qu’elle était « prête à partir et à revenir » lorsque son mari aurait été payé pour des heures qu’elle estimait correctes. L’employée a quitté le bureau, laissant ses clés sur le bureau du PDG. Elle a toutefois déclaré plus tard qu’elle avait un mal de tête et qu’elle avait l’intention de revenir.
Ce soir-là, la plupart des employés se sont réunis chez l’employée. Ils ont préparé et signé un document qu’ils ont décrit comme un « avis de grève ». Ils ont présenté l’avis de grève au PDG et ont refusé de travailler, à moins que certaines demandes ne soient satisfaites. L’avis de grève exigeait, entre autres, que l’employée se voie offrir son poste, que son mari reçoive l’intégralité de son salaire et qu’elle ait le pouvoir d’établir les horaires des travailleurs « sans modification par la direction ».
En réponse, le PDG a envoyé un message texte à l’employée. Il lui a interdit de retourner sur les lieux de travail de l’employeur et lui a interdit d’accéder à tout ordinateur ou compte en ligne de l’employeur.
L’employée a intenté une poursuite pour licenciement injustifié. L’employeur a nié que l’employée avait été licenciée à tort et a prétendu qu’elle avait démissionné, répudié ou abandonné son emploi.
Quelle a été la décision de la Cour?
Le tribunal a conclu que l’employée n’avait pas été licenciée de manière injustifiée. Au contraire, les actions suivantes de l’employée ont fait en sorte qu’elle a répudié ou rejeté son contrat de travail, et l’employeur était en droit de mettre fin à la relation de travail :
- l’employée a cherché à imposer un changement dans ses conditions d’emploi en signant le document d’avis de grève;
- l’employée a exigé le contrôle total de l’établissement des horaires des employés et que l’employeur ne pourrait plus apporter de modifications à ces horaires;
- l’employée a déclaré qu’elle ne retournerait pas au travail à moins que ces changements et conditions ne soient respectés par l’employeur.
Ces actions constituaient un refus de l’employée d’accomplir ses tâches professionnelles. Elles constituaient également une tentative d’apporter des changements importants aux tâches décrites dans son contrat de travail, ce qui était incompatible avec le maintien de son emploi.
Le tribunal n’a pas considéré que l’employée avait démissionné en quittant le travail sans ses clés. En effet, elle n’avait pas indiqué sans équivoque à son employeur qu’elle ne retournerait pas au travail et la situation n’était toujours pas claire après les appels et les messages textes échangés avec le PDG.
Principaux points à retenir
Cette décision vient rappeler que pour déterminer si un employé a été congédié à tort, a démissionné ou a répudié son contrat de travail, il faut procéder à une analyse contextuelle détaillée de toutes les circonstances. En particulier, les employeurs doivent garder à l’esprit que :
- Une démission doit être claire, non équivoque et volontaire pour être effective. Les paroles ou les actions d’un employé qui auraient pu constituer une démission seront considérées dans leur contexte. Il est pertinent de prendre en considération les circonstances environnantes pour déterminer si une personne raisonnable, considérant la question objectivement, aurait compris que l’employé avait démissionné sans équivoque.
- La répudiation d’un contrat de travail peut se produire lorsqu’un employé refuse d’exécuter une condition essentielle du contrat de travail ou lorsque le refus d’exécuter des responsabilités professionnelles est directement incompatible avec ses obligations envers l’employeur. Comme pour une démission, une telle situation nécessite une analyse contextuelle.
- Lorsqu’un employé répudie son contrat de travail, l’employeur peut choisir de considérer la relation de travail comme étant terminée.
Si vous avez des questions sur la définition d’un licenciement injustifié, d’une démission ou d’une répudiation, veuillez communiquer avec l’auteur ou votre avocat habituel chez Fasken.
[1] Anderson v. Total Instant Lawns Ltd, 2021 ONSC 2933