Dans une décision récente[1], le Tribunal administratif du travail (le « Tribunal ») a déterminé qu’une employée travaillant en télétravail a subi un accident du travail lorsqu’elle s’est blessée en chutant dans l’escalier extérieur de son domicile alors qu’elle se dirigeait vers sa pause.
Que s’est-il passé?
D’abord, il importe de mentionner que les faits dont il est question dans cette décision se sont produits en mars 2020, soit au tout début de la pandémie de la Covid-19, alors que le télétravail devait être privilégié dans différents secteurs d’activités.
L’employée occupait un poste de technicienne en informatique et rendait sa prestation de travail à partir de son domicile. Alors qu’elle sortait prendre une pause à l’extérieur, elle est tombée dans les escaliers de sa résidence. Un médecin a par la suite posé un diagnostic de fracture de la malléole externe de la cheville droite. Quelques jours plus tard, l’employée a rencontré un orthopédiste qui lui a annoncé qu’il serait nécessaire de procéder à une chirurgie et qu’un arrêt de travail serait requis. Le jour même, l’employée a informé son employeur de la situation.
Elle a ensuite produit une réclamation pour ce diagnostic à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST »), qui a été refusée. Le Tribunal a donc été saisi de la contestation de cette décision par l’employée.
Qu’est-ce que le Tribunal a décidé?
Le Tribunal a écarté d’emblée la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, puisque la blessure n’est pas arrivée sur les lieux du travail alors que l’employée effectuait ses tâches de technicienne informatique, mais plutôt alors que celle-ci s’apprêtait à prendre sa pause.
Ainsi, l’employée devait établir de manière prépondérante que l’événement constituait un accident du travail, soit un « événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle[2] ».
Afin de déterminer si la chute est survenue « à l’occasion de son travail », le Tribunal a procédé à une analyse afin d’établir si la blessure entrait dans la sphère d’activité professionnelle, soit toute activité où l’on peut établir une finalité professionnelle et qui se rattache aux conditions de travail.
À cet égard, le Tribunal a débuté son analyse en affirmant que le domicile du travailleur a été considéré dans la jurisprudence comme son lieu de travail lorsqu'il effectuait du télétravail. Ensuite, l’employée a fait la preuve que lorsque celle-ci travaillait à l’établissement de l’employeur, elle avait l’habitude de prendre ses pauses à l’extérieur. Ce faisant, elle utilisait la voie d’accès au lieu de travail de manière raisonnable, établissant ainsi une connexité avec le travail. Le Tribunal a transposé cette conclusion au nouveau lieu de travail de l’employée, soit son domicile.
De plus, le Tribunal a tenu compte de plusieurs autres éléments dont notamment le fait que l’employeur n’avait instauré aucune politique ou directive limitant les endroits pour prendre les pauses et les moments pour ce faire.
Ainsi, le Tribunal a conclu que la chute était effectivement survenue à l’occasion du travail. Par ailleurs, il a été démontré de manière prépondérante que la lésion diagnostiquée avait été causée par la chute dans l’escalier. Par conséquent, l’employé a subi un accident du travail.
Ce qu’il faut retenir
Malgré l’assouplissement graduel des mesures sanitaires et la levée progressive du télétravail obligatoire, plusieurs employeurs choisissent de conserver un mode de travail hybride. Le télétravail fera donc inévitablement partie intégrante de la nouvelle réalité du travail. Cette décision rappelle aux employeurs qu’il est donc primordial i) d’adopter des politiques claires pour s’assurer de communiquer avec précision les modalités d’exécution du travail à distance ii) d’examiner et de bien connaitre la règlementation applicable en matière de santé et de sécurité là où leurs employés travaillent et iii) de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les espaces de travail à domicile sont sûrs pour les employés en télétravail.
Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, n’hésitez pas à consulter votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.
Par ailleurs, veuillez noter qu’une demande de révision a été déposée à l’égard de cette décision, et nous avons l'intention de vous tenir au courant de tout développement pertinent.