Vous vous rappellerez peut-être qu’en date 10 avril 2017, nous avions publié un premier article concernant deux décisions sans précédent rendues par le Tribunal relativement à l’étendue du droit à la liberté d’association qui remettaient en question la constitutionnalité de l'exclusion des cadres de la définition de salarié prévue au Code du travail.
Depuis, la décision qui opposaient l’Association des cadres de la société des casinos du Québec (ACSCQ) et la Société des casinos du Québec a été portée en contrôle judiciaire, puis en appel. Le 8 février dernier, la Cour d’appel rendait son jugement tant attendu.
Contexte et procédures de première instance
Pour vous remettre en contexte, tout débute en 2009 alors que l’ACSCQ dépose une requête en accréditation afin de représenter les cadres de premier niveau du Casino de Montréal. Cette requête comprend également une demande visant à faire déclarer que l’exclusion des cadres prévue à l’article 1 l) 10 du Code du travail est inopposable aux salariés visés par la requête puisque la liberté d’association est garantie par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, et que cette exclusion les prive de leur droit à la négociation collective de leurs conditions de travail.
En 2016, le Tribunal administratif du travail (le Tribunal) conclut que cette exclusion porte une atteinte injustifiée à la liberté d’association des cadres. En 2018, la Cour supérieure annule cette décision, et déclare opérant et valide l’article 1 l) 10 du Code du travail. L’ACSCQ porte cette décision en appel.
DÉCISION
La Cour d’appel a fait droit à l’appel et a donné raison à l’association de cadres. Dans le cadre de sa volumineuse décision, la Cour d’appel rappelle notamment l’aspect historique de l’exclusion des cadres de la notion de salarié et souligne les multiples reconnaissances d’associations de salariés cadres au Québec, malgré l’absence d’une loi qui les couvre officiellement.
Selon la Cour, le droit de négocier collectivement est un droit constitutionnel et ce processus ne sera considéré véritable que lorsque les salariés, peu importe leur grade, auront la liberté de choix et l’indépendance voulues pour décider de leurs intérêts collectifs. Selon elle, le Procureur général du Québec n’a pas établi que la mesure restreignait le droit « aussi peu qu’il est raisonnablement possible aux fins de la réalisation de l’objectif législatif », ou autrement dit, qu’il n’existe pas de « moyens moins préjudiciables de réaliser l’objectif législatif ».
Forte de ces principes, la Cour d’appel infirme la décision de la Cour supérieure et rétablit celle rendue par le Tribunal administratif du travail. Elle suspend également, pour une période de 12 mois, les effets de la déclaration du Tribunal concernant le caractère inopérant de l’exclusion prévue à l’article 1 l) 10 du Code du travail.
Conclusions
Tel que nous l’avions souligné il y a quelques années, les faits particuliers de la présente affaire ont initialement eu une importance capitale dans le raisonnement du Tribunal de première instance. En effet, rappelons que les employés visés par les requêtes en accréditation en cause sont des cadres de premier niveau membres d'une société d'État comprenant cinq paliers ou plus de gestion.
Or, considérant certains propos tenus par la Cour, il sera intéressant de suivre l'impact qu'aura cette décision, tant au niveau législatif que jurisprudentiel au cours des prochaines années. La Cour suprême du Canada sera-t-elle appelée à se positionner sur la question? À suivre!