La mise en place de mesures d’accommodement en milieu de travail est un processus complexe, souvent sans réponses simples. Les employeurs savent qu’ils doivent être proactifs lorsqu’ils évaluent et mettent en œuvre des plans d’accommodement pour se conformer aux lois sur les droits de la personne.
Or, on oublie souvent que l’accommodement est une voie à double sens et que les employés ont également des obligations qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent entraîner le rejet d’une plainte en matière de droits de la personne.
Les obligations de l’employé dans le processus d’accommodement comprennent :
- informer l’employeur de l’existence d’un handicap et des mesures d’accommodement nécessaires[1];
- fournir des preuves médicales suffisantes pour permettre à l’employeur d’évaluer les limitations liées au handicap et d’élaborer un plan d’accommodement raisonnable en fonction de la situation;
- accepter les propositions de mesures d’accommodement faites par l’employeur.
Les employés ne peuvent pas s’attendre à des mesures d’accommodement parfaites ni insister sur la forme d’accommodement qu’ils préfèrent. Ils ont l’obligation d’accepter l’offre de mesures d’accommodement faite par l’employeur, à condition que les mesures offertes soient objectivement raisonnables. Lorsqu’un employé refuse l’offre de mesures d’accommodement raisonnables, l’employeur est réputé s’être acquitté de son obligation d’accommodement[2].
La décision Saputo Foods
La décision Zupcic v. Saputo Foods Limited, 2022 AHRC 13 constitue un exemple récent où le manque de collaboration de l’employée au processus d’accommodement a entraîné le rejet d’une plainte en matière de droits de la personne.
Dans cette affaire, l’employée (la « plaignante ») a reçu un diagnostic de blessure à l’épaule. La blessure avait une incidence sur sa capacité à effectuer certaines tâches associées à son poste. Toutes les parties ont convenu que la blessure constituait un handicap au sens de la loi albertaine sur les droits de la personne, la Alberta Human Rights Act.
À la suite de ce diagnostic, l’employeur a mis en place un plan d’accommodement qui prévoyait l’attribution de tâches modifiées, en fonction des preuves médicales obtenues. À plusieurs reprises au cours du processus d’accommodement, la plaignante a déclaré que les tâches modifiées lui posaient problème pour diverses raisons. Dans chaque cas, l’employeur a tenu compte des préoccupations soulevées et ajusté ses tâches en conséquence.
Six mois après le début du processus d’accommodement, l’employeur a remis à la plaignante un plan de retour au travail officiel, élaboré pour lui permettre de reprendre ses fonctions habituelles (avec des modifications raisonnables). On a demandé à la plaignante d’accepter et de signer le plan de retour au travail, ce qu’elle a refusé de faire. La plaignante a également omis de fournir des renseignements médicaux à jour à l’appui de son refus. Peu de temps après, l’employeur a mis fin à l’emploi de la plaignante, et celle-ci a déposé une plainte pour violation des droits de la personne contre l’employeur, alléguant une discrimination fondée sur un handicap (la « plainte »).
Sans surprise, la présidente du Tribunal a conclu que le handicap de la plaignante avait été un facteur dans son congédiement, puisque la plaignante a été congédiée après avoir refusé de signer le plan de retour au travail. Toutefois, la présidente du Tribunal a conclu que le plan de retour au travail était raisonnable, compte tenu des preuves médicales fournies, et que la plaignante avait négligé de collaborer à la mise en œuvre de l’accommodement proposé.
La plaignante a fait valoir que les mesures d’accommodement prévues dans le plan de retour au travail allaient au-delà de ses restrictions médicales et qu’elles étaient déraisonnables, mais la présidente du Tribunal a estimé que la preuve ne permettait pas d’appuyer les affirmations de la plaignante à cet égard. La présidente du Tribunal a plutôt conclu que le plan de retour au travail était justifié par la preuve, soulignant qu’il prévoyait des mécanismes de réévaluation si la plaignante rencontrait des difficultés lors de l’exécution de ses tâches.
La plainte a été rejetée au motif que la plaignante n’a pas participé au processus d’accommodement.
Leçons pour les employeurs
L’accommodement en milieu de travail est un exercice qui dépend grandement des faits. Les employeurs doivent être prudents et proactifs lorsqu’il est question d’effectuer une évaluation et de mettre en œuvre des mesures d’accommodement en milieu de travail.
Cette décision nous rappelle que lorsqu’un employeur propose des mesures d’accommodement objectivement raisonnables et que l’employé les rejette ou refuse de participer au processus, l’employeur n’a pas manqué à son obligation d’accommodement.
Le groupe Travail, emploi et droits de la personne de Fasken est disponible pour aider les employeurs à comprendre les questions d’accommodement en milieu de travail et à se conformer à la législation applicable.
[1]Même si l’employé n’a pas informé expressément l’employeur de son handicap, ce dernier ne peut faire preuve d’aveuglement volontaire. Il peut avoir l’« obligation de se renseigner » et déclencher le processus d’adaptation lorsque les signes qu’un accommodement pourrait être nécessaire sont manifestes.
[2] Rush v. Richmond (City), 2011 BCHRT 244, para 114.