Les faits
Le coût des médicaments de spécialité a augmenté rapidement au Canada au cours des dix dernières années, ce qui a entraîné une hausse des primes pour de nombreux régimes d’avantages sociaux. Quelles mesures un employeur syndiqué peut-il mettre en place unilatéralement en vertu d’une convention collective afin de contrôler le coût des médicaments? Une décision récente de la Colombie-Britannique donne des indications sur les mesures de contrôle des coûts des médicaments qui sont permises dans un milieu de travail syndiqué[1].
Le programme de contrôle de coûts des médicaments
Les employeurs et les fournisseurs de services d’avantages sociaux doivent composer avec l’augmentation des coûts des médicaments, laquelle entraîne une hausse des primes d’assurance. En particulier, le coût des médicaments de spécialité a augmenté rapidement au Canada au cours de la dernière décennie. En 2018, les médicaments de spécialité représentaient 33 % des dépenses en médicaments au Canada, même s’ils ne représentaient que 2 % de toutes les demandes de remboursement de médicaments.
En l’espèce, l’employeur avait adopté un programme de contrôle des coûts par l’entremise de son fournisseur de services d’avantages sociaux afin d’évaluer le rapport coût-efficacité des nouveaux médicaments sur ordonnance fournis aux participants du régime. Avant la mise en œuvre du programme de contrôle des coûts, tous les médicaments approuvés par Santé Canada et auxquels était attribué un numéro d’identification de médicament (DIN) étaient automatiquement couverts par le régime d’avantages sociaux de l’employeur. Le programme de contrôle des coûts a modifié cette approche. Avec le programme, si le médicament avait un DIN, il n’était pas couvert tant que le fournisseur de services d’avantages sociaux n’avait pas terminé l’examen du rapport coût-efficacité du médicament (dans le cas d’un nouveau médicament) ou des médicaments existants approuvés par Santé Canada pour une nouvelle indication. L’objectif du programme était de limiter les coûts associés au remboursement du prix des médicaments.
Le syndicat a déposé un grief alléguant que le programme de contrôle des coûts violait la convention collective parce qu’il entraînerait une réduction ou une limitation des avantages sociaux offerts aux membres de l’unité de négociation et le syndicat n’avait pas été consulté au sujet du changement.
La convention collective et le régime d’assurance médicaments
Dans toute affaire impliquant l’interprétation d’une convention collective et d’un régime d’avantages sociaux, le libellé précis de la convention collective et du régime est très pertinent et est souvent déterminant. En l’espèce, la convention collective précisait que l’employeur [traduction] « ne doit pas changer de fournisseurs de services d’avantages sociaux ni modifier le régime d’avantages sociaux sans l’accord du [syndicat] », lequel « ne peut refuser sans motif raisonnable ». La convention collective précisait également que la couverture totale à vie pour des médicaments d’ordonnance était illimitée et prévoyait un remboursement à 95 % des réclamations.
Selon la police d’assurance collective, les dépenses [traduction] « raisonnables et habituelles » étaient couvertes par le régime tant qu’elles répondaient aux critères énoncés. La couverture des médicaments sur ordonnance n’était assujettie à aucune limite monétaire, à l’exception des médicaments liés à la fertilité et pour arrêter de fumer.
L’adoption du plan de contrôle des coûts violait la convention collective
L’arbitre a conclu que l’ajout d’une exigence d’examen supplémentaire par le fournisseur de services d’avantages sociaux à l’égard d’un nouveau médicament constituerait effectivement une réduction du niveau de couverture des médicaments et représentait un changement substantiel du niveau de couverture du régime. Il y a donc eu un manquement à l’exigence de la convention collective de consulter le syndicat avant de modifier le régime d’avantages sociaux. L’arbitre a ordonné à l’employeur de cesser immédiatement sa participation au programme de contrôle des coûts.
L’arbitre a fait remarquer que le pouvoir administratif et le pouvoir discrétionnaire du fournisseur de services d’avantages sociaux en vertu du régime d’assurance médicaments ne pouvaient pas être exercés pour modifier des éléments essentiels du régime sans consultation préalable du syndicat. Il a souligné que la situation est différente en ce qui concerne l’exercice du pouvoir et la prise de décisions par l’administrateur dans le cas de demandes individuelles, mais que le pouvoir discrétionnaire administratif ne peut pas être utilisé pour modifier les modalités expresses et les éléments fondamentaux d’un régime d’avantages sociaux pour tous les participants au régime.
Ce qu’il faut retenir
Les programmes de contrôle des coûts adoptés dans le cadre de régimes d’avantages sociaux sont de plus en plus courants, car les employeurs et les fournisseurs de services d’avantages sociaux doivent composer avec la hausse des coûts des médicaments et des primes. Toutefois, la mise en œuvre de tels programmes dans un milieu de travail syndiqué peut s’avérer difficile en raison du libellé de la convention collective.
Avant de mettre en œuvre des programmes de contrôle des coûts liés aux avantages sociaux, les employeurs doivent examiner attentivement la convention collective et la police d’assurance collective en place pour déterminer si les changements pourraient violer la convention collective. Bien que le pouvoir discrétionnaire administratif utilisé par un fournisseur de services d’avantages sociaux pour régler des réclamations soit généralement permis en vertu du libellé d’une convention collective et d’un régime d’avantages sociaux, les mesures qui retardent ou refusent la couverture peuvent correspondre à un changement des niveaux d’avantages sociaux et à une violation de la convention collective.
Les employeurs devraient examiner attentivement les changements fondamentaux qu’ils comptent apporter aux régimes d’avantages sociaux, planifier adéquatement leur mise en œuvre et demander conseil pour s’assurer de ne pas violer la convention collective.
Si vous avez des questions sur ce sujet, veuillez communiquer avec votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.
[1] Federation of Post-secondary Educators of BC v Post-secondary Employers’ Association, 2021 CanLII 72615 (BC LA), https://canlii.ca/t/jhh1w (disponible uniquement en anglais).