Les employeurs qui envisagent de mettre fin à l’emploi de salariés, que ce soit avec motif valable ou sans motif valable, doivent être vigilants à la suite de nouveaux développements jurisprudentiels complexes.
Dans l’affaire Gracias v. Dr. Walt Dentistry [1] , la Cour supérieure de justice de l’Ontario s’est penchée sur plusieurs questions épineuses en matière de congédiement injustifié qui ont contrarié (et souvent rendu perplexes) les employeurs tout au long de la pandémie de la COVID-19.
La cour a tranché en défaveur de l’employeur dans l’affaire Gracias sur la plupart des questions importantes, à l’exception de l’incidence de la pandémie de la COVID-19 sur le délai de préavis raisonnable de l’employé. Les employeurs devraient tenir compte des conclusions suivantes de la décision Gracias :
1. Clause de résiliation et caractère exécutoire du contrat
L’employée dans l’affaire Gracias a été congédiée sans motif valable. Son contrat de travail contenait une clause de résiliation qui limitait ses droits en cas de licenciement sans motif valable aux droits minimums prévus dans la Loi de 2000 sur les normes d’emploi (la « LNE ») [2] .
Le contrat de travail contenait également une clause stipulant que l’employée pouvait être congédiée pour motif valable sans préavis ni indemnité tenant lieu de préavis. La cour a estimé que cette clause relative au congédiement « pour motif valable » contrevenait à la LNE étant donné qu’elle ne faisait pas de distinction entre la notion de motif valable en common law et la norme législative plus élevée d’un « acte d’inconduite délibérée, d’indiscipline ou de négligence volontaire dans l’exercice [des] fonctions qui n’est pas frivole et que l’employeur n’a pas toléré »[3]. Ces critères doivent être satisfaits pour qu’un employé soit privé de ses droits minimums en vertu de la LNE.
Nonobstant la validité apparente de la clause de licenciement sans motif valable dont il était question dans l’affaire Gracias, la cour a jugé que l’invalidité de la clause de congédiement « pour motif valable » entraînait l’invalidité de la clause de licenciement dans son ensemble. Par conséquent, l’employée avait droit à un préavis considérablement plus important conformément à la notion de préavis raisonnable en common law.
La décision rendue dans l’affaire Gracias fait suite au précédent établi dans l’affaire Waksdale v. Swegon North America [4] , dont nous avons déjà traité dans deux bulletins distincts titrés « La Cour d’appel de l’Ontario met en cause le caractère exécutoire de la majorité des dispositions sur la cessation d’emploi » , et « Une décision ontarienne nous rappelle qu’il est important de revoir et de mettre à jour les clauses de cessation d’emploi » . Le résultat était le même dans l’affaire Rahman v. Cannon Design Architecture inc, une autre décision récente qui a fait suite à l’affaire Waksdale [5] .
2. Déductibilité de la PCU des dommages-intérêts pour congédiement injustifié
Dans l’affaire Gracias, l’employée a été congédiée en mars 2020, au début de la pandémie de la COVID-19. Elle a reçu 16 000 $ en prestations canadiennes d’urgence (la « PCU ») après avoir perdu son emploi.
La cour a conclu que la PCU n’était pas déductible des dommages-intérêts pour congédiement injustifié dus par l’employeur. Par conséquent, l’employée a reçu des dommages-intérêts pour préavis raisonnable sans escompte malgré le fait qu’elle avait été indemnisée par la PCU.
À la suite de la décision Gracias, une question demeure à savoir si, et dans quelles circonstances, les prestations de la PCU peuvent contribuer à une réduction des dommages-intérêts pour congédiement injustifié. Les tribunaux de l’Ontario et d’autres provinces ont rendu des décisions divergentes sur la question de savoir si la PCU peut être crédité aux fins de mitigation, souvent avec de maigres motifs à l’appui de leurs décisions respectives.
3. L’incidence de la pandémie de la COVID-19 sur les délais de préavis
Dans la décision Gracias, la cour a rejeté l’idée selon laquelle la pandémie de la COVID-19 justifie invariablement une période de préavis raisonnable plus longue en common law.
La cour a également souligné que l’incidence de la pandémie de la COVID-19 sur les secteurs du marché du travail n’était pas uniforme. Par conséquent, la question de savoir si la pandémie a nui à un marché du travail en particulier dépend des faits dans chacun des cas.
La cour a finalement accepté les preuves soumises par l’employeur selon lesquelles il existait un marché de l’emploi dynamique dans la profession de l’employée, ce qui ne justifiait pas un délai de préavis plus long.
Pour en savoir plus sur la façon dont les tribunaux ont évalué l’incidence de la pandémie sur les délais de préavis, consultez nos précédents articles, dont un publié « L’incidence de la pandémie sur les délais de préavis pour les employés licenciés » , et le second (en anglais seulement), « Ontario Court Again Considers the Impact of the Pandemic on Notice Periods for Terminated Employees» .
- revoir leurs contrats de travail et les clauses de résiliation avec un conseiller juridique afin de garantir leur conformité et leur caractère exécutoire;
- consulter un conseiller juridique avant de procéder à des cessations d’emploi, avec ou sans motifs valables.
[1] 2022 ONSC 2967
[2] Loi de 2000 sur les normes d’emploi, L.O. 2000, chap. 41
[3] Licenciement et cessation d’emploi , Règl. de l’Ont. 288/01, en vertu de la LNE
[4] 2020 ONCA 391
[5] 2022 ONCA 451