Rendant une décision importante pour les employeurs dans l’affaire Benke v. Loblaw Companies Limited, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a jugé qu’un employé n’avait pas été congédié de manière déguisée après avoir été placé en congé sans solde pour ne pas s’être conformé à une politique de port du masque obligatoire.
Les faits
En août 2020, une politique de port du masque obligatoire (la « politique du masque ») a été mise en place par Les Compagnies Loblaw limitée (« l’employeur ») en raison des effets continus de la pandémie de la COVID-19. Cette politique exigeait que les clients et les employés portent un masque lorsqu’ils se trouvaient à l’intérieur des magasins Loblaw, sous réserve de certaines exemptions, notamment pour les personnes souffrant d’un problème de santé ou d’un handicap sous-jacent qui les empêcherait de porter un masque.
L’employé était un employé de longue date de l’employeur qui devait travailler en partie en magasin et en partie à distance. Après l’entrée en vigueur de la politique du masque, l’employé a demandé une exemption en raison d’un problème de santé non diagnostiqué.
À l’appui de sa demande d’exemption, l’employé a fourni deux lettres de son médecin indiquant qu’il était incapable de porter un masque facial. Toutefois, ces lettres ne précisaient pas que la demande d’exemption de l’employé était justifiée par un problème de santé ou un handicap. Lors d’une enquête plus approfondie, l’employé aurait dit à une infirmière en santé du travail que son exemption n’était « pas médicale ». À la lumière de ces faits, l’employeur a déterminé que l’employé ne pouvait bénéficier d’une exemption relativement à la politique du masque.
En raison du refus de l’employé de se conformer à la politique du masque et de son incapacité à démontrer qu’il était admissible à une exemption, l’employeur l’a placé en congé sans solde pour une durée indéterminée. En réponse, l’employé a prétendu que cela constituait un congédiement déguisé et qu’il avait droit à des dommages-intérêts tenant lieu de préavis de congédiement. L’affaire s’est poursuivie par l’entremise d’un procès sommaire.
La décision
La Cour a déterminé que la mise en œuvre de la politique du masque et la décision de placer l’employé en congé sans solde ne constituaient pas un congédiement déguisé.
La Cour est arrivée à cette conclusion après avoir fait les constatations suivantes :
- L’employeur n’avait aucune obligation d’accommoder l’employé, car ce dernier n’avait aucune justification médicale qui lui permettrait de se prévaloir d’une exemption du port du masque. L’employé n’a produit aucune preuve d’un problème de santé ou d’un handicap à l’appui de sa demande d’exemption.
- La Cour a considéré que l’imposition par l’employeur de la politique du masque ne constituait ni une modification substantielle de la relation d’emploi, ni une violation du contrat de travail. La Cour a conclu que les responsabilités professionnelles de l’employé n’avaient pas changé, que la politique du masque était conforme aux exigences légales imposées par les autorités de santé publique et les municipalités, dont la ville de Calgary, pour limiter la propagation de la COVID-19, et que la politique du masque était analogue à d’autres politiques relatives au port du masque qui ont été jugées raisonnables par d’autres décideurs, dont le tribunal des droits de la personne de l’Alberta.
- Bien que le fait de placer l’employé en congé sans solde ait été considéré comme une modification substantielle des conditions d’emploi, la Cour a déterminé que cela ne constituait pas une violation du contrat de travail. L’essence d’un contrat de travail est qu’un employé travaillera et accomplira diverses tâches, et en retour, l’employeur paiera pour ces services. Cependant, l’incapacité de l’employé à travailler était la conséquence d’un choix volontaire de sa part, et la Cour a donc déterminé qu’il était raisonnable pour l’employeur de ne pas le rémunérer.
- En refusant de se conformer à la politique du masque, l’employé a résilié le contrat de travail. Pourtant, plutôt que d’accepter le refus de l’employé de se conformer à la politique du masque comme une résiliation de son contrat de travail et de mettre fin à son emploi, l’employeur a raisonnablement placé l’employé en congé sans solde.
La Cour a finalement jugé que même si l’employé n’avait pas explicitement démissionné de son emploi, sa démission pouvait être présumée à la lumière de ses actions, notamment le fait qu’il ait intenté cette action contre l’employeur, obtenu un emploi à temps plein auprès d’un autre employeur et rendu son véhicule de fonction.
Ce qu’il faut retenir
Il s’agit d’une décision positive pour les employeurs, qui souligne la validité et le caractère raisonnable des politiques relatives au port du masque sur le lieu de travail qui ont été mises en œuvre pour accroître la sécurité et réduire la propagation et les répercussions négatives de la COVID-19.
Lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre, ces politiques ne constituent pas un changement fondamental des conditions inhérentes à la relation de travail. Les employés qui font l’objet de mesures administratives parce qu’ils ne s’y sont pas conformés (sans exemption valable) ne seront pas nécessairement considérés comme ayant été congédiés de manière déguisée.
Les employeurs qui ont des questions sur les politiques relatives à la COVID-19 ou des questions connexes en lien avec le milieu de travail peuvent communiquer avec le groupe Travail, emploi et droits de la personne de Fasken.