Dans une décision récente[1], un tribunal des droits de la personne (le « Tribunal ») a déterminé qu’une employée ayant été congédiée en raison de sa réaction aux blagues racistes faites en sa présence avait été victime de discrimination dans son emploi.
Que s’est-il passé ?
Dans cette affaire, l’employée dont il est question travaillait à titre de conseillère à la vente dans une boutique.
Lors d’un quart de travail, alors qu’elle s’affairait à servir plusieurs clients, l’employée a entendu un client raconter une blague raciste sur les personnes noires. Le soir même, lors d’un souper entre collègues, la directrice de la boutique, soit la supérieure de l’employée, a réitéré ces mêmes propos inacceptables aux autres membres de l’équipe. L’ employée a exprimé son malaise et son désaccord avec de tels propos. Au procès, l’employée a témoigné s’être sentie estomaquée et s’être refermée sur elle-même pour le reste de la soirée.
Au quart de travail suivant de l’employée, la directrice a remarqué que l’employée n’adoptait pas l’attitude positive et bienveillante qui est attendue des employés. La directrice s’est alors excusée à l’employée en précisant qu’elle n’avait pas l’intention de la blesser en répétant cette blague. Elle accuse toutefois l’employée de prendre la situation de manière trop personnelle. Troublée par ce dernier reproche de la part de sa supérieure, l’employée a publié un commentaire sur sa page Facebook privée afin de décrire la situation, sans toutefois révéler de détails ou l’identité de l’employeur.
La directrice, après avoir pris connaissance de cette publication, a consulté la directrice des ressources humaines de l’employeur et celles-ci ont pris la décision de congédier l’employée. Le lendemain, l’employée fut questionnée par sa supérieure sur la publication Facebook et sur son comportement des derniers jours. Lors de cette rencontre, la directrice a reproché l'attitude de l'employée, qu’elle jugeait négative et inacceptable. À la fin de cette rencontre, elle lui a remis une lettre de congédiement.
À la suite de son renvoi, l’employée a porté plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (ci-après la « Commission ») pour congédiement discriminatoire fondé sur la race et la couleur.
Qu’est-ce que le Tribunal a décidé ?
En l’espèce, le Tribunal conclut que la preuve établit clairement que l’employeur a congédié l’employée en raison de sa réaction aux blagues racistes dites en sa présence.
Or, la jurisprudence est à l’effet que le congédiement d’un employé en raison de sa réaction à de la discrimination vécue constitue de la discrimination interdite par la Charte des droits et libertés (ci-après la « Charte »). En effet, le Tribunal mentionne dans ses motifs qu’« un employeur ne peut exiger d’une employée blessée par un comportement raciste au travail ou à l'occasion du travail, qu'elle agisse comme si elle n'en souffrait pas[2] ». Bien qu’il puisse exiger que l’employée exécute son travail de façon professionnelle, il doit également l’accommoder pour lui laisser un temps raisonnable pour se remettre de l’événement.
Ainsi, le Tribunal détermine qu’en congédiant l’employée, l’employeur a porté atteinte à son droit à la reconnaissance et à l'exercice de ses droits liés à son emploi et ses conditions de travail, sans distinction ou exclusion fondée sur la race ou la couleur. Le Tribunal retient également que, depuis la fin de son emploi, l’employée « a modulé ses choix et son comportement afin d'éviter de subir à nouveau les conséquences d'une réaction qu'elle pourrait avoir face à un comportement raciste à son égard[3] ».
Le Tribunal condamne donc solidairement la directrice ainsi que l’employeur à payer 10 000 $ en dommages moraux afin de compenser le préjudice subi par l’employée.
Le Tribunal refuse toutefois d’accorder des dommages punitifs, puisqu’il ne détecte aucune malveillance de la part de la directrice ou de l’employeur. Par ailleurs, le Tribunal ordonne à l’employeur d'adopter ou de mettre à jour une politique visant à contrer la discrimination en emploi.
Ce qu’il faut retenir
Cette décision permet de rappeler aux employeurs qu’ils ont une obligation de protéger leurs employés contre les effets de la discrimination dans le milieu de travail. Dans le cas où un employé serait victime de discrimination, un employeur devrait évaluer la situation au cas par cas avant de prendre les mesures appropriées.
Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, n’hésitez pas à consulter votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.