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Être ou ne pas être (vacciné)

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Comme l’a récemment annoncé le gouvernement fédéral, depuis le 1ᵉʳ octobre 2022, toutes les restrictions liées à la COVID-19 à la frontière – y compris la vaccination et l’utilisation obligatoire d’ArriveCAN, ainsi que toutes les exigences en matière de tests de dépistage, de quarantaine et d’isolement – ont pris fin pour tout voyageur qui entre au Canada, que ce soit par voie terrestre, aérienne ou maritime.

Il s’agit d’une bonne nouvelle, car les effets de la pandémie semblent s’atténuer et un retour à l’époque prépandémique semble se profiler à l’horizon. Cependant, pour de nombreux employeurs, la pandémie a conduit à la mise en place de nouvelles mesures en milieu de travail, comme des politiques de vaccination obligatoire ou hybride et une preuve de vaccination comme condition d’emploi. Parallèlement, la hausse substantielle du travail à distance ou du travail hybride semble désormais bien ancrée.

Comme la menace de la COVID-19 diminue et qu’on réclame à grands cris un retour à la normale, est-il temps d’abandonner toutes les politiques et les mesures de protection en milieu de travail liées à la COVID-19? Peut-être pas dans tous les milieux de travail.

Obligations de l’employeur en vertu de la législation en matière de santé et de sécurité au travail   

En vertu des lois provinciales sur la santé et la sécurité au travail, les employeurs ont l’obligation d’assurer la santé et la sécurité de tous les travailleurs. Par exemple, en Ontario, en vertu de l’alinéa 25 (2) h) de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (la « Loi »), un employeur doit prendre « toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour assurer la protection du travailleur ». Les travailleurs ont également une obligation connexe en vertu de l’alinéa 28 (1) a) de travailler conformément aux dispositions de la Loi. De plus, les employeurs ont le devoir, en vertu de l’alinéa 25 (1) c) de la Loi, de veiller à ce que les mesures et les méthodes prescrites soient observées dans le lieu de travail.

Même si la COVID-19 est désormais entrée dans notre quotidien, la maladie et ses nombreux variants ont encore de graves conséquences sur la santé et les employeurs sont en droit d’en tenir compte lorsqu’ils doivent déterminer comment protéger la santé et la sécurité de leurs travailleurs.

Cependant, tous les milieux de travail ne sont pas identiques et de nombreuses exigences conviendront différemment aux diverses professions et industries. Et nous savons tous très bien qu’il n’existe pas de politique ou de mesure universelle. Comme le suggèrent quelques cas récents, les arbitres ont tendance à adopter une approche prudente en ce qui concerne le retour au travail, ce qui peut être une bonne nouvelle pour les employeurs qui envisagent d’annuler leurs politiques de vaccination.

Tendances jurisprudentielles récentes

Plusieurs décisions d’arbitrage en matière de droit du travail ont été rendues relativement au caractère raisonnable des politiques de vaccination obligatoire en milieu de travail.

Au moins un arbitre a récemment conclu, dans l’affaire FCA Canada Inc. v. Unifor, Locals 195, 444, 1285, 2022 CanLII 52913 (disponible en anglais seulement), qu’une politique de vaccination à deux doses n’était plus justifiée à compter du 25 juin 2022 compte tenu de son efficacité contre Omicron. Toutefois, la plupart des décisions tendent à être favorables aux politiques de vaccination, à condition qu’elles soient bien définies et respectent la législation en matière des droits de la personne. Dans cette décision, l’arbitre Nairn a indiqué que les employeurs prévoyants devraient inclure [traduction] « un mécanisme reconnu de révision périodique et continue dans une politique de vaccination obligatoire ».

Dans une autre affaire, BC Hydro and Power Authority et Powertech Labs Inc. v. MOVEUP (Canadian Office & Professional Employees' Union Local 378), 2022 CanLII 91093 (disponible en anglais seulement), un arbitre a conclu que diverses catégories d’employés ne devraient pas être assujetties à une politique de vaccination obligatoire les plaçant en congé, notamment les employés qui peuvent travailler à domicile ou à l’extérieur et qui n’ont aucun contact direct avec les autres.

Cela dit, les arbitres ont généralement maintenu les politiques de vaccination obligatoire dans des affaires postérieures à l’arrivée du variant Omicron. Toutefois, les politiques qui entraînent un congédiement pour non-conformité ont tendance à être perçues moins favorablement que celles qui mènent à un congé administratif sans solde.

C’était notamment le cas dans l’affaire Toronto Professional Fire Fighters' Association, I.A.A.F. Local 3888 and City of Toronto, 2022 CanLII 78809 (disponible en anglais seulement), où une politique de vaccination obligatoire exigeait que tous les employés, bénévoles et étudiants travaillant pour la Ville de Toronto se voient administrer deux doses d’un vaccin contre la COVID-19 approuvé, sous réserve d’exemptions relatives aux droits de la personne. Les employés de la Ville qui ne se conformaient pas à cette politique allaient faire l’objet d’une suspension disciplinaire sans solde jusqu’à ce qu’ils prennent les mesures nécessaires pour s’y conformer, à défaut de quoi ils seraient congédiés pour motif valable. Conséquemment, 13 pompiers ont été congédiés pour non-conformité à la politique.

L’arbitre Rogers a conclu que l’exigence faisant de la vaccination complète une condition d’emploi pour les pompiers « était et continue d’être raisonnable »[1]. Toutefois, il a également conclu que les mécanismes d’application étaient déraisonnables, à savoir une suspension disciplinaire menant au congédiement pour les personnes ne respectant pas systématiquement la politique. L’arbitre Rogers a plutôt suggéré qu’une solution de rechange raisonnable au congédiement aurait pu inclure [traduction] « le retrait des employés ne se conformant pas à la politique de l’emploi actif – une conséquence largement soutenue dans la jurisprudence arbitrale »[2].

De plus, dans l’affaire Wilfred Laurier University v. United Food and Commercial Workers Union, 2022 CanLII 69168 (disponible en anglais seulement), l’université exigeait que tous les employés existants soient entièrement vaccinés pour pouvoir accéder aux installations de l’université ou pour y travailler en personne, à moins d’avoir une exemption approuvée[3]. Les employés qui n’étaient pas vaccinés pouvaient faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement pour motif valable.

L’arbitre Wright a conclu que la politique constituait un exercice raisonnable des droits de l’employeur conformément au critère énoncé dans KVP[4]. L’arbitre Wright a souligné que le retrait du test antigénique rapide en faveur d’une politique de vaccination obligatoire dans le contexte du milieu universitaire était raisonnable en raison des conséquences sanitaires majeures de la COVID-19 et des conseils du médecin hygiéniste en chef. Citant les paroles du médecin hygiéniste en chef, l’arbitre Wright a déclaré que la vaccination est [traduction] « la mesure de santé publique la plus efficace pour réduire la propagation de la COVID-19 ».

Dans le cas des employés non syndiqués, dans une décision canadienne récente, Parmar v. Tribe Management Inc., 2022 BCSC 1675 (disponible en anglais seulement), le tribunal a examiné si un employé pouvait prétendre à un congédiement déguisé après avoir été placé en congé sans solde pour ne pas avoir respecté une politique de vaccination obligatoire.

Le tribunal a déclaré que de telles politiques ne devaient pas être parfaites, mais qu'elles doivent établir un équilibre entre la santé et la sécurité collectives des travailleurs et les croyances personnelles. S’exprimant au nom de la Cour, l’honorable juge MacNaughton a déclaré :

[traduction]« Les opinions individuelles sur le caractère approprié des politiques de vaccination obligatoire de Tribe Management (Tribe) ne remettent pas en cause le caractère raisonnable de la politique, et les croyances personnelles d’un employé ne peuvent primer sur les préoccupations en matière de santé et de sécurité qui sont à la base de ces politiques».

Concernant le caractère raisonnable de la politique de vaccination obligatoire, le tribunal a également conclu ce qui suit :

« La politique de vaccination obligatoire reflétait l’approche dominante à ce moment-là. Elle établissait un équilibre approprié entre les intérêts commerciaux de Tribe, le droit de ses employés à un environnement de travail sécuritaire, les intérêts de ses clients et les intérêts des résidents des propriétés dont la société assurait l’entretien. Elle a également satisfait à sa responsabilité d’entreprise citoyenne[5] ».

Comme cette affaire ne portait pas sur le congédiement éventuel pour défaut de se conformer, il reste à voir si des sanctions aussi sévères seront appliquées par les tribunaux et les arbitres pour les employés non syndiqués. 

Facteurs à considérer

Avant de retirer toute politique ou mesure, les employeurs devraient se poser les questions suivantes :

  • Cette politique contribue-t-elle à protéger plus efficacement la santé et la sécurité au travail ainsi que celles des visiteurs?
  • Cette politique est-elle conforme à nos obligations en vertu de la législation sur les droits de la personne?
  • Notre secteur exige-t-il des mesures plus strictes en ce qui concerne la santé et la sécurité de notre personnel et de notre clientèle? Travaillons-nous avec des personnes particulièrement vulnérables à la COVID-19 ou leur fournissons-nous des services?
  • Quel est notre modèle d’organisation du travail : au bureau, à distance ou hybride?
  • Y a-t-il eu des éclosions de COVID-19 ayant entraîné des perturbations au sein de la main-d’œuvre?
  • Sommes-nous en mesure d’offrir une plus grande flexibilité, tout en maintenant les obligations visant à protéger les gens sur le lieu de travail?

Les politiques doivent être revues et révisées en fonction des nouvelles preuves, informations et circonstances changeantes. Il est important que les employeurs demeurent vigilants et revoient leurs politiques de vaccination obligatoire afin de s’assurer de respecter leurs obligations en vertu de la législation sur la santé et la sécurité ainsi que sur les droits de la personne.

Si vous avez des questions sur les politiques de vaccination obligatoire ou sur les décisions récentes à cet égard, n’hésitez pas à communiquer avec l’auteur de cet article ou avec votre avocat de Fasken.



[1] Toronto Professional Fire Fighters’ Association, I.A.A.F. Local 3888 and City of Toronto (non publiée), par. 262.

[2] Ibid, par. 264.

[3] 2022 CanLII 69168 (Wilfred Laurier).

[4] Ibid, par. 16.

[5] Tribe, par. 137.

 

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Auteur

  • Jacob Wagner, Avocat, Toronto, ON, +1 416 865 5410, jwagner@fasken.com

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