Dans l’affaire Osmani v. Universal Structural Restorations Ltd. (en anglais), un tribunal ontarien a rejeté une plainte selon laquelle un employeur avait commis un délit de traite de personnes à l’égard d’un travailleur étranger temporaire.
Contexte
Le plaignant est né en Albanie. Il est arrivé au Canada en 2017 et a commencé à travailler pour son employeur en décembre 2018. Il a d’abord été embauché « officieusement » comme ouvrier, mais a finalement obtenu le statut de travailleur étranger temporaire en février 2019.
Le plaignant soutenait avoir été victime de comportements humiliants, dégradants et gênants de la part de son superviseur direct tout au long de son emploi, notamment sous forme de :
- propos dévalorisants et discriminatoires au sujet de ses origines et de sa nationalité;
- propos blasphématoires;
- menaces liées à son statut d’immigrant;
- mesures visant à l’empêcher d’obtenir une indemnisation de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT);
- agressions physiques (dont un coup de poing porté à un testicule qui a entraîné une ablation chirurgicale) devant des collègues.
Entre autres réclamations, le plaignant a demandé des dommages-intérêts de 100 000 $ à l’encontre de son employeur pour le délit de traite de personnes qui est contraire à la Loi de 2017 sur la prévention de la traite de personnes et les recours en la matière (la « loi »).
Le délit de traite de personnes
En vertu de la loi, une victime de la traite de personnes peut intenter une action contre toute personne (ce qui inclut une société ou un employeur) qui s’est livrée à la traite de personnes. La traite de personnes désigne une personne qui exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d’une personne en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation. Il y a exploitation lorsque les agissements en question peuvent raisonnablement faire croire à la personne qu’un refus de sa part de fournir le travail ou les services demandés mettrait en danger sa sécurité physique ou psychologique.
Si un tribunal conclut qu’il y a eu traite de personnes, il peut accorder des dommages-intérêts à la victime, y compris des dommages-intérêts généraux, spéciaux, majorés et punitifs.
Le plaignant a fait valoir que son employeur avait exploité – directement, et par l’entremise de son superviseur – sa situation qui le rendait vulnérable en tant que travailleur étranger temporaire. Bref, il soutient avoir été victime de traite de personnes.
Aux fins d’étayer son argument, le plaignant a déclaré ce qui suit :
- il a été tenu de payer les frais associés à son permis de travail;
- il a reçu un salaire en espèces inférieur au montant convenu;
- on lui a demandé de rembourser 2 $ l’heure pour les heures travaillées;
- il a reçu des directives sur la façon de présenter sa demande à la CSPAAT;
- il a été contraint de travailler dans un environnement toxique sous la direction d’un superviseur abusif;
- il craignait de dénoncer son employeur, car il ne voulait pas risquer de perdre son permis de travail.
Décision
Le tribunal a rejeté la plainte pour traite de personnes contre l’employeur. Plus particulièrement, il a indiqué ce qui suit :
- Le plaignant était un employé rémunéré de l’employeur;
- le salaire et les conditions de travail du plaignant étaient équivalents à ceux de ses collègues;
- à l’exception des directives habituelles que reçoit un employé de la part de son employeur, les mouvements du plaignant n’étaient pas contrôlés, ordonnés ou influencés par son employeur;
- il n’y avait aucune preuve que l’employeur avait l’intention d’exploiter le plaignant ou de faciliter son exploitation;
- aucun des agissements de l’employeur n’aurait pu raisonnablement faire croire à une personne dans la situation du plaignant que sa sécurité serait menacée si elle ne fournissait pas le travail ou les services demandés à l’employeur.
Malgré le rejet de la plainte en matière de traite de personnes, l’employeur a été tenu de verser des dommages-intérêts importants au plaignant pour d’autres causes d’action, y compris pour congédiement déguisé, des violations du Code des droits de la personne de l’Ontario et les délits de voies de fait et coups et blessures.
Points à retenir pour les employeurs
Cette décision est un rappel important pour les employeurs ontariens que le délit civil de traite de personnes s’applique aux cas de traite de travailleurs et que les employés peuvent en bénéficier. Bien qu’aucun employeur ontarien n’ait encore été reconnu coupable de délit de traite de personnes, cette décision témoigne de l’attention accrue portée aux normes et conditions de travail des employés les plus vulnérables, notamment les travailleurs touchant un faible salaire et ayant un statut d’immigrant temporaire.
Si vous avez des questions au sujet de cette décision, veuillez communiquer avec l’auteur de cet article ou avec votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.