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Plans multiples d’équité salariale : la première décision rendue accueille (et rejette) la demande de l’employeur

Fasken
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Bulletin du travail, emploi et droits de la personne

La commissaire intérimaire à l’équité salariale fédérale (la « commissaire ») a rendu sa première décision, très attendue, en application de la nouvelle Loi sur l’équité salariale (la « Loi ») : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Unifor, le Syndicat des Métallos, la Fraternité internationale des ouvriers en électricité et la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (la « décision relative au CN »). La commissaire a accueilli partiellement la demande de l’employeur, qui souhaitait établir plusieurs plans d’équité salariale.

La commissaire a été chargée d’évaluer la demande de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le « CN ») visant à obtenir l’autorisation d’établir des régimes d’équité salariale distincts pour les groupes suivants :

  1. les conducteurs, les mécaniciens de locomotive et les coordonnateurs de la circulation, qui sont représentés par la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (la « CFTC »);
  2. tous les autres employés syndiqués;
  3. les employés de la Division des investissements;
  4. tous les autres employés non syndiqués. 

La commissaire a accueilli la proposition du CN visant à établir un plan distinct d’équité salariale pour les employés de la Division des investissements, mais a rejeté la proposition de séparation entre les conducteurs, mécaniciens, coordonnateurs et autres groupes d’employés syndiqués et les autres employés non syndiqués.

Cette décision fournit un aperçu critique de l’analyse qui sera appliquée par la commissaire lors de l’évaluation des demandes de plans multiples, y compris les justifications et les preuves potentielles qui seront requises pour appuyer les demandes. 

Obligations de l’employeur prévues dans la Loi

Comme nous l’expliquons dans nos bulletins précédents (Se préparer à la nouvelle loi fédérale sur l’équité salariale et The Federal Pay Equity Act is in Force: What Now? (en anglais seulement)), la nouvelle Loi accorde aux employeurs sous réglementation fédérale trois ans (soit, pour la plupart des employeurs, jusqu’au 3 septembre 2024) pour élaborer un plan d’équité salariale afin d’identifier et de corriger, s’il y a lieu, les écarts salariaux fondés sur le sexe pour les employés occupant des postes dans des catégories d’emploi à prédominance féminine. Dans le cas des employeurs comptant plus de 100 employés ou dont les employés sont syndiqués, ce plan d’équité salariale doit être élaboré par un comité mixte employeur-employés qui comprend au moins un représentant pour chaque agent négociateur (le cas échéant) et au moins un représentant pour les employés non syndiqués.

Demande de plans multiples en vertu de la Loi

Aux termes de la Loi, chaque employeur doit établir un seul plan d’équité salariale à l’égard de ses employés. Toutefois, la Loi établit un processus par lequel les employeurs peuvent demander au commissaire d’autoriser l’établissement de plusieurs plans d’équité salariale (et donc plusieurs comités d’équité salariale, si l’employeur est tenu de constituer un comité d’équité salariale). 

Le ou la commissaire doit rejeter une demande de plans multiples s’il ou elle est d’avis que l’établissement de plus d’un plan d’équité salariale empêcherait l’employeur d’identifier suffisamment de catégories d’emploi à prédominance masculine pour permettre la comparaison de la rémunération pour chacun des plans. Si la demande respecte ce seuil, le ou la commissaire peut autoriser l’établissement de plus d’un plan d’équité salariale s’il ou elle est d’avis que les circonstances le justifient, compte tenu de l’objet de la Loi.

Points saillants de la décision relative au CN

La question du seuil : suffisamment de comparateurs masculins

La décision relative au CN fournit des indications importantes concernant l’interprétation des deux branches du critère juridique à appliquer. En ce qui concerne le seuil, la commissaire a conclu que, à la lumière de son interprétation de la Loi, la question à trancher est celle de savoir :

« si des plans multiples rendraient impossible de satisfaire pleinement à la comparaison de la rémunération entre les catégories d’emploi à prédominance masculine et féminine en raison d’un nombre insuffisant de catégories d’emploi à prédominance masculine dans chacun des plans proposés. »

Compte tenu de la preuve dont elle disposait, qui indiquait que plus de 90 % des employés du CN sont des hommes et que la majorité des employés de chacun des quatre plans seraient probablement des hommes, la commissaire a appliqué ce critère et a conclu qu’il y avait « suffisamment » de catégories d’emplois à prédominance masculine dans tous les plans d’équité salariale proposés.

Approprié dans les circonstances : l’exercice du pouvoir discrétionnaire

La commissaire a également fourni des indications sur la deuxième étape de l’analyse, à savoir les facteurs qui peuvent être pertinents pour déterminer si l’établissement de plus d’un plan d’équité salariale est « approprié dans les circonstances ». Elle a confirmé que les circonstances justifiant l’établissement de plans multiples ne sont pas fixées et que chaque demande sera analysée en fonction de ses circonstances particulières. Dans son analyse, la commissaire a formulé les observations suivantes :

  • les facteurs qui sous-tendent les divers besoins des employeurs, comme les disparités régionales, les structures de négociation complexes ou les communautés d’intérêts, seront pris en compte, mais ne sont pas déterminants;
  • l’impact que les plans multiples pourraient avoir sur le renforcement de la ségrégation professionnelle entre les sexes sera une considération importante;
  • la considération cruciale sera de savoir si les plans proposés servent à redresser de manière proactive la discrimination systémique fondée sur le sexe sur le lieu de travail.

Rejet de la demande de séparation des activités de la chaîne d’approvisionnement

La demande d’autorisation du CN établissait des plans d’équité salariale distincts pour les conducteurs, mécaniciens et coordonnateurs représentés par la CFTC, les autres employés syndiqués et les employés non syndiqués pour deux motifs principaux : la différence des intérêts de ces groupes d’employés et les gains d’efficacité qui seraient réalisés en ayant différents plans pour les différents groupes.  

Pour rejeter cette proposition, la commissaire s’est principalement appuyée sur des éléments de preuve qui démontrent que la grande majorité des femmes au sein de l’effectif du CN occupent des catégories d’emploi historiquement associées à des « travaux de femmes », comme les ressources humaines, les services administratifs et organisationnels, et qui sont rarement syndiquées. La commissaire a conclu que le fait de placer les catégories d’emplois à prédominance féminine dans un seul régime sans comparateurs masculins syndiqués renforcerait la ségrégation professionnelle créée par des structures de négociation fragmentées, ce qui irait à l’encontre de l’objet de la Loi. Par conséquent, il ne s’agissait pas d’un cas où il convenait d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accueillir la proposition, soit d’établir des plans distincts pour les groupes de conducteurs, mécaniciens et coordonnateurs représentés par la CFTC, les autres employés syndiqués et les employés non syndiqués. La commissaire a estimé que les défis associés à l’exercice d’équité salariale dans un seul plan pour l’ensemble du groupe d’employés des activités de la chaîne d’approvisionnement du CN ne représentaient pas une raison suffisante pour l’emporter sur la préoccupation de ségrégation professionnelle.

Approbation d’une exception pour la Division des investissements

La commissaire a accepté la proposition du CN concernant l’établissement d’un plan d’équité salariale distinct pour sa Division des investissements principalement en raison du fait que cette division est suffisamment distincte de l’activité principale du CN, soit les « activités de la chaîne d’approvisionnement ». Plus particulièrement, la commissaire s’est appuyée sur les facteurs clés suivants : 

  • Mandat distinct : la Division des investissements est responsable de la gestion de la caisse de retraite à prestations déterminées du CN et ne participe pas aux activités de la chaîne d’approvisionnement du CN;
  • Gestion indépendante : la Division des investissements a son propre chef de la direction qui est responsable de la gestion et de l’exploitation indépendantes de la Division et qui rend compte directement au conseil d’administration;
  • Ressources humaines distinctes : la Division des investissements dispose de son propre système de ressources humaines et de ses propres structures de rémunération; elle ne dépend pas du rendement financier des activités de la chaîne d’approvisionnement du CN pour évaluer les incitatifs pour ses employés ou mesurer son rendement financier.

La commissaire a également conclu que la proposition d’établissement d’un plan distinct d’équité salariale pour la Division des investissements ne soulève pas le risque de renforcer la ségrégation fondée sur le sexe au travail, car la proposition du CN pour la Division des investissements traite cette opération comme un tout, en ce sens que toutes les catégories d’emploi sont contenues dans le même plan, ce qui permet le type d’évaluation et de comparaison envisagé par la Loi.

Points à retenir pour les employeurs

Dans la décision relative au CN, la commissaire rappelle aux employeurs que chaque demande de plans multiples sera analysée en fonction de ses circonstances particulières. Toutefois, la décision leur envoie également un message clair : les demandes de plans multiples doivent reposer sur les réalités commerciales et des considérations liées aux relations de travail, mais doivent être aussi ancrées fondamentalement dans la théorie de l’équité salariale. Les employeurs qui envisagent de présenter une demande pour plusieurs plans d’équité salariale doivent donc être prêts à démontrer – avec des preuves concrètes – qu’à la lumière de l’objet de la Loi et de la théorie de l’équité salariale de façon plus générale, il est justifié que le ou la commissaire autorise l’établissement de plusieurs plans.

Si vous avez des questions au sujet de la décision relative au CN ou si vous avez besoin de conseils à n’importe quelle étape du processus en matière d’équité salariale, veuillez communiquer avec les auteures du présent article ou avec votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.

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  • Jackie VanDerMeulen, Associée, Toronto, ON, +1 416 865 5402, jvandermeulen@fasken.com
  • Sophie Arseneault, Associée, Ottawa, ON, +1 613 696 6904, sarseneault@fasken.com
  • Rebecca Rossi, Avocate, Toronto, ON, +1 416 868 3534, rrossi@fasken.com

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