Le projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne, a franchi l’étape de la troisième lecture à la Chambre des communes et au Sénat et devrait bientôt déclencher la tenue des audiences les plus transformatrices en matière de réglementation de la radiodiffusion depuis une génération. Le projet de loi C-11 prévoit de nombreuses modifications à la Loi sur la radiodiffusion qui visent, entre autres, à adapter le cadre réglementaire de la radiodiffusion du Canada à l’ère numérique.
Une grande partie du projet de loi C-11 n’a pas causé de surprise pour les observateurs du secteur et de la politique publique lorsqu’il a été présenté en avril 2022. Bon nombre de ses dispositions figuraient également dans des dispositions législatives déjà présentées en 2020 (dans le projet de loi C-10) et trouvent leur origine dans les recommandations du rapport final du groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications de janvier 2020.
Réglementation des services de radiodiffusion numérique en tant qu’« entreprises en ligne »
Le projet de loi C-11 confère au CRTC de nouveaux pouvoirs distincts, dont l’autorité expresse de réglementer les services de diffusion continue en ligne. Voici quelques-uns de ces principaux nouveaux pouvoirs applicables aux entreprises en ligne :
- Ajout des entreprises en ligne dans le champ d’application de la loi. Le projet de loi établit une nouvelle catégorie d’entités réglementées, appelées « entreprises en ligne ». Une entreprise en ligne est une entreprise de transmission « d’émissions par Internet destinées à être reçues par le public [...] ». Les entreprises en ligne peuvent être réglementées par le CRTC si elles transmettent ou retransmettent des émissions par Internet auprès du public, tant qu’elles sont radiodiffusées « en tout ou en partie » au Canada.
- Réglementation de la radiodiffusion en ligne. Le CRTC sera notamment habilité à :
- Exiger que les entreprises en ligne fassent des dépenses financières pour soutenir la production d’émissions canadiennes;
- Imposer des « modalités de service » à toutes les entreprises de radiodiffusion, y compris les entreprises en ligne, concernant la proportion d’émissions canadiennes qu’elles distribuent ainsi que la « découvrabilité » de ces émissions et la façon dont elles sont présentées au public pour sélection;
- Exiger, sans modalités, que les exploitants d’entreprises en ligne qui fournissent des services de programmation provenant d’autres entreprises de radiodiffusion offrent certains services de programmation déterminés par le CRTC.
- Nouvelles pénalités à la disposition du CRTC. Le projet de loi C-11 fournit également au CRTC de nouveaux outils d’application et de surveillance, y compris une autorisation explicite d’appliquer des sanctions administratives pécuniaires (SAP) en cas de non-conformité.
Fait important, le projet de loi C-11 ne propose aucune forme de réglementation directe du contenu des utilisateurs sur les médias sociaux et ne rend pas les services de médias sociaux responsables du contenu publié par leurs utilisateurs.
Il reste à voir si les modifications à la loi encourageront le CRTC à envisager d’assouplir ou de réduire les obligations réglementaires qui ont déjà été adoptées pour les entreprises de radiodiffusion traditionnelles dans le cadre de son examen continu de ces cadres réglementaires.
Les comités parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat effectuent des examens distincts et adoptent des modifications
En 2022, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes (comité de la Chambre) et le Comité permanent des transports et des communications du Sénat (comité du Sénat) ont chacun mené une étude du projet de loi C-11 et ont proposé des modifications durant l’examen article par article.
Les deux comités ont débattu de la question du contenu généré par les utilisateurs, et de nombreux témoins ont dit craindre que ce type de contenu soit assujetti à la réglementation par suite de l’adoption du projet de loi. Aucun des comités n’a adopté de modifications traitant explicitement de cette préoccupation.
De même, la question de la découvrabilité a été abordée et des inquiétudes ont été soulevées quant au pouvoir du CRTC d’imposer des modalités qui pourraient indirectement obliger les entreprises en ligne à ajuster ou à manipuler leurs algorithmes pour atteindre des objectifs de politique publique. Malgré ces préoccupations, aucune modification importante liée à la question des algorithmes n’a été adoptée.
Les comités de la Chambre et du Sénat ont toutefois amendé le projet de loi C-11 afin d’améliorer les objectifs de la loi en matière de diversité et de faire en sorte que les expériences uniques des personnes noires, des personnes autochtones, d’autres personnes racisées ainsi que des personnes en situation de handicap au Canada soient adéquatement représentées dans le système canadien de radiodiffusion.
En fin de compte, ni le comité de la Chambre ni celui du Sénat n’ont adopté de modifications qui transformeront le projet de loi C-11 et la tâche imminente du CRTC, soit d’élaborer des cadres réglementaires qui imposeront des modalités de service aux entreprises en ligne qui se livrent à des activités de radiodiffusion numérique au Canada.
En attente de la réaction du CRTC
À l’heure actuelle, on ne sait pas comment le CRTC utilisera ce nouveau pouvoir d’imposer des modalités aux entreprises en ligne et, surtout, on ignore les répercussions qu’aura ce changement sur l’avenir de l’environnement réglementaire encadrant les entreprises de radiodiffusion canadiennes traditionnelles. Le CRTC impose des exigences importantes en matière de licences et de réglementation à ces entreprises traditionnelles depuis des décennies. Une série d’audiences du CRTC véritablement transformatrices est probablement en préparation.
L’équipe Droit des communications de Fasken continuera de surveiller l’évolution du projet de loi C-11 et publiera d’autres bulletins lorsque le CRTC entamera des procédures pour mettre en œuvre les changements réglementaires découlant des modifications apportées à la Loi sur la radiodiffusion.