Dans l'arrêt rendu récemment par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Hazan c. Micron Technology Inc. et al. [1], la Cour d'appel a confirmé le jugement prononcé en première instance par la Cour supérieure, laquelle avait rejeté une demande d'autorisation d'exercer une action collective qui alléguait l'existence d'un complot pour fixer les prix de puces de mémoire vive dynamique (« DRAM », pour dynamic random access memory).
Normalement, les personnes qui déposent une demande d'autorisation d'exercer une action collective en matière de fixation des prix vont se fier sur quelque chose de tangible pour démontrer qu'il y a bel et bien eu un tel complot, comme par exemple un plaidoyer de culpabilité, une amende ou une accusation; dans la présente affaire, le demandeur n'a rien fait de tel, il n'a allégué aucun fait précis ou élément de preuve au soutien de ses allégations vagues ou générales d’inconduites de la part de défendeurs. Cela a été fatal.
Faits
Le demandeur a allégué que les sociétés défenderesses avaient participé à un complot pour fixer les prix des DRAM et il a mentionné qu'il y avait eu une enquête sur le sujet en Chine sans toutefois élaborer sur la nature de cette enquête ni sur les résultats de celle-ci.
Au contraire, le demandeur a simplement avancé la proposition selon laquelle l'industrie de la fabrication de DRAM en était une qui était propice à des complots de ce type. Le demandeur a également fait état des variations dans les prix des DRAM pendant la période en cause, de 2016 à 2018. Le demandeur n'a pas appuyé ses allégations de faits tangibles ou d’éléments de preuve quelconque à l’effet que les défendeurs auraient participé à un complot.
La Cour supérieure a conclu que les allégations de fautes étaient insuffisantes, même pour le seuil peu élevé au stade de l’autorisation d'une action collective. Pour reprendre les mots du juge de première instance : « zéro fois zéro donne zéro. » [2] Autrement dit, le simple fait de dire que les défendeurs ont comploté pour fixer le prix des DRAM, sans aucun élément de preuve à l'appui, ne constitue pas la démonstration d'une preuve suffisante permettant au tribunal de conclure à une cause défendable au stade de l'autorisation.
Des allégations insuffisantes, même si tenues pour avérées
La Cour d'appel débute son analyse en répétant quelle est la norme de contrôle à laquelle elle s'astreint quand il s'agit de réviser un jugement de la Cour supérieure qui rejette une demande d'autorisation d'exercer une action collective, à savoir qu'elle n'intervient que dans les cas où le juge de première instance a commis une erreur de droit ou si son évaluation des critères d'autorisation de l'article 575 du Code de procédure civile est clairement erronée.
En l'espèce, la Cour d'appel est du même avis que la Cour supérieure; les allégations du demandeur, même en les tenant pour avérées, sont insuffisantes pour démontrer qu'il y a en l'espèce une cause défendable. La Cour supérieure a correctement appliqué les enseignements de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Infineon Technologies AG v. Option consommateurs [3], lesquels disent bien que même si le seuil d'autorisation d'une action collective est peu élevé, de simples affirmations sont insuffisantes si elles ne sont pas appuyées de bases factuelles.
Or, en l’espèce, il n'y a aucun élément de preuve de quelque nature que ce soit et la Cour d'appel conclut que l’appel doit être rejeté.
Conclusion
Cette affaire nous rappelle qu'une demande d'autorisation basée sur des allégations générales ou des spéculations, sans qu'on y apporte une « certaine preuve » au soutien de l'existence d'un complot est insuffisante, même pour passer la barre relativement basse de l'autorisation qui existe au Québec. En fait, si aucune autorité publique quelconque n'a identifié un complot de ce genre pour justifier des sanctions ou des enquêtes, des allégations générales de l'existence d'un complot international ne suffiront pas pour autoriser l'exercice d'une action collective.
Le demandeur peut toujours présenter une demande d'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada.
[1] Hazan c. Micron Technology inc., 2023 QCCA 132
[2] Hazan c. Micron Technology inc., 2021 QCCS 2710, paragr. [63]
[3] 2013 SCC 59