En novembre 2022, la société de recherche et développement en intelligence artificielle (« IA ») OpenAI a lancé ChatGPT, un outil d’IA. ChatGPT a rapidement gagné en popularité, atteignant le million d’utilisateurs en seulement cinq jours. ChatGPT est un robot conversationnel alimenté par l’IA qui peut générer de nouvelles réponses cohérentes en s’appuyant sur un vaste ensemble de données écrites provenant d’Internet. L’outil emploie un modèle de génération de langues naturelles, ce qui signifie que l’IA qui sous-tend le robot passe au peigne fin d’énormes quantités de données non seulement pour traiter les données, mais aussi pour évaluer les relations entre les mots et la façon dont ils se présentent en séquences. En fonction de cette évaluation, le robot génère ensuite des réponses aux demandes et aux questions. ChatGPT peut ainsi formuler des réponses cohérentes et parfois détaillées, et apprendre de la rétroaction qu’il reçoit des utilisateurs. Bien que la technologie en soit encore à ses balbutiements, elle offre de nombreuses possibilités d’application et le secteur juridique en a pris bonne note.
Comment ChatGPT pourrait-il être utilisé en droit? Eh bien, les avocats sont soumis à une pression constante pour fournir des services rapides, rentables et axés sur les résultats... Dans le monde des affaires, au cours du cycle de vie d’une opération, énormément d’heures sont consacrées à l’analyse de documents, à la recherche, à la vérification diligente et à la correspondance. Le jour où ChatGPT aura accès à un ensemble de données plus large, il sera en mesure d’automatiser ces tâches. ChatGPT permet aux utilisateurs d’examiner des documents, d’observer des tendances dans des ensembles de données et de documents, de mettre en évidence les principaux éléments d’information et de rédiger des résumés à envoyer aux clients par courriel, et ce, en quelques instants. Bien entendu, le contenu produit par ChatGPT devra être vérifié; inévitablement, il comportera des erreurs et passera à côté d’enjeux clés. N’empêche qu’il est clair que l’outil présente un potentiel de rationalisation des axes de travail et de réduction du temps et des fonds consacrés à l’examen des documents, à la recherche et à la correspondance. Pour cette raison, des cabinets d’avocats ont déjà déployé des outils équivalents, comme « Harvey » (développé à l’aide de technologies d’OpenAI), un robot conversationnel destiné à aider les avocats à effectuer diverses tâches liées à la vérification diligente et à l’examen des documents.
En outre, ChatGPT est en mesure de produire des premières ébauches de documents juridiques et de contrats en quelques secondes, ce qui pourrait être extrêmement utile pour des documents habituellement plus courts, comme les conventions de non-divulgation et les testaments, par opposition à des documents plus longs, comme les conventions d’achat d’actions. En outre, plus ChatGPT recevra de renseignements, plus les documents qu’il produira seront conformes à la législation. Au fil du temps, les erreurs et les problèmes liés à la documentation juridique devraient donc commencer à diminuer. ChatGPT peut également être utile pour la rédaction de clauses isolées, conformément à des instructions spécifiques. Lorsqu’il reçoit des instructions et des demandes claires, le robot est en mesure de générer en quelques secondes une clause qui peut ensuite être modifiée et adaptée à n’importe quel contrat ou accord. Les avocats pourraient ainsi gagner de précieuses heures de rédaction, d’autant plus que la technologie s’améliore et apprend continuellement au fur et à mesure qu’elle est utilisée.
Il faut toutefois garder en tête quelques préoccupations avant de se tourner vers cette technologie. L’un des principaux défauts des outils d’IA est que la qualité du contenu qu’ils produisent dépend de la qualité des données dont ils se servent. Des données erronées entraîneront des réponses incorrectes ou incohérentes. À noter aussi que les données utilisées pour alimenter ChatGTP datent d’avant 2021. Par conséquent, des partis pris ou des incohérences pourraient se trouver dans l’outil d’IA, selon les données qui lui ont été fournies, ce qui signifie que toutes les réponses seront influencées dans une certaine mesure par ces partis pris, et seront potentiellement incorrectes. En outre, la contrefaçon de propriété intellectuelle (« PI ») peut également poser un problème important. Si des données, plus particulièrement des données textuelles, font l’objet de droits de propriété intellectuelle et sont fournies à l’outil d’IA, il est fort possible que l’outil se serve des données protégées comme fondement de ses réponses et les présente comme des réponses nouvelles ou originales, ce qui constituerait une violation des lois de PI et pourrait mener à des poursuites judiciaires si ce manquement est découvert. Même si l’utilisation équitable pourrait être invoquée comme défense, la préoccupation soulevée demeure sérieuse.
Une autre question clé à prendre en compte concernant ChatGPT est celle de la protection des données. À l’heure actuelle, OpenAI n’offre aucun moyen aux particuliers de supprimer leurs renseignements personnels ou de vérifier si – et comment – OpenAI les conserve. Il s’agit d’un manquement au Règlement général sur la protection des données (« RGPD ») et au RGPD du Royaume-Uni. Cela pourrait causer des problèmes si les entreprises du Royaume-Uni ou de l’Europe voulaient intégrer l’outil à leurs activités quotidiennes. De plus, OpenAI n’a pas encore divulgué sa méthode de collecte de données, ce qui soulève d’autres préoccupations quant au respect du RGPD du Royaume-Uni. Les utilisateurs doivent être conscients qu’il est possible que leurs renseignements personnels soient traités de manière incorrecte par ChatGPT. En effet, les utilisateurs n’ont pas accès à ces données et n’exercent aucun contrôle sur ces données, ce qui est contraire aux principes de la protection des données. Les problèmes de protection des données rendent peu probable la mise en œuvre de ChatGPT au sein des entreprises britanniques et européennes dans le contexte actuel.
L’IA dans le secteur juridique n’est pas un concept nouveau. Depuis des années, les cabinets d’avocats cherchent des façons d’utiliser l’IA pour évaluer la probabilité et la rentabilité d’affaires civiles, pour simplifier les recherches juridiques et pour effectuer des examens généraux de documents. ChatGPT, la plus récente matérialisation de l’IA, pourrait réellement apporter une valeur ajoutée au secteur juridique. Cet outil permettrait aux avocats de rationaliser leurs journées et de se concentrer uniquement sur les questions les plus importantes et complexes. Cependant, il y a un certain nombre de problèmes graves et d’obstacles qui doivent être résolus et surmontés avant que ChatGPT puisse être mis en œuvre dans le secteur. Tant qu’OpenAI ne sera pas en mesure de résoudre les problèmes de protection des données et de propriété intellectuelle, les cabinets d’avocats ne pourront pas se servir de la technologie dans son état actuel. Malgré tout, les possibilités offertes par cette technologie sont fort intéressantes. Les acteurs du monde juridique étudient sérieusement des méthodes de mise en œuvre, allant même jusqu’à développer leurs propres systèmes d’IA conformes à la législation.