Dans une décision récente[1], la Cour supérieure de justice de l’Ontario a conclu qu’un employeur n’avait pas l’obligation de donner un préavis de cessation d’emploi à un employé qui ne s’était pas fait vacciner contre la COVID‑19. Bien que l’employeur ait officiellement mis fin à la relation d’emploi, la cour a conclu que la relation était devenue [traduction] « inexécutable » et que l’employeur avait le droit de considérer que le contrat avait pris fin sans avoir l’obligation de fournir un avis de cessation d’emploi en vertu de la common law.
Les faits
L’employé travaillait comme technicien de systèmes pour VuPoint Systems Ltd. (« VuPoint »), une entreprise qui offrait des services d’installation de téléviseurs et de systèmes de maison intelligente pour le compte de Bell Canada et de Bell ExpressVu (collectivement, « Bell »). Plus de 99 % des revenus de VuPoint provenaient de Bell, et le travail de l’employé chez VuPoint ne portait que sur les services d’installation pour Bell.
Au début de septembre 2021, Bell a mis en œuvre une politique qui exigeait que les techniciens aient reçu deux doses d’un vaccin approuvé contre la COVID-19 afin de pouvoir continuer à fournir des services d’installation. Il convient de noter ce qui suit :
- la politique de Bell n’autorisait aucune autre solution que la vaccination, comme le recours à un test de dépistage rapide; et
- la politique prévoyait également que son non-respect constituerait une violation du contrat d’approvisionnement entre Bell et VuPoint.
Par conséquent, VuPoint a mis en place sa propre politique de vaccination, exigeant que ses installateurs soient vaccinés contre la COVID-19. La politique de VuPoint ne prévoyait pas de congédiement en cas de non-conformité, mais elle stipulait que les employés non vaccinés n’avaient pas le droit d’effectuer des tâches pour Bell.
L’employé a omis de fournir à VuPoint une preuve de vaccination et, par conséquent, VuPoint lui a donné un préavis de cessation d’emploi de deux semaines. L’employé a répondu qu’il ne divulguerait pas son statut vaccinal en raison des lois sur la protection des renseignements personnels. Il a également déclaré que VuPoint faisait preuve de discrimination à son égard en raison de sa décision de ne pas se faire vacciner (un argument que de nombreux employés au Canada avaient soulevé lorsque les employeurs ont commencé à mettre en œuvre des politiques de vaccination obligatoire).
À la suite de son congédiement, l’employé a intenté une action en justice en alléguant qu’il avait été congédié injustement par VuPoint (c.-à-d. qu’il avait droit à un préavis de cessation d’emploi de plus de deux semaines).
Quelle a été la décision de la Cour?
La Cour a rejeté la demande de l’employé et a conclu qu’il n’avait pas droit à un préavis de licenciement.
L’employé avait confirmé qu’il n’avait pas l’intention de se faire vacciner, même si cela l’empêchait d’effectuer son travail pour VuPoint. Par conséquent, la Cour a conclu qu’il manquait à l’employé une qualification nécessaire pour exercer les fonctions de son poste.
Appliquant le droit établi de la Cour suprême du Canada sur l’inexécutabilité du contrat, la Cour a conclu que VuPoint avait le droit de considérer que le contrat d’emploi avait pris fin, sans obligation de maintenir la relation d’emploi ni de donner un préavis de cessation d’emploi en vertu de la common law. La Cour a également conclu que VuPoint n’était pas tenue de modifier le contrat de l’employé pour s’assurer qu’il pouvait continuer à travailler.
De plus, la Cour a soulevé qu’il était impossible de prévoir la politique de vaccination de Bell, et la pandémie en général, au moment où la relation d’emploi a commencé et que ni l’employé ni VuPoint n’avaient manqué à leurs obligations.
Points à retenir
La décision confirme que, dans des circonstances particulières, le refus d’un employé de se conformer aux exigences de vaccination liées à la COVID-19 peut entraîner la fin de la relation d’emploi sans droit à un préavis de cessation d’emploi.
Toutefois, lorsqu’un employé ne s’est pas conformé à ces exigences, un employeur ne devrait pas présumer d’emblée qu’il a le droit de considérer que la relation d’emploi a pris fin. La décision était fondée sur des faits précis, en ce sens que :
- la Cour a expressément souligné que la situation qui a mené à l’inexécutabilité du contrat était la politique de vaccination de Bell (les actions d’un tiers non lié), par opposition au défaut de l’employé de se faire vacciner;
- la Cour a conclu que l’exigence de vaccination de Bell était similaire aux cas d’« inexécutabilité » déjà établis, comme celui où un employé n’était pas légalement autorisé à travailler sans avoir une certaine cote de sécurité.
La question de savoir si une situation donnée répondra au critère d’inexécutabilité, que la Cour décrit comme un [traduction] « changement radical » dans le cadre d’un contrat de travail, dépend des circonstances. La Cour ne s'est pas encore prononcée sur d'autres circonstances dans lesquelles le non-respect d'une politique de vaccination pourrait également atteindre le seuil de frustration.
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