Le 22 février 2023, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (les « ACVM ») ont publié un avis (l’« avis ») annonçant les exigences renforcées en matière de protection des investisseurs auxquelles elles s’attendent de la part des plateformes de négociation de cryptoactifs (les « PNC »).[1] Cette mise à jour fait suite à l’avis des ACVM, publié le 12 décembre 2022, qui annonçait le renforcement des exigences réglementaires existantes imposées aux PNC exerçant des activités au Canada.
Pour continuer à exercer leurs activités au Canada, les PNC non inscrites auront désormais jusqu’au 24 mars 2023 pour informer leur autorité de réglementation principale qu’ils adhèrent aux exigences supplémentaires préalables à l’inscription et souscrire à un engagement préalable à l’inscription (un « EPI ») auprès de cette autorité de réglementation. Il convient de noter que les délais à respecter pour se conformer aux exigences supplémentaires énoncées dans l’EPI ne semblent pas être coulés dans le béton et qu’ils sont, par conséquent, susceptibles de faire l’objet d’une discussion et d’un accord avec l’autorité de réglementation principale des PNC.
Les récentes faillites et insolvabilités très médiatisées des PNC partout dans le monde (nommément, du groupe FTX) ont poussé les ACVM à agir encore une fois dans le secteur de la négociation de cryptoactifs. Comme au lendemain de l’effondrement de Quadriga au début de 2019[2], les autorités de réglementation canadiennes réagissent à nouveau aux risques que représentent les PNC non inscrites (et vraisemblablement non réglementées) pour le public investisseur au Canada.
Ce qui est certain, c’est qu’en attendant que des modifications réglementaires soient apportées pour fournir un cadre réglementaire clair pour les PNC, ces avis des ACVM serviront à combler les lacunes et à garantir que, dans la limite des pouvoirs des autorités de réglementation canadiennes, ils permettent de protéger les investisseurs canadiens contre les FTX et les Quadriga, et de renforcer la surveillance réglementaire dans ce secteur.
L’avis précise que les PNC doivent souscrire les engagements suivants dans leurs EPI avant le 24 mars 2023[3]:
- la PNC : (i) possède des compétences et de l’expérience concernant la garde de cryptoactifs et il a mis en place des politiques et des procédures d’atténuation des risques; (ii) a confié ou confiera à des tiers dépositaires la garde d’au moins 80 % de la valeur totale des cryptoactifs détenus pour le compte de clients; et (iii) détiendra les actifs de ses clients canadiens dans des comptes séparés de ses propres biens et en fiducie au bénéfice du client;
- la PNC ne donnera pas en gage, ne réhypothéquera pas ni n’utilisera autrement les cryptoactifs détenus pour le compte de clients canadiens;
- il sera interdit à la PNC d’offrir des marges, du crédit ou d’autres formes de levier financier à tout type de client dans le cadre de la négociation de cryptoactifs;
- les membres du même groupe à l’international, les entités mères ou les âmes dirigeantes de la PNC cosigneront l’EPI et s’engageront à : (i) ne pas interférer avec les activités de la PNC au Canada ni entraver l’exercice du jugement indépendant de ses administrateurs; et (ii) veiller à ce que leurs activités ne nuisent pas aux activités de la PNC au Canada ni au respect de ses obligations réglementaires au Canada;
- la PNC ne se fiera pas à des cryptoactifs, y compris des jetons exclusifs émis par la PNC ou un membre du même groupe que la PNC, pour établir son capital aux fins du calcul de l’excédent du fonds de roulement, ainsi que de ses fonds propres;
- la PNC déposera auprès des ACVM l’information financière exigée d’un courtier en vertu du Règlement 31-103;
- la PNC retiendra les services d’un chef de la conformité qualifié qui satisfait aux obligations liées à cette fonction auprès d’un courtier sur le marché dispensé;
- la PNC ne permettra pas à ses clients d’acheter ou de déposer des cryptoactifs arrimés à une valeur par l’intermédiaire de contrats sur cryptoactifs (communément appelés « cryptomonnaies stables »; stablecoins, en anglais) sans avoir obtenu au préalable le consentement écrit des ACVM;
- la PNC ne négociera pas des contrats sur cryptoactifs fondés sur des jetons exclusifs sans le consentement préalable écrit des ACVM.
Si les PNC ne veulent pas ou ne peuvent pas se conformer à ces exigences accrues en attendant l’inscription, les ACVM leur interdiront d’offrir leurs services aux Canadiens et leur imposeront des restrictions pour empêcher les utilisateurs canadiens d’accéder à leurs produits et services.
Ces développements font partie d’une série d’avis du personnel des ACVM visant à combler les lacunes du cadre réglementaire existant et à protéger les Canadiens contre les risques inhérents à l’exposition de leurs actifs personnels (cryptoactifs et monnaies fiduciaires) à des PNC non inscrites et non réglementées.
L’avis représente un pas de plus vers le resserrement des mesures de surveillance réglementaire par les ACVM concernant la négociation de cryptoactifs au Canada (ce qui est généralement une bonne chose), mais aussi un défi unique pour de nombreuses PNC. Le calendrier accéléré et les réalités pratiques nécessaires pour se conformer aux nombreux engagements requis dans le cadre de l’EPI peuvent ajouter des contraintes supplémentaires aux activités et aux opérations d’une PNC, ce qui peut être complexe à gérer en plus de la gestion de l’entreprise, ou tout simplement impossible ou irréalisable, indépendamment du calendrier de dépôt de l’EPI et de la mise en conformité.
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[1] https://www.autorites-valeurs-mobilieres.ca/nouvelles/les-autorites-en-valeurs-mobilieres-du-canada-renforcent-leur-approche-en-matiere-de-surveillance-et-rehaussent-leurs-attentes-envers-les-plateformes-de-negociation-de-cryptoactifs-actives-au-canada/
[2] Le 16 janvier 2020, les ACVM ont publié des lignes directrices sur les facteurs que leur personnel prendrait en considération pour déterminer si les lois sur les valeurs mobilières s’appliquent aux PNC ou non (la grande distinction : les PNC ne facilitant pas la négociation de cryptoactifs qui sont des titres ou qui font l’objet d’une option ou d’un dérivé pourraient ne pas être assujettis aux lois sur les valeurs mobilières, mais pourraient devoir se conformer à certaines exigences relatives à la garde de cryptoactifs pour le compte de clients) https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2020/2020janv16-21-327-avis-acvm-fr.pdf. Par la suite, les ACVM ont également publié des lignes directrices sur la façon dont les titres s’appliqueraient aux PNC et qui expliquent comment ces PNC devraient se conformer aux exigences réglementaires existantes (avec l’introduction du principe selon lequel les PNC qui négocient des titres devraient demander d’être inscrites d’une certaine façon à titre de courtier et, dans certains cas, être reconnues comme bourse de valeurs mobilières [ou se prévaloir d’une dispense], afin de garantir que ce secteur est soumis à une surveillance réglementaire appropriée) /https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2021/2021mars29-21-329-avis-acvm-fr.pdf