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Travaux de construction, dynamitage et contamination de puits artésiens : Qui est responsable?

Fasken
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Bulletin Litige et résolution de conflits

L’histoire se déroule entre 2012 et 2014, alors que le ministère des Transports du Québec (« Ministère ») conclut un contrat avec Couillard Construction limitée (« Couillard ») pour que celle-ci s’occupe des travaux de prolongement de l’autoroute A-5 en Outaouais. Couillard, à titre d’entrepreneur général, passe une sous-traitance avec Dyfotech inc. (« Dyfotech ») pour que cette société excave le roc, ce qu’elle va faire en procédant à des opérations de forage et de dynamitage.

Malheureusement, les travaux de dynamitage ont contaminé les puits artésiens de plusieurs résidents de la région et il a fallu offrir à ceux-ci de l’eau embouteillée, ce dont s’est chargé le Ministère.

Qui est responsable de cette situation? Le Ministère, Couillard ou Dyfotech?

Pour répondre à cette question, il faut examiner les faits un peu plus en détail et la position des parties.

Ce qu’il faut retenir c’est que le Ministère tient Couillard responsable à cause des faits et gestes du sous-traitant Dyfotech.

À l’opposé, Couillard tient le Ministère responsable du préjudice subi par les résidents parce que le Ministère aurait été en possession d’information sur les risques particuliers posés par le nitrate d’ammonium et le perchlorate de sodium contenus dans certains explosifs, substances qui se sont infiltrées dans la nappe phréatique et qui ont contaminé les puits artésiens environnants.

Le Cahier des charges et devis généraux

Le Cahier des charges et devis généraux de 2011 du Ministère, alors en vigueur, ne prohibait pas l’utilisation d’explosifs contenant des perchlorates (la situation a changé, cela est maintenant interdit depuis 2015). Et, fait crucial, il y a eu, avant le début des travaux, des rapports environnementaux qui ont été produits et qui auraient dû alerter le Ministère des risques particuliers de contamination des puits artésiens du secteur.

Les rapports environnementaux

Un premier rapport, datant de 2009, provenait du service géotechnique du Ministère et recommandait que des précautions soient prises lors des travaux de dynamitage à proximité des puits. Un second rapport, réalisé en 2010, recommandait que certains puits jugés à risque fassent l’objet d’un suivi environnemental, notamment en ce qui a trait aux nitrites et aux nitrates.

Un troisième rapport a été confectionné par les autorités fédérales étant donné que le projet devait se dérouler en partie dans le secteur de la capitale nationale du Canada. Ce rapport, réalisé par Transport Canada, contenait une revue des impacts environnementaux du projet. Déjà, une analyse de l’eau de plusieurs puits révélait que plusieurs critères de potabilité de l’eau n’étaient pas remplis et que des coupes de roc pouvaient d’augmenter le risque de contamination de l’eau.

Ces rapports n’ont pas été partagés avec l’entrepreneur général.

L’obligation d’information ou de renseigner du donneur d’ouvrage à l’égard de l’entrepreneur général

Le Ministère aurait-il dû partager ces rapports avec l’entrepreneur général, et par extension avec le sous-traitant? La Cour supérieure répond que oui[1]. Elle passe en revue la notion de l’obligation d’information ou de renseigner du donneur d’ouvrage, principe reconnu dans la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Banque de Montréal c. Bail Ltée[2] et elle résume les tenants et aboutissants de la manière suivante :

[238]     Cette obligation d’information tire son origine de l’obligation de bonne foi prévue aux articles 7[112] et 1375[113] C.c.Q. et couvre généralement les obligations suivantes :

a) Ne pas induire son cocontractant en erreur ;

b) Ne pas fournir des informations erronées ;

c) Ne pas fournir des informations ambiguës ou contradictoires ; et

d) Ne pas fournir des informations incomplètes

La Cour supérieure conclut qu’il incombait au Ministère d’être plus transparent dans ses documents d’appel d’offres en décrivant avec suffisamment de soin et de précision les enjeux déjà identifiés pour permettre aux futurs soumissionnaires de connaître exactement ce que l’on attendait d’eux.

L’action en justice du Procureur général contre Couillard donc été rejetée et la Cour a accueilli en partie la demande reconventionnelle de Couillard contre le Procureur général.

Il n’y a pas eu d’appel.


[1]      Couillard Construction limitée c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 252

[2]      1992 CanLII 71 (CSC), [1992] 2 RCS 554

Contactez les auteurs

Si vous avez des questions au sujet du droit de la construction ou du droit de l’environnement, n’hésitez pas à communiquer avec Annie Bernard ou Jean-Philippe Therriault.

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Auteurs

  • Annie Bernard, Associée, Montréal, QC, +1 514 397 5175, abernard@fasken.com
  • Jean-Philippe Therriault, Associé, Montréal, QC, +1 514 397 5103, jtherriault@fasken.com

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