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Des règlements individuels confidentiels entraînent le refus d’un désistement d'une action collective au Québec

Fasken
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Bulletin Litige et résolution de conflits

En 2017, des demandes d’autorisation d’actions collectives concernant des dispositifs de mailles pour hernies prétendument défectueux ont été déposées contre Johnson & Johnson et d'autres fabricants de produits médicaux en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, en Ontario et au Québec. En janvier 2018, la Cour supérieure du Québec a accepté de suspendre l’action collective au Québec en faveur de celle intentée en Ontario. 

Suivant la suspension des procédures, les avocats des plaignants des quatre provinces et les avocats des fabricants ont tenté en vain de régler les actions collectives. Toutefois, les discussions ont abouti à une série de règlements individuels confidentiels avec 52 membres du groupe à travers le pays, ce qui a permis de négocier un montant global confidentiel. Comme condition de ces règlements individuels, les plaignants dans les diverses actions collectives ont accepté de demander l'autorisation des tribunaux provinciaux, lorsque requis, pour mettre fin aux actions collectives proposées.

Selon les conditions et les modalités des accords, les défendeurs ont accepté de tenter de régler les réclamations des autres membres putatifs, et ce pendant une période de 180 jours à compter du début du jugement accordant le désistement des actions collectives.

Requêtes en désistement des actions collectives

En Colombie-Britannique et en Saskatchewan, il n'est pas nécessaire que le tribunal approuve le désistement d'une action collective. En Ontario, la Cour supérieure a autorisé le désistement demandé.[1] Il ne restait plus que le Québec.

Évidemment, les demandeurs et les défendeurs étaient d'accord avec le désistement proposé. Les parties se sont appuyées sur la jurisprudence relative à l'article 585 du Code de procédure civile[2], qui prévoit qu'un désistement doit être autorisé s'il ne porte pas atteinte aux intérêts des membres du groupe potentiel et s'il n'affecte pas l'intégrité du système judiciaire.

Intervention du Fonds d'aide aux actions collectives

Le Fonds d'aide aux actions collectives (« FAAC »), le fonds public qui aide à financer les actions collectives, a fait valoir que la demande présentée à la Cour supérieure ne devrait pas être accueillie, car le « désistement » en question n'était pas en réalité un désistement, mais plutôt un règlement ou une transaction qui devrait être régi par des règles et exigences beaucoup plus complexes régissant un règlement d’une action collective, y compris des avis détaillés aux membres du groupe, et permettant au FAAC de bénéficier potentiellement d’une somme d’argent en fonction des conditions et des modalités du règlement, lesquelles n'ont pas été divulguées.  

La décision de la Cour supérieure

La Cour supérieure s'est rangée à l'avis du FAAC et a refusé d'autoriser le désistement.[3]

Essentiellement, la Cour a statué que les individus avaient réglé pour une somme d'argent et que les fabricants avaient obtenu une quittance, soit les éléments essentiels d'une transaction en vertu du droit civil québécois. De plus, les parties n'ont pas réussi à convaincre la Cour que la demande pour autorisation d'exercer l’action collective était futile et qu'elle ne devait plus aller de l'avant. Il est important de noter qu'il ne s'agit pas d'un cas où l'ensemble des réclamations ont été satisfaites.

Et bien que 3 100 membres putatifs se soient manifestés, la Cour a jugé qu'il n'y avait aucune preuve que des avis ou des publicités sur les médias sociaux ou ailleurs aient atteint les membres potentiels du groupe. On a mis de l’avant que des articles et des bulletins avaient été publiés, mais le tribunal a jugé que cela n'était pas suffisant. Le tribunal a également rejeté les trois décisions citées à titre de précédent par les parties, notant qu'elles n'avaient jamais été citées.

Les parties ont fait valoir que la publication d'un avis de désistement envisagé était suffisante, mais la Cour n'a pas été d'accord, estimant qu'il fallait tenter d'atteindre les membres du groupe avant l'avis de désistement. Les parties ont fait valoir que les personnes qui se manifesteraient après la publication des avis pourraient soit régler avec les fabricants, soit déposer une nouvelle demande d’autorisation d'exercer une action collective. La Cour n'a pas été convaincue, notant que cet argument était « un peu absurde ».

Enfin, la Cour a estimé que le caractère confidentiel des règlements individuels, dont les détails n'ont pas été divulgués, était problématique en soi.

La Cour a donc décidé que les désistements constituaient en fait une transaction nécessitant l'approbation du tribunal et le désistement a été refusé. La Cour a ajouté et suggéré que les parties reviennent devant la Cour pour une autre tentative de désistement si des preuves ou des arguments supplémentaires pouvaient étayer une telle demande.

Pour l'instant, il semble que le demandeur n'ait pas suivi la suggestion de la Cour, choisissant plutôt de demander la permission d’en appeler de la décision de la Cour supérieure.

Conclusion

Cet appel sera suivi de près dans tout le pays. Si la décision de la Cour supérieure est maintenue, elle soulèvera sans aucun doute d'importantes considérations et préoccupations pour les parties qui cherchent à régler et à disposer des réclamations individuelles couvertes par les actions collectives proposés à travers le Canada. En effet, le risque qu'un désistement soit refusé par les tribunaux du Québec découragera probablement d'autres initiatives visant à régler des réclamations individuelles en échange d'une quittance lorsque le règlement est conditionnel au désistement des actions collectives connexes dans l'ensemble du pays, et plus particulièrement au Québec. Il semblerait que le caractère définitif du règlement des réclamations exigé par les défendeurs ne puisse être garanti lorsque de tels accords sont conclus, du moins pour l'instant.



[1]      Copland v. Johnson & Johnson Inc., 2022 ONSC 4595.

[2]      L'article 585 du Code de procédure civile se lit ainsi :

585. Le représentant doit être autorisé par le tribunal pour modifier un acte de procédure, se désister de la demande ou d’un acte de procédure ou renoncer aux droits résultant d’un jugement. Le tribunal peut imposer les conditions qu’il estime nécessaires pour protéger les droits des membres.

L’aveu fait par le représentant lie les membres, sauf si le tribunal considère que cet aveu leur cause un préjudice.

[3]      2022 QCCS 4565.

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Auteurs

  • Noah Boudreau, Associé, Montréal, QC, +1 514 394 4521, nboudreau@fasken.com
  • Mirna Kaddis, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7484, mkaddis@fasken.com

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