Depuis la publication de la première sentence arbitrale ontarienne concernant la vaccination obligatoire en novembre 2021, un consensus s’est dégagé : les politiques de vaccination obligatoire sont raisonnables dans de nombreuses circonstances. Toutefois, aucune des sentences antérieures ne concernait un hôpital public et des questions subsistaient quant à savoir si un employeur pouvait congédier un employé pour un motif valable en raison du non-respect d’une politique de vaccination et quel serait le délai approprié avant de recourir à cette mesure.
La première sentence arbitrale concernant la politique de vaccination d’un hôpital public vient d’être rendue[1]. Elle précise comment ces questions seront tranchées dans le contexte d’un hôpital public et les circonstances dans lesquelles les congédiements peuvent être confirmés. Elle clarifie également si les travailleurs à distance d’un établissement de soins de santé devraient être exemptés des exigences en matière de vaccination.
Que s’est-il passé?
Dans cette affaire, l’employeur regroupait notamment cinq hôpitaux et plus de vingt établissements de soins de santé communautaires (l’« hôpital »).
L’hôpital a mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 (la « politique ») afin de prévenir la transmission du virus parmi les employés et les patients. La politique s’appliquait à l’ensemble du personnel, y compris les employés syndiqués, et est entrée en vigueur le 28 septembre 2021. La politique exigeait que les membres du personnel soumettent avant le 22 octobre 2021 une preuve démontrant qu’ils avaient reçu une première dose d’un vaccin contre la COVID-19. Ils avaient ensuite jusqu’au 12 novembre 2021 pour démontrer qu’ils avaient reçu une deuxième dose. Bien que la politique indiquait que pour demeurer entièrement vaccinée, une personne devait recevoir toute dose de rappel recommandée, l’hôpital n’a pas exigé que les employés obtiennent une dose de rappel pour se conformer à la politique.
Si un employé n’avait pas soumis de preuve de première dose avant la date limite ou n’avait pas demandé de mesures d’accommodement pour raisons médicales, il était placé en congé sans solde. Si l’employé en congé sans solde n’obtenait toujours pas de première dose, il pouvait faire l’objet d’un congédiement pour motif valable. Les délais entre le début du congé sans solde d’un employé non vacciné et son congédiement variaient de quelques jours à trois semaines.
Le syndicat, qui représente environ 3 000 employés, dont des infirmiers auxiliaires autorisés, des commis, des associés aux services, des préposés aux bénéficiaires, des responsables du triage et des secrétaires, a déposé deux griefs de principe et quatre griefs individuels. Le syndicat soutenait que certains aspects de la politique de vaccination étaient déraisonnables et s’opposait à leur application aux plaignants individuels.
Quelle a été la décision de l’arbitre?
L’arbitre est arrivé aux conclusions suivantes :
- Une politique de vaccination à deux doses est raisonnable : L’arbitre a déterminé qu’un traitement à deux doses continue de donner une protection importante contre la COVID-19 plusieurs mois après la deuxième dose, même si l’efficacité diminue au fil du temps.
- Les travailleurs à distance ne devraient pas être exemptés : L’arbitre a noté qu’il est possible que les employés travaillant à distance doivent se rendre à l’hôpital pour des ateliers, des formations, des réunions ou pour d’autres raisons. Une exemption réduirait le nombre d’employés disponibles pour le redéploiement sur les lieux de travail. Le fait de permettre à des employés non vaccinés de continuer à travailler à distance augmenterait également de façon importante la probabilité qu’ils soient infectés, qu’ils souffrent de symptômes plus graves et qu’ils soient incapables de travailler pendant plus longtemps.
- Il était raisonnable de prendre des mesures disciplinaires à l’égard des employés non vaccinés : L’arbitre a conclu que le recours à des mesures disciplinaires, comme le congé sans solde et ultimement le congédiement, était approprié pour les employés qui refusaient de se faire vacciner et donc de se conformer à la politique.
- Le congé sans solde devrait durer plus longtemps avant de mener au congédiement : L’arbitre a déterminé que les employés auraient dû bénéficier d’une période de quatre (4) semaines de congé sans solde avant d’être congédiés. À son avis, cette durée de congé n’aurait pas indûment nui à la capacité de l’hôpital de servir le public et aurait donné aux employés amplement le temps de réfléchir aux conséquences de leur choix de ne pas se faire vacciner.
- Les congédiements disciplinaires pour motif valable étaient appropriés après quatre (4) semaines : L’arbitre a décidé qu’il était justifié d’avoir recours à des congédiements disciplinaires pour motif valable quatre (4) semaines après le début du congé sans solde des employés. Les congés sans solde d’une durée indéterminée n’étaient pas appropriés, car ils auraient pu entraver la capacité de l’hôpital à recruter du personnel et à fournir des services médicaux essentiels au public. Même si l’hôpital avait congédié des employés avant ce délai, l’arbitre n’a accordé aucune réparation parce que les employés qui avaient été placés en congé sans solde auraient toujours été en congé quatre (4) semaines plus tard, au moment approprié pour le congédiement.
Ce que les employeurs doivent retenir
Un consensus se dégageait des sentences arbitrales antérieures, à savoir que les politiques de vaccination à deux doses pour le travail en personne sont raisonnables. Certaines politiques de vaccination qui avaient été jugées raisonnables par les arbitres ont vu leur mécanisme d’application être jugé déraisonnable, en particulier s’il s’agissait de sanctions disciplinaires systématiques ou de congédiements pour motif valable.
Cette sentence arbitrale confirme maintenant qu’une politique de vaccination à deux doses peut être raisonnable dans le contexte d’un hôpital. Elle confirme également qu’un hôpital peut recourir à des mesures disciplinaires pour faire appliquer une politique et peut congédier des employés pour motif valable, après leur avoir accordé un congé sans solde d’une durée appropriée. Elle lève également l’ambiguïté sur la situation des travailleurs de la santé en télétravail, qui ne doivent pas être automatiquement exemptés des obligations de vaccination.
[1] Lakeridge Health v CUPE, Local 6364 (26 avril 2023) (Ontario) (Herman).