Passer au contenu principal

La colère au moment d’une démission peut-elle justifier une réintégration?

Fasken
Temps de lecture 6 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Espace RH

Dans une décision récente[1], le Tribunal administratif du travail (le « Tribunal ») a déterminé que bien qu’un salarié ait donné sa démission sous le coup de la colère, cette démission était finale et reflétait en réalité la conduite et les intentions du salarié au cours des dernières semaines de son emploi. Ainsi, le Tribunal a rejeté la plainte du salarié pour congédiement sans cause juste et suffisante.

Que s’est-il passé?

Le salarié occupait un poste de représentant aux ventes chez un concessionnaire automobile. Alors que c’était au salarié d’accueillir le client, selon un ordre préétabli, il s’est fait interrompre par le directeur des ventes de véhicules usagers qui prétendait avoir un rendez-vous fixé avec ledit client. Furieux, le salarié s’est dirigé vers le bureau du directeur général afin de se plaindre de la situation. Lors de cette discussion, le ton monte entre les deux interlocuteurs. Le salarié a alors menacé de démissionner ce à quoi le directeur général a répondu qu’il était libre de le faire. Par la suite, le salarié s’est calmé, et il a confirmé sa démission au directeur général et a remis ses clés. Au même moment, il a également demandé qu’une mention autre que « départ volontaire » soit inscrite à son relevé d’emploi. À la suite de ces événements, le plaignant a déposé une plainte alléguant un congédiement sans cause juste et suffisante.

Qu’est-ce que le Tribunal a décidé?

Afin de statuer sur la validité d’une démission, les tribunaux prennent en considération divers critères, notamment les suivants :

  • La démission doit être volontaire;
  • La démission s’apprécie différemment selon que l’intention de démissionner est ou non exprimée;
  • L’intention de démissionner ne se présume que si la conduite de l’employé est incompatible avec une autre interprétation;
  • L’expression de son intention de démissionner n’est pas nécessairement concluante quant à la véritable intention de l’employé;
  • Les conduites antérieure et ultérieure des parties constituent un élément pertinent dans l’appréciation de l’existence d’une démission[2].

Le Tribunal est d’avis que l’attitude du salarié dans les instants qui ont suivi la rencontre tumultueuse est un indicateur clair qu’il a quitté son emploi volontairement et qu’il ne s’agit pas d’un congédiement. Notamment, le fait que ce dernier ait rassemblé ses effets personnels avant de quitter et que quelques témoins aient entendu le salarié dire qu’il quittait son emploi sont des indices utiles afin de trancher entre la version de l’employeur et du plaignant. Ainsi, le comportement de ce dernier ne laisse place à aucune ambiguïté.

En effet, la conduite du salarié précédant et suivant les événements est essentielle dans l’analyse de la validité de sa décision. Bien que le salarié était en colère au moment de donner sa démission, cela ne vicie pas son consentement automatiquement. La situation doit être évaluée selon le contexte entourant la démission, et tout est une affaire de circonstances. Dans la présente affaire, les semaines qui ont suivi la démission confirment que la décision de ce dernier n’a pas été prise sur un coup de tête. Notamment, l’employeur l’a invité à réintégrer ses fonctions, mais le salarié a refusé.

Considérant l’ensemble des motifs précités et bien que le salarié puisse regretter sa décision, le Tribunal est d’avis que celui-ci a quitté volontairement son emploi et rejette la plainte de congédiement.

Ce qu’il faut retenir

Afin de déterminer si une démission est donnée avec un consentement libre et éclairé et que celle-ci est finale, une série d’éléments sont à prendre en considération, incluant la conduite du salarié au moment de la démission et dans les semaines qui précèdent et suivent la prise de décision. Notamment, il faut analyser si la démission a été donnée sous le coup de la colère et l’état psychologique du salarié au moment de la démission.

Cette affaire permet de rappeler aux employeurs l’importance de s’assurer de l’état psychologique du salarié ainsi que du contexte factuel précis dans lequel une démission est donnée, puisque ceux-ci sont des éléments cruciaux analysés par les tribunaux dans le cadre de plaintes de congédiement déposées à la suite d’un départ ambigu.

Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, n’hésitez pas à consulter votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.



[1]      Lanthier c. 1857-2123 Québec inc. 2023 QCTAT 542.

[2]      Précité, par. 11.

Contactez l'auteure

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez l'auteure

Auteure

  • Florence Longval, Avocate, Montréal, QC, +1 514 397 7437, flongval@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire