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Le refus d’un salarié de travailler en présentiel justifie-t-il son congédiement immédiat?

Fasken
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Espace RH

Dans une décision récente[1], le Tribunal administratif du travail (ci-après le « Tribunal ») a conclu que le refus d’un salarié de revenir au travail en présentiel constituait un acte d’insubordination, mais que cette faute n’était pas suffisamment grave pour passer outre le principe de la gradation des sanctions et permettre à l’employeur d’invoquer une cause juste et suffisante justifiant le congédiement.

Le contexte

Au moment des évènements, le salarié occupait un poste de commis aux achats et à l’inventaire pour l’employeur depuis près de 9 ans. Dans les mois qui suivirent, lors du confinement imposé par le gouvernement en mars 2020, l’employeur a informé l’employé et sa conjointe, laquelle travaille pour le même employeur que le salarié, de la nécessité d’effectuer leur prestation de travail en télétravail.

Dans son évaluation de la preuve soumise à l’audience, le Tribunal retient que la supérieure immédiate du salarié au cours d’une conversation informelle lui aurait laissé sous-entendre qu’il n’y avait aucune raison particulière de ne pas maintenir le télétravail une fois la pandémie terminée. Aucune entente formelle n’est toutefois intervenue entre les parties à cet égard.

En mars 2021, l’employeur, constatant le mouvement de rappel au travail amorcé par certaines organisations, a choisi de rappeler le salarié au bureau, et ce, dans un court délai. Le lendemain, la conjointe du salarié répond par courriel en indiquant que le couple est très bien installé à la maison, que les risques de COVID-19 sont toujours importants et que, conséquemment, il n’y a pas de volonté à revenir en présentiel au travail. Le salarié est congédié le même jour et il dépose une plainte auprès du Tribunal pour congédiement sans cause juste et suffisante.

La décision du tribunal

Lorsqu’une seule faute est alléguée et que le dossier disciplinaire d’un salarié est vierge, l’employeur doit démontrer de façon prépondérante que cette faute est suffisamment grave pour justifier d’outrepasser la gradation des sanctions. La faute doit être d’une gravité telle qu’elle conduit à la rupture immédiate du lien de confiance avec l’employeur. Il faut également prendre en considération des circonstances atténuantes ou aggravantes, telles que la préméditation du geste reproché, la répétition du geste, la nature des fonctions et responsabilité du salarié, les aveux et les regrets, l’ancienneté et le dossier disciplinaire du salarié.

Dans la présente affaire, le salarié occupe ses fonctions depuis près de 9 ans. Il n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires et il n’y a pas de doute quant à sa bonne performance au travail. Le Tribunal a indiqué que les conversations informelles entre le salarié et son supérieur immédiat ne pouvaient constituer une entente à la permanence du télétravail et, en conséquence, l’employeur pouvait exercer son droit de gestion afin d’exiger le retour au travail des salariés.

En refusant de retourner travailler en présentiel, le salarié a commis une faute modérée que le Tribunal a qualifiée d’insubordination. Cependant, le Tribunal a conclu que cette faute n’était pas suffisamment grave pour mener à la rupture du lien de confiance immédiat et irrémédiable entre le salarié et l’employeur, d’autant plus que le salarié a indiqué à l’employeur qu’il était prêt à discuter de la situation. Il n’y avait donc pas lieu d’outrepasser le principe de la gradation des sanctions. Par conséquent, le Tribunal a conclu que l’employeur n’a pas démontré de façon prépondérante qu’il avait une cause juste et suffisante de congédier le salarié et il a accueilli la plainte de congédiement sans cause juste et suffisante.

Ce qu’il faut retenir

D’emblée, dans cette affaire, le Tribunal a reconnu clairement qu’en l’absence d’une politique spécifique établissant le droit pour un employé de bénéficier du télétravail de façon permanente, il relevait du droit de gérance de l’employeur d’exiger qu’un salarié livre sa prestation de travail en présentiel dans le cadre d’un programme de retour au travail à la suite de la pandémie.

En contexte où un employeur doit composer avec un employé qui refuse de se présenter au travail conformément aux directives de son employeur, il y a lieu de noter que cette faute ne sera pas systématiquement considérée comme suffisamment grave pour constituer une cause de congédiement immédiat, notamment dans un cas où l’employé aurait manifesté son intention de discuter avec son employeur de pistes de solutions et n’aurait donc pas conséquemment renoncé à son emploi.

Dans un tel cas, l'utilisation de la discipline progressive pour l’employeur conformément aux principes établis de longue date est de mise. Une étude détaillée du dossier du salarié visé devrait donc toujours être menée afin de cerner la mesure disciplinaire appropriée dans un cas de refus de revenir au travail en présentiel, et ce, lorsque l’employé manifeste son intention de discuter de la situation avec son employeur.

Si vous avez besoin de conseils à ce sujet, nous vous invitons à consulter votre avocat(e) chez Fasken.


[1]      Drake c. Équipement Trans Continental ltée, 2023 QCTAT 1218

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Auteur

  • Louis Thomas Bélanger, Avocat, Montréal, QC, +1 514 397 5260, lbelanger@fasken.com

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