Dans une décision récente[1], la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a clarifié et élargi le critère d’évaluation de la discrimination fondée sur l’état familial, interdite par le Code des droits de la personne (Human Rights Code) de la Colombie-Britannique (le « Code »). La Cour d’appel a interprété le Code de manière large et libérale et a conclu qu’un employé n’a pas besoin de démontrer que son employeur a modifié une condition de son emploi. Plutôt, il y a discrimination lorsqu’une condition d’emploi, qu’elle ait été modifiée ou non, donne lieu à une atteinte grave à l’accomplissement d’une obligation parentale ou familiale importante.
Les faits
La plaignante et son conjoint travaillaient tous les deux pour Gibraltar Mines Ltd. (l’« employeur ») comme ouvriers compagnons. Lorsque la plaignante est tombée enceinte, elle et son conjoint travaillaient les mêmes quarts de travail de 12 heures. Après la naissance de l’enfant, la plaignante a demandé un accommodement : elle voulait que son horaire de travail et celui de son conjoint soient modifiés pour faciliter la garde de l’enfant. La plaignante et l’employeur ont échangé des propositions, mais n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un horaire modifié pour répondre à la demande de la plaignante.
La plaignante a déposé une plainte contre l’employeur auprès du Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique (le « Tribunal »). Elle alléguait avoir été victime de discrimination en raison de son état familial, de son état matrimonial et de son sexe.
L’employeur a demandé au Tribunal de rejeter la plainte de façon préliminaire. Le Tribunal a rejeté les aspects de la plainte fondés sur le sexe et l’état matrimonial, mais a accueilli ceux fondés sur l’état familial.
Pour parvenir à sa décision, le Tribunal a examiné le critère de discrimination fondée sur l’état familial tiré de la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Health Sciences Assoc. of B.C. v. Campbell River and North Island Transition Society (« Campbell River »). Ce critère comporte deux volets[2] :
- Y a-t-il eu une modification dans les conditions d’emploi par l’employeur?
- La modification a-t-elle entraîné une atteinte grave à l’accomplissement d’une obligation parentale ou familiale importante?
Le Tribunal a déterminé qu’une modification d’une condition d’emploi n’était pas nécessaire pour arriver à une conclusion de discrimination fondée sur l’état familial.
L’employeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision du Tribunal auprès de la Cour suprême de la Colombie-Britannique et a fait valoir que le Tribunal avait mal interprété le test établi dans la décision Campbell River. Le juge en cabinet de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a tranché en faveur de l’employeur et annulé la décision du Tribunal en concluant que le critère établi exigeait effectivement qu’il y ait eu une modification des conditions d’emploi comme condition préalable à la constatation de discrimination.
Le Tribunal a fait appel de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
Quelle a été la décision de la Cour d’appel?
Les cinq juges de la Cour d’appel ont unanimement accueilli l’appel et annulé la décision du juge en cabinet.
La Cour d’appel a déclaré qu’elle n’avait pas décidé dans la décision Campbell River qu’une modification d’une condition d’emploi était la seule circonstance dans laquelle un cas de discrimination pouvait être établi – il s’agissait simplement du [traduction] « cas habituel ». De plus, le Code en tant que tel n’exige pas la modification d’une condition d’emploi pour établir un cas de discrimination, et une interprétation restrictive du Code irait à l’encontre de l’objet de la loi.
La Cour d’appel a également confirmé le seuil pour la discrimination fondée sur l’état familial établi dans la décision Campbell River, à savoir qu’il y a discrimination lorsqu’une condition d’emploi, qu’elle ait été modifiée ou non, donne lieu à une [traduction] « atteinte grave » à l’accomplissement une obligation parentale ou familiale importante.
Ce qu’il faut retenir
La décision confirme que, dans certaines circonstances, les employeurs de la Colombie-Britannique peuvent être tenus responsables de discrimination s’ils refusent d’apporter des modifications à des conditions d’emploi.
Toutefois, cette conclusion ne signifie pas qu’un employeur est tenu de régler chaque difficulté ou conflit qui découle des obligations parentales de ses employés. En Colombie-Britannique, la condition d’emploi doit causer une atteinte grave à l’accomplissement des obligations familiales de l’employé – un inconvénient ou une préférence ne suffisent pas.
Bien que la décision ne soit pas surprenante compte tenu de l’interprétation de la législation sur les droits de la personne par les tribunaux canadiens en général, les employeurs devraient prendre note que l’analyse applicable à la discrimination fondée sur l’état familial varie d’une province à l’autre, tant sur le plan du critère que du seuil établi. La question de savoir si l’action ou l’inaction d’un employeur sera considérée comme discriminatoire dépendra des circonstances et de la province.
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