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Le Canada a besoin de plus de concurrence : le Bureau de la concurrence publie son rapport sur l'étude du marché de l'épicerie de détail

Fasken
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Le 27 juin 2023, le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a publié son « Rapport sur l'étude du marché de l'épicerie de détail » (le « Rapport »). Le Rapport est le résultat de l'annonce du 24 octobre 2022 par le Bureau qu'il mènerait une étude sur la concurrence dans les épiceries au Canada.

Le Rapport observe que les prix des épiceries augmentent et suggère que cela est en partie à la concentration de l'industrie de l'épicerie au Canada et aux barrières élevées à l'entrée. Le Rapport conclut que l'augmentation de la concurrence dans l'industrie fait partie de la solution. Le reste du Rapport est consacré à expliquer les bases des conclusions du Rapport et à explorer et recommander des mesures pour accroître la concurrence.

Recommandations du Rapport :

Le Rapport propose quatre recommandations d'actions que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent prendre pour améliorer la concurrence dans le secteur. Elles sont :

Mettre en œuvre une stratégie d'innovation en matière d'épicerie qui soutiendrait l'émergence de nouveaux types d'entreprises d'épicerie et élargirait le choix des consommateurs. Encourager et soutenir la croissance des épiciers indépendants et l'entrée d'épiciers internationaux sur le marché canadien. Introduire des exigences de tarification unitaire accessibles et harmonisées qui permettraient aux consommateurs de comparer facilement les prix d'articles similaires chez différents détaillants sur une base unitaire. Bien que la tarification unitaire soit déjà mise en œuvre dans certaines épiceries, elle n'est requise par la loi qu'au Québec, créant un manque de pratiques standardisées à travers le pays. Limiter les contrôles de propriété dans l'industrie de l'épicerie, ce qui pourrait inclure leur interdiction. Les contrôles de propriété, également connus sous le nom de clauses restrictives, limitent les types de magasins pouvant opérer à certains endroits et pourraient empêcher de nouveaux propriétaires d'utiliser un emplacement pour une épicerie concurrente. Le Rapport note également que le Bureau « doit aborder son travail dans l'industrie de l'épicerie avec une vigilance et une surveillance accrues pour s'assurer que les Canadiens bénéficient d'un plus grand choix et de produits d'épicerie plus abordables. » À cet égard, entre autres choses, le Bureau s'engage à soutenir la mise en œuvre d'un code de conduite pour l'épicerie (pour régir les relations entre épiciers et leurs fournisseurs).

Comportement des consommateurs et concurrence dans l'industrie de l'épicerie :

Le Rapport a tiré cinq conclusions de son étude de marché sur le comportement des consommateurs dans l'industrie de l'épicerie. Premièrement, la proximité du domicile joue un rôle important dans les décisions d'achat d'épicerie, les consommateurs préférant généralement les options locales en raison du temps, de l'effort et des dépenses supplémentaires liés à des déplacements plus longs pour des économies potentielles. De plus, le degré de concurrence dans l'industrie de l'épicerie diffère entre les communautés urbaines et rurales, les petites villes et les zones rurales ayant moins d'options et des prix plus élevés.

Le Rapport a également constaté que les supermarchés restent le choix principal des consommateurs, indiquant leur valeur en termes de prix et de gamme de produits. Les options d'épicerie en ligne gagnent également en importance, environ un tiers des Canadiens ayant utilisé des plateformes en ligne pour acheter des produits d'épicerie. Cette tendance devrait continuer à croître à l'avenir. Enfin, les programmes de fidélité influencent significativement les décisions des consommateurs, car ils offrent des incitations telles que des points, des récompenses et des offres spéciales. Ces programmes peuvent stimuler la concurrence entre les épiceries et sont particulièrement populaires auprès des femmes et des immigrants, bien que les Canadiens à faible revenu soient moins susceptibles de posséder des cartes de fidélité ou de points.

État actuel de la concurrence dans l'industrie de l'épicerie :

Le Rapport note que l'industrie de l'épicerie au Canada est dominée par cinq grands acteurs : Loblaws, Sobeys, Metro, Costco et Walmart. Bien que des épiciers indépendants existent, le Rapport soutient que leur croissance et leur capacité à concurrencer sont entravées par divers obstacles. De nombreux indépendants doivent acheter des produits d'épicerie auprès des grands acteurs, car ils ne peuvent pas soutenir leurs propres entrepôts ou acheter directement auprès des fournisseurs. De plus, bien que certaines communautés aient accès à des magasins indépendants compétitifs, s'étendre à l'échelle nationale ou ouvrir de nouveaux magasins d'épicerie à travers le Canada nécessite des investissements importants. Les grands épiciers possèdent également des magasins à rabais, limitant la concurrence des chaînes d'épicerie à rabais autonomes. De plus, les épiciers indépendants, bien qu'ils jouent un rôle important dans les communautés, ont souvent un espace et une variété limités par rapport aux grands épiciers.

Malgré le succès d'entreprises comme Costco et Walmart à offrir plus d'options, le Rapport note qu'elles ne sont pas disponibles dans toutes les communautés. Les enquêtes publiques menées pour l'étude ont montré que la concentration du pouvoir de marché parmi les grandes chaînes est une préoccupation pour de nombreux Canadiens qui se sentent limités dans leurs choix et pensent qu'ils paient des prix plus élevés pour les produits d'épicerie.

Les marges des épiciers ont augmenté de manière modeste mais significative :

Certains épiciers étaient réticents à partager des informations clés pour le Rapport du Bureau, telles que les données financières excluant les ventes de produits non alimentaires. Cela a limité les détails de l'étude et la capacité du Rapport à répondre à des questions clés. Néanmoins, il a constaté que les marges brutes des épiciers canadiens sur les produits alimentaires ont généralement augmenté au cours des cinq dernières années de manière « modeste mais significative ». Il a également constaté qu'il s'agissait d'une tendance à plus long terme qui a commencé avant les perturbations de la chaîne d'approvisionnement rencontrées pendant la pandémie et l'environnement inflationniste actuel.

Le Rapport a constaté que les marges brutes des épiciers ont généralement augmenté d'un ou deux points de pourcentage depuis 2017. Cela correspond approximativement à 1 à 2 dollars sur chaque 100 dollars que les Canadiens dépensent en épicerie. À mesure que les prix des épiceries ont augmenté, les bénéfices des épiciers ont également augmenté. Les bénéfices des trois plus grands épiciers du Canada sont passés de 2,4 milliards de dollars en 2019 à 3,6 milliards de dollars en 2022.

Le Rapport soutient que le fait que les plus grands épiciers du Canada aient généralement été en mesure d'augmenter modestement leurs marges bénéficiaires au cours des cinq dernières années est une indication qu'il y a de la place pour plus de concurrence dans l'industrie de l'épicerie au Canada.

Attirer les acteurs internationaux de l'épicerie au Canada :

Le Bureau a consulté divers épiciers internationaux pour comprendre leurs perspectives sur l'entrée au Canada et les facteurs susceptibles de les attirer ou de les dissuader. Le Rapport a constaté que la géographie du Canada et sa faible densité de population posent des défis pour les nouveaux entrants ; et les épiciers internationaux ont reconnu la concurrence difficile qu'ils devraient affronter de la part des épiciers canadiens établis.

Ils ont également reconnu que la popularité des produits d'épicerie de marque privée au Canada et son expérience unique en matière d'épicerie multiculturelle offrent une opportunité potentielle. Ils ont souligné la nécessité d'un effort concerté, y compris l'établissement de réseaux de distribution, de relations avec les fournisseurs canadiens et de reconnaissance de la marque, pour entrer et réussir sur le marché canadien. Malgré certaines préoccupations, les épiciers internationaux ont exprimé leur intérêt pour le Canada mais n'ont pas annoncé publiquement de plans immédiats d'entrée.

Adéquation des lois canadiennes sur les fusions :

Le Rapport a reconnu les critiques selon lesquelles l'accent mis par le Bureau sur la concurrence locale dans les épiceries a permis une réduction progressive du nombre d'épiciers à mesure que l'industrie s'est consolidée. Il mentionne spécifiquement les acquisitions de Safeway, A&P, IGA, Provigo et Steinberg comme exemples.

Le Rapport souligne l'insuffisance du droit de la concurrence actuel pour traiter cette question. Il soutient que bien que le Bureau puisse soulever des préoccupations lorsque de grandes entreprises acquièrent de plus petits concurrents, les lois actuelles sur la concurrence ne permettent généralement pas d'intervenir à moins qu'il n'y ait des preuves solides de préjudice significatif à la concurrence par la suppression d'une option d'épicerie. Cela peut être difficile à établir dans les zones il y a plusieurs magasins à proximité.

Le Rapport soutient que les récentes recommandations du Bureau sur les changements de politique de concurrence lui fourniraient un ensemble d'outils amélioré pour l'application et la surveillance, ce qui lui permettrait de mieux protéger les consommateurs et de promouvoir la concurrence dans l'industrie.

Autres points à retenir

En termes non équivoques, le Rapport renforce la recommandation du Bureau de modifications législatives pour lui donner des pouvoirs formels d'étude de marché, y compris le pouvoir de contraindre la production d'informations et de documents. Tout au long du Rapport, le Bureau souligne ses limitations en raison de la coopération incomplète de certains participants de l'industrie et de son incapacité à contraindre les informations. Dans la mesure le Bureau obtient des pouvoirs formels d'étude de marché dans la prochaine série d'amendements, nous pouvons nous attendre à des études de marché plus complètes à l'avenir, obligeant la production d'informations et de documents de nombreux participants au marché et de tiers.

Le Rapport souffre également de lacunes méthodologiques qui soulèvent des préoccupations quant aux inférences à en tirer. Il identifie l'augmentation des marges brutes des grands épiciers comme une indication qu'il y a de la place pour plus de concurrence. Bien que la rentabilité puisse indiquer un pouvoir de marché, il n'est pas clair pourquoi le Bureau se concentre sur les marges brutes, plutôt que sur les marges nettes, qui seraient une mesure plus précise des bénéfices. Les marges brutes ne tiennent pas compte des coûts tels que les services publics, le loyer, les salaires ou d'autres frais généraux. Dans la mesure ces coûts ont été soumis à des pressions inflationnistes ou autres, les bénéfices réels (c'est-à-dire les marges nettes) auraient été impactés. Il n'est pas clair si les bénéfices nets des épiciers ont augmenté au cours de la période examinée par le Bureau.

En somme, bien que le Rapport tire la sonnette d'alarme concernant la concentration dans le secteur de l'épicerie au Canada aujourd'hui, il souligne également que l'entrée potentielle de nouveaux acteurs internationaux de l'épicerie et l'émergence de modèles commerciaux en ligne pourraient augmenter considérablement la concurrence dans le secteur de l'épicerie à l'avenir.

 

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  • Huy Do, Associé | Cartels et enquêtes criminelles, Toronto, ON, +1 416 868 3505, hdo@fasken.com
  • Anthony F. Baldanza, Associé | Droit des sociétés et droit commercial, Toronto, ON, +1 416 865 4352, abaldanza@fasken.com
  • John Pecman, Consultant principal en administration des affaires | Concurrence, commercialisation et investissements étrangers, Ottawa, ON, +1 613 696 6974, jpecman@fasken.com
  • Musa Mansuar, Stagiaire en droit, Toronto, ON, +1 416 865 5420, mmansuar@fasken.com

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