Deux agents correctionnels ont été congédiés pour faute professionnelle à la suite d’un incident survenu dans le véhicule de transport des détenus de l’employeur qui transportait un détenu à destination et en provenance d’un hôpital pour y recevoir des soins médicaux[1]. L’incident a été signalé à l’employeur par un employé de l’hôpital, qui a déclaré que les deux agents correctionnels avaient eu un comportement offensant et non professionnel.
L’employeur a entamé une enquête. À cette fin, il a décidé de passer en revue les enregistrements audio effectués automatiquement dans le véhicule de transport des détenus, alors que le moteur était en marche. Les agents correctionnels ne savaient pas que leurs conversations et leurs propos étaient enregistrés.
À la suite de son enquête, l’employeur a congédié les deux agents correctionnels au motif que leur comportement était inapproprié et non professionnel à l’hôpital. De plus, l’enquête de l’employeur a révélé qu’un agent avait fait des commentaires inappropriés et non professionnels à l’autre agent devant le détenu, alors qu’ils étaient dans le véhicule de transport des détenus.
À l’audience d’arbitrage, le syndicat s’est opposé au dépôt en preuve des enregistrements audio réalisés dans le véhicule de transport des détenus au motif qu’il s’agissait d’une forme de surveillance secrète parce que les plaignants ne savaient pas que des enregistrements audio étaient effectués dans le véhicule de transport des détenus. En d’autres termes, selon le syndicat, les enregistrements audio devraient être exclus de la preuve parce que la manière dont ils ont été obtenus et les raisons pour lesquelles ils l’ont été n’étaient pas raisonnables dans les circonstances. Le syndicat n’a pas déposé de grief de principe contestant la politique générale de l’employeur relative aux enregistrements audio dans le véhicule de transport des détenus.
Les enregistrements audio sont admis en preuve
Dans son analyse visant à déterminer si les enregistrements audio pouvaient être admis en preuve, l’arbitre a conclu que ces derniers constituaient un élément déterminant dans la décision de l’employeur de congédier les plaignants.
Selon lui, la décision de l’employeur d’accéder à ces enregistrements audio et de les présenter en preuve n’était pas déraisonnable parce qu’il avait décidé de les télécharger et de les examiner après avoir rencontré les plaignants et le détenu, et avoir constaté que certains de leurs comportements n’étaient pas professionnels. Les enregistrements audio ont ensuite été utilisés pour étayer l’enquête et éclairer le processus décisionnel de l’employeur, qui a finalement décidé de congédier les plaignants.
L’arbitre a déclaré que l’accès aux enregistrements était particulièrement raisonnable dans les circonstances, car les plaignants n’avaient aucune attente raisonnable en matière de protection de la vie privée : ils savaient que le détenu pouvait entendre leur conversation dans le véhicule de transport des détenus.
Ce qu’il faut retenir
L’admissibilité en preuve de ce qu’on appelle la surveillance secrète ou les enregistrements secrets est généralement contestée par les syndicats dans le cadre de procédures de règlement des griefs par voie d’arbitrage. Lors d’une enquête, l’employeur doit évaluer soigneusement les différentes sources d’éléments de preuves et les comparer les unes aux autres, en commençant par faire appel à des témoins directs, si possible. Ensuite, les employeurs pourraient être en mesure de s'appuyer sur les enregistrements issus de la surveillance et autres moyens dans le cadre de la procédure d’enquête, en particulier lorsqu’il s’agit des meilleures preuves disponibles.
Les syndicats peuvent contester la mise en place de systèmes de surveillance ou d’enregistrement. Bien qu’en l’espèce l’employeur ait été autorisé à déposer en preuve des enregistrements audio, pour mieux se prémunir contre les contestations, les employeurs devraient se doter de politiques clairement établies relativement à l’utilisation de systèmes de surveillance et d’enregistrement. Ces politiques devraient notamment préciser quand, comment et à quelles fins les données et les renseignements recueillis peuvent être utilisés.
Grâce à des politiques rigoureuses qui serviront de fondement à l’utilisation des technologies de surveillance et d’enregistrement, les employeurs disposeront de bons arguments leur permettant de recourir à ces systèmes dans le cadre de leurs enquêtes.
[1] Nova Scotia Government and General Employees’ Union v. Nova Scotia (Department of Justice, Correctional Services) (Csernyk Grievance), [2023] N.S.L.A.A. No. 3 (Augustus)