Le 15 mai 2023, la Cour supérieure du Québec rendait jugement dans l’affaire Hébert c. 149667 Canada inc.[1] et refusait les demandes en irrecevabilité et en rejet de la demande pour obtenir l’autorisation d’exercer une action collective (la « demande en autorisation ») présentées par les défenderesses.
Contexte et prétentions des parties
Mme Guylaine Hébert a acheté une garantie prolongée en septembre 2010 auprès d’un détaillant de mobilier de bureau. Elle a déposé une demande pour être autorisée à exercer une action collective en raison du non-respect allégué de l’article 256 de la Loi sur la protection du consommateur [2] (« L.p.c. ») prévoyant que les compagnies vendant des garanties prolongées doivent verser les sommes perçues dans un compte en fidéicommis suite à l’achat. Les défenderesses n’auraient pas respecté cette obligation.
Les défenderesses soulevaient que la demande en autorisation était irrecevable et non fondée, demandant ainsi son rejet, et ce, pour les trois motifs ci-dessous.
Premier motif : la prescription du recours
Le Tribunal a conclu que la prescription du recours personnel de la demanderesse sous l’article 168 alinéa 2 du Code de procédure civile[3] (« C.p.c. ») ne faisait pas obstacle à l’autorisation du recours pour les autres membres du groupe. En effet, le Tribunal a tranché qu’avant de conclure à l’irrecevabilité de la demande en autorisation, il faut tout de même procéder à l’examen des critères d’autorisation de l’article 575 C.p.c.
Le Tribunal a ajouté par ailleurs, sur le fond du dossier, « qu’il serait illogique de rejeter un recours collectif au motif que le recours d’un seul membre est prescrit »[4]. A fortiori, cet argument devrait aussi être valable au stade préliminaire.
Deuxième motif : l’irrecevabilité du recours en raison de l’autorité de la chose jugée
Les défenderesses ont fait valoir que le jugement du juge Nollet, du 9 septembre 2016, dans le dossier Cantin c. Ameublements Tanguay inc.[5](« l’affaire Cantin ») faisait autorité de chose jugée à l’égard du fondement du recours de la demanderesse, ce à quoi le Tribunal a répondu par la négative. Ce recours était basé sur l’article 256 L.p.c., comme en l’espèce.
Afin de statuer sur ce motif, le Tribunal a conclu qu’il y a lieu de déterminer si le jugement en cause avait un caractère définitif. Pour que l’autorité de la chose jugée s’impose, il faut que le premier jugement touche le fondement même du litige, statue sur la substance du droit en litige. Ceci étant, un jugement qui rejette une demande d’autorisation d’exercer une action collective pour un motif d’ordre procédural sans se prononcer sur le fond de la demande d’autorisation ne fera pas autorité de chose jugée à l’égard d’une seconde demande, sauf en ce qui concerne la question procédurale décidée.
Le Tribunal a conclu que puisque le jugement dans l’affaire Cantin ne décidait pas du fondement du litige et ne tranchait pas le syllogisme juridique du recours, celui-ci n’avait pas l’autorité de la chose jugée.
Troisièmement : demande de rejet en raison du recours abusif
Considérant le rejet de la demande d’autorisation dans l’affaire Cantin en raison de l’insuffisance des allégations et les similarités avec la présente affaire, les défenderesses prétendaient que le recours entrepris était voué à l’échec et abusif.
Or, le Tribunal a conclu que le rejet d’un recours fondé sur l’insuffisance d’allégations n’était pas un obstacle dirimant l’institution d’une nouvelle demande avançant le même fondement. Le Tribunal n’a donc pas pu conclure que le recours de la demanderesse était abusif.
Conclusion
Ce jugement a permis de trancher de nouveaux arguments pouvant être soulevés en défense dans le cadre d’une demande en autorisation et de définir les balises entourant, notamment, l’autorité de la chose jugée et la demande en rejet.
Par ailleurs, dans un autre jugement récent[6], il a été décidé que l’article 256 L.p.c. ne trouvait pas application aux garanties prolongées portant sur des achats effectués avant le 30 juin 2010. Cette décision a été portée en appel et le jugement à être rendu sera à surveiller.
[1] 2023 QCCS 1679.
[2] Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1.
[3] Code de procédure civile, RLRQ c C-25.1.
[4] Service aux marchands détaillants ltée (Household finance) c. Option consommateurs, 2006 QCCA 1319.
[5] Cantin c. Ameublements Tanguay inc. 2016 QCCS 4546.
[6] Rochon c. Meubles Léon Ltée, 2023 QCCS 1121. Inscription en appel du 2 mai 2023.