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Le délit de harcèlement est reconnu en Alberta

Fasken
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L’Alberta est maintenant la première province canadienne à reconnaître que le harcèlement peut donner lieu à une action civile, dans la décision rendue récemment dans l’affaire Alberta Health Services v Johnston, 2023 ABKB 209. À ce jour, d’autres provinces – l’Ontario et la Colombie-Britannique – ont refusé de reconnaître ce délit. 

Que s’est-il passé?

L’affaire concernait un défendeur en Alberta qui était candidat au poste de maire de Calgary en 2021. Au cours de sa campagne, les demandeurs, soit Alberta Health Services (« AHS ») et une employée d’AHS qui travaillait comme inspectrice de la santé publique, ont souvent été la cible de critiques de sa part. Dans des entrevues avec de grands médias et sur des plateformes de médias sociaux, le défendeur a attaqué et fustigé les demandeurs, les qualifiant de criminels, proférant des menaces voilées de violence et les menaçant de ruine personnelle et financière.

AHS et deux employés ont intenté une poursuite, notamment en harcèlement et en diffamation.

Le tribunal reconnaît le harcèlement

Dans cette décision, le tribunal s’est d’abord demandé si des organismes publics non élus pouvaient intenter des poursuites en diffamation. Il a tranché la question par la négative en se fondant à la fois sur le droit national et le droit international, et en grande partie pour des raisons d’intérêt public. Cette question préliminaire a eu pour effet de retirer à AHS son statut de demanderesse à la poursuite, laissant deux demandeurs individuels (les deux employés). Il s’est avéré qu’un seul des employés avait été confronté à un comportement qui équivalait à du harcèlement ou à une atteinte à sa réputation.

Le délit de harcèlement ne fait pas l’unanimité : la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt Merrifield v Canada (Attorney General), et les tribunaux de la Colombie-Britannique ont refusé de le reconnaître. Dans l’arrêt Merryfield, la Cour d’appel de l’Ontario n’a toutefois pas explicitement écarté le développement d’un délit de harcèlement correctement défini qui pourrait s’appliquer dans des contextes appropriés, et des décisions subséquentes de la Cour supérieure de l’Ontario ont établi l’existence d’un délit de harcèlement sur Internet.

En reconnaissant un nouveau délit de harcèlement, le tribunal albertain a tenu compte de cet historique et a statué que : i) le harcèlement est un crime; ii) les tribunaux rendent régulièrement des ordonnances de non-communication pour prévenir le harcèlement; iii) les délits existants ne couvrent pas le préjudice causé par le harcèlement; et iv) la reconnaissance judiciaire d’un nouveau délit de harcèlement n’usurpe pas la volonté démocratique du législateur ni son pouvoir de modifier les délits de common law. Le tribunal a également établi un test pour déterminer dans quels cas le harcèlement peut donner lieu à des dommages-intérêts, soit lorsque :

  1. le défendeur a tenu des propos désobligeants, proféré des menaces, lancé des insultes, traqué quelqu’un ou adopté un autre comportement harcelant à répétition, en personne ou par d’autres moyens;
  2. le défendeur savait ou aurait dû savoir que le comportement était importun;
  3. le comportement a porté atteinte à la dignité du demandeur et aurait fait craindre à une personne raisonnable pour sa sécurité ou celle de ses proches ou pourrait vraisemblablement causer une détresse émotionnelle; et
  4. le défendeur a causé un préjudice.

En appliquant le nouveau critère, le tribunal a accordé, entre autres, 100 000 $ en dommages-intérêts généraux pour harcèlement.

L’effet du nouveau délit sur les employeurs

Même s’il reste à voir comment les tribunaux canadiens réagiront à cette décision, il est important pour les employeurs de savoir que le délit de harcèlement a été reconnu en Alberta, car d’autres provinces pourraient bien lui emboîter le pas et établir des délits semblables. Les employeurs doivent être conscients de la responsabilité du fait d’autrui qui pourrait découler de la conduite de leurs employés. Il est fortement recommandé aux employeurs de revoir leurs politiques et procédures en matière de harcèlement et de violence au travail ainsi que celles relatives au traitement des plaintes de harcèlement et d’intimidation.

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