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Ni oui ni non : un tribunal choisit de ne pas se prononcer sur la demande d’un fils souhaitant « fouiller » dans les dossiers de l’avocate de sa mère décédée

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Bulletin testaments, fiducies et litiges successoraux

Dans une affaire récente en Ontario, White v. White, 2023 ONSC 3740 (disponible uniquement en anglais), le tribunal a dû répondre à une question inhabituelle : une personne qui n’a pas contesté un testament devrait-elle être autorisée à examiner les dossiers de l’avocat du défunt pour voir si elle a une raison de contester le testament?   

Dans un testament rédigé en 2014, une mère avait légué 10 % de sa succession à un fils et 90 % à un autre fils. Or, des éléments de preuve démontrent que la mère avait rencontré une avocate en 2021 au sujet de son testament. Elle avait ensuite été victime d’un accident vasculaire cérébral et avait demandé à l’avocate de la rencontrer à l’hôpital, mais elle est décédée avant que l’entretien n’ait pu avoir lieu. Le fils à qui 10 % avaient été laissés a demandé au tribunal une ordonnance lui permettant d’examiner les dossiers de l’avocate de sa défunte mère.

Le fils estimait qu’il pouvait voir les dossiers en raison de l’article 21.1 de la Loi portant réforme du droit des successions[1]. Cet article, édicté en 2021, habilite le tribunal à valider un document modifiant ou révoquant un testament lorsque ce document ne respecte pas strictement les exigences légales. Le fils a fait valoir qu’un tribunal pourrait valider un projet de testament témoignant de l’intention de sa mère de révoquer ou de modifier le testament de 2014[2]. Le fils s’est également appuyé sur l’article 9 de la Loi sur les successions[3], qui permet la production de « tout document ou écrit qui est réellement, ou qui se présente comme étant, un instrument testamentaire[4] ». 

Le fils ne contestait cependant pas encore le testament de 2014, lequel contenait une clause entraînant l’exhérédation de tout bénéficiaire qui le contesterait[5]. Il hésitait à contester le testament avant de voir ce qui se trouvait dans les dossiers de l’avocate de sa mère.

Ni le fiduciaire de la succession de la mère ni l’assureur de l’avocate de la mère ne se sont opposés à la demande de production des dossiers de l’avocate qu’a déposée le fils. Il n’en demeure pas moins que le tribunal a hésité à accorder la dispense demandée.

Il n’aimait pas l’idée qu’un processus de communication préalable des documents ait lieu sans les procédures ordinaires qui accompagnent habituellement les litiges. Selon le tribunal, le fils demandait [traduction] « une communication de documents sans revendiquer une cause d’action », ce qui risquait de « créer des eaux propices à la pêche aux renseignements[6] ». Plus fondamentalement, le tribunal était réticent à l’idée de trahir le secret professionnel de l’avocate de la mère ‒ particulièrement dans les circonstances où la mère avait inclus une clause d’exhérédation visant quiconque contesterait le testament et n’avait pas confié au fils la teneur des modifications proposées au testament de 2014.

Le tribunal s’est exprimé ainsi [traduction] : « Quiconque est ou pourrait être bénéficiaire peut-il fouiller dans les documents les plus confidentiels d’une personne décédée pour voir s’il y a quelque chose [qui pourrait justifier une contestation fondée sur l’article 21.1]? »

Comme il ne prévoyait pas une forte résistance de la part du tribunal, le fils avait présenté sa demande au cours d’une conférence relative à la cause de 15 minutes où il était la seule partie à présenter des soumissions. Le tribunal a tout de même conclu qu’il y avait lieu d’ajourner l’examen de la question, qualifiant l’ordonnance demandée [traduction] « d’ordonnance de communication préalable de documents d’avant-procès[7] », afin de permettre la présentation d’arguments plus approfondis étayés par des recherches ‒ éventuellement accompagnés d’opinions de la communauté juridique en général.

L’un des points principaux à retenir de la décision White v. White est que, dans notre système de justice, il est rare de voir une communication préalable de documents avoir lieu avant un procès, et que les parties qui cherchent à repousser de telles limites en invoquant des arguments restreints, même avec le consentement des personnes concernées, peuvent se heurter à la résistance du tribunal.

 

[1] L.R.O 1990, chap. S.26.

[2] Le tribunal s’est montré sceptique quant à l’applicabilité de l’article 21.1 aux faits qui lui étaient soumis, mais n’a pas tranché la question.

[3] L.R.O 1990, chap. E.21.

[4] Le tribunal s’est dit sceptique quant à la possibilité que l’article 9 puisse recevoir cette interprétation large. Au paragraphe 28 de la décision, le juge déclare [traduction] : « Je n’accepte pas d’emblée que ce soit l’usage prévu par l’art. 9; aucune jurisprudence ne démontre qu’une interprétation aussi large a été adoptée. »

[5] Le tribunal a pris soin de préciser qu’il ne se prononçait pas sur la validité et le caractère exécutoire de la clause d’exhérédation à toutes fins utiles.

[6] Par. 23. 

[7] Par. 34. 

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  • David C. Rosenbaum, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3516, drosenbaum@fasken.com

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