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Prospérer dans le cadre des nouvelles Règles sur les brevets du Canada

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Bulletin de la proprété intellectuelle

Le 3 octobre 2023 a marqué le premier anniversaire de changements importants dans la pratique du droit des brevets au Canada. En effet, c’est le 3 octobre de l’année dernière que de nouvelles Règles sur les brevets sont entrées en vigueur, lesquelles prévoient notamment une taxe pour les revendications excédentaires et un cadre de requête pour la poursuite de l’examen (RPE). Les nouvelles Règles ont été mises en œuvre pour accélérer le traitement des demandes de brevet et réduire le fardeau des examinateurs. Ce premier anniversaire est donc une bonne occasion de faire le point sur ces changements, de discuter des stratégies de réduction des coûts et de présenter des solutions permettant de réduire les risques de double brevet.

Taxe pour les revendications excédentaires

Avant l’entrée en vigueur des nouvelles Règles, le Canada n’imposait aucune limite au nombre de revendications présentées aux fins d’examen et aucune taxe ne leur était applicable. C’est la raison pour laquelle il n’était pas rare de voir l’émission de brevets Canadiens avec plus de 100 revendications, en particulier dans le domaine pharmaceutique.

Les nouvelles Règles ont changé la donne en introduisant une taxe pour les revendications excédentaires de 100 $ CA (environ 75 $ US) pour chaque revendication excédentaire au-delà de la vingtième revendication. La taxe pour les revendications est perçue à deux reprises au cours du traitement de la demande de brevet : 1) au moment du dépôt de la requête d’examen, en fonction du nombre de revendications présentées; et 2) au moment du paiement de la taxe finale, si d’autres revendications ont été ajoutées après le dépôt de la requête d’examen.

Afin d’éviter de payer une taxe pour les revendications excédentaires, les demandeurs devraient envisager de réduire le nombre de revendications en déposant un amendement volontaire avant ou lors de la requête d’examen. Par exemple, certaines revendications pourraient être fusionnées ou les revendications pourraient inclure des dépendances multiples (sans coût additionnel) afin de réduire le nombre total de revendications. Toutefois, pour les raisons expliquées ci-après, les demandeurs devraient éviter de supprimer des revendications portant sur une invention « différente » afin de conserver des droits de dépôt pour une ou plusieurs demandes divisionnaires. Nous y reviendrons plus en traitant de la question de l’interdiction du double brevet.

Requête pour la poursuite de l’examen (RPE)

Auparavant, les examinateurs canadiens pouvaient émettre un nombre illimité de rapports d’examen jusqu’à ce que la demande soit en condition d’acceptation ou soit rejetée dans une décision finale (rarement). Par conséquent, il était courant que trois rapports d’examen ou plus soient émis avant l’acceptation.

Les nouvelles Règles ont mis en place un cadre de RPE. Dès le troisième (3e) rapport d’examen, le demandeur devra déposer une RPE pour donner suite au rapport d’examen et éviter l’abandon. Une autre RPE sera requise pour donner suite à chaque deuxième (2e) rapport d’examen subséquent. À l’heure actuelle, la taxe gouvernementale pour une RPE est de 816 $ CA (environ 625 $ US).

Le cadre de RPE prévoit aussi la possibilité d’apporter des modifications après un avis d’acceptation. Une RPE est désormais requise pour apporter des modifications une fois que la demande de brevet a été acceptée, sauf si la modification corrige des erreurs évidentes.

Les demandeurs sont donc encouragés à prendre des mesures proactives pour réduire au minimum le nombre de rapports d’examen en déposant un amendement volontaire lors de la requête d’examen afin de tenir compte des modifications déjà apportées dans d’autres juridictions et/ou en adaptant la demande de brevet aux exigences de la pratique canadienne. La tenue d’entrevues avec l’examinateur devrait également être envisagée.

Question du double brevet

Les nouvelles Règles n’abordent pas la question du double brevet, une pratique interdite au Canada. Il peut y avoir double brevet lorsque des demandes divisionnaires sont déposées volontairement et que les revendications sont similaires ou évidentes par rapport à celles du brevet principal. Contrairement aux États-Unis, le Canada n’autorise pas les demandes de continuation (i.e., « RCE ») ou les renonciations de terme de brevet (i.e., « terminal disclamer »), ce qui permettrait de résoudre les problèmes de double brevet. Le Canada continue d’appliquer des règles strictes concernant les demandes divisionnaires. Ainsi, il est conseillé aux demandeurs de présenter toutes les revendications d’intérêt dans la demande principale et d’attendre les objections de l’examinateur relatives à l’unité de l’invention avant de déposer des demandes divisionnaires. Ces objections constituent une protection juridique contre les problèmes de double brevet dans les demandes divisionnaires. 

Le dépôt volontaire de demandes divisionnaires (sans objection antérieure relative à l’unité d’invention), bien que possible, est fortement déconseillé en raison des risques inhérents de double brevet. En effet, le double brevet  peut facilement se produire si les revendications d’une demande divisionnaire déposée volontairement sont considérées comme évidentes compte tenu des revendications accordées dans une demande principale. Ces problèmes de double brevet peuvent être soulevés par l’examinateur au cours de l’examen d’une demande divisionnaire ou être invoqués pour contester la validité du brevet délivré au cours d’un litige ultérieur. Pour être en terrain sûr, le dépôt d’une demande divisionnaire doit avoir été ordonné par un examinateur au moyen d’une objection relative à l’unité de l’invention. 

Par conséquent, si la description ou les dessins d’une demande de brevet portent sur plus d’une invention, les demandeurs de brevet doivent faire déclencher une objection relative à l’unité de l’invention. Dans le contexte des nouvelles Règles, cela peut se traduire par le paiement d’une taxe pour les revendications excédentaires afin de présenter des revendications portant sur la ou les inventions « additionnelles » et de « gaspiller » un premier rapport d’examen afin que l’examinateur rejette la demande en raison de l’absence d’unité de l’invention. Ce n’est qu’après cela que les demandeurs pourront déposer leur demande de brevet divisionnaire en toute confiance.

Stratégies et conseils pour limiter les effets des modifications

La plus grande erreur qu’un demandeur pourrait commettre compte tenu des nouvelles Règles serait de vouloir éviter à tout prix la taxe sur les revendications excédentaires. Éviter cette taxe relativement modeste ne devrait pas être la seule priorité du demandeur. Comme mentionné ci-dessus, il est essentiel de présenter des revendications pour les différentes « inventions » comprises dans une demande de brevet afin de déclencher une objection fondée sur l’absence d’unité d’invention et d’éviter ainsi les problèmes de double brevet. Il convient de mesurer les avantages que procurerait une réduction des coûts en évitant la taxe de revendications excédentaires par rapport à ceux liés à la portée du futur brevet et aux problèmes éventuels afin de faire respecter le brevet. Il peut être tout à fait justifié de payer une taxe pour des revendications excédentaires lorsque l’ajout de revendications additionnelles renforce la position du titulaire du brevet.

Les demandeurs devraient tenir compte des conseils suivants, en particulier si leur budget est serré.

  1. Prenez votre temps... La taxe pour les revendications excédentaires est payable au moment de la requête d’examen. Au Canada, la requête d’examen peut être présentée dans un délai de quatre ans à compter de la date de dépôt (habituellement la date de dépôt de la demande internationale « PCT »). En reportant l’examen à une date proche de cette échéance, vous disposerez du temps nécessaire pour prendre en considération les faits survenus dans le cadre des procédures étrangères similaires ainsi que les développements commerciaux. Ceci permettra d’assurer que l’ensemble de revendications présentées au Canada englobe tous les éléments importants.
  2. Concentrez-vous sur les éléments essentiels de l’invention en réduisant le nombre de revendications. Si vous présentez des revendications qui ont plus de chances d’aboutir, vous éviterez des cycles d’examen inutiles. De plus, le fait de supprimer des revendications dépendantes superflues ne vous empêchera pas de modifier ultérieurement le jeu de revendications afin de l’optimiser.
  3. Pensez à toutes les revendications d’intérêt et présentez plusieurs revendications indépendantes qui pourraient être réutilisées ultérieurement dans des demandes divisionnaires à la suite d’une objection de l’examinateur concernant l’unité de l’invention. Les demandes divisionnaires pourront être modifiées afin d’y ajouter des revendications dépendantes qui ne figuraient pas dans la demande principale. De cette manière, les demandeurs peuvent éviter de payer la taxe pour les revendications excédentaires dans le cadre de la demande principale.

Conclusion

Les nouvelles Règles sur les brevets entrées en vigueur le 3 octobre de l’année dernière marquent un changement important dans le processus de traitement des demandes de brevet au Canada. Elles ont été mises en œuvre pour accélérer le traitement des demandes de brevet et réduire le fardeau des examinateurs, mais cette nouvelle réglementation entraine des hausses de coûts et des pièges supplémentaires pour les demandeurs de brevet. Les demandeurs devraient donc plus que jamais adopter une approche stratégique et consulter des agents de brevets canadiens afin d’obtenir des résultats optimaux, de limiter les coûts et d’éviter les problèmes éventuels de validité.

 

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Auteurs

  • Serge Lapointe, PhD, Agent de brevets | Associé, Montréal, QC, +1 514 397 5219, slapointe@fasken.com
  • Alain M. Leclerc, Associé | Agent de marques de commerce | Agent de brevets, Montréal, QC, +1 514 397 4321, aleclerc@fasken.com

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