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Grève de la WGA : Pourquoi les scénaristes d’Hollywood ont-ils peur de l’IA?

Fasken
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Bulletin technologies, médias et télécommunications

Après des mois de grève très médiatisée, la Writer’s Guild of America (la « WGA ») a récemment mis fin à son arrêt de travail après avoir conclu une entente de principe (l’« entente ») avec l’Alliance of Motion Picture and Television Producers (l’« AMPTP ») le 24 septembre dernier. Quelques semaines plus tard, à la mi-octobre, 99 % des membres de la WGA ont voté en faveur de la ratification de l’entente. La raison pour laquelle les membres de la WGA ont voté massivement en faveur de l’entente est que celle-ci met fin à de nombreux différends. En effet, la WGA obtient une plus grande part des revenus résiduels provenant de la diffusion en continu à l’étranger, une augmentation de la rémunération des scénaristes et des normes minimales concernant le nombre de scénaristes devant être employés pour les émissions télévisées qui ont obtenu le feu vert. Mais surtout, les négociations ont été marquées par un moment potentiellement décisif quant au rôle que l’intelligence artificielle (« IA ») jouera dans le secteur des médias et du divertissement au cours des années à venir. Par ailleurs, l’utilisation de répliques numériques réalistes des acteurs et la compensation que les acteurs recevront pour l’utilisation de ces répliques sont demeurées des points qui posent problème dans les négociations entre l’AMPTP et la Screen Actors Guild (la « SAG »), et ce, jusqu’à la conclusion d’une entente de principe au début du mois de novembre.

Qu’y a-t-il de si inquiétant à ce que l’IA fasse son entrée dans la cour des scénaristes?

L’appréhension entourant l’IA générative est au cœur des préoccupations des scénaristes. L’IA générative est un type d’intelligence artificielle qui génère de nouveaux contenus tels que des images, du texte, de la musique ou des vidéos à partir des données qui lui sont transmises. Les systèmes d’IA traditionnels ne peuvent que faire des prédictions basées sur des modèles de données existants et sont incapables de produire de nouvelles informations ou de nouveaux contenus. En revanche, l’IA générative est capable d’utiliser un grand volume de données pour entraîner elle-même ses systèmes à créer de nouveaux contenus en fonction de ce qu’elle a déjà appris à partir d’ensembles antérieurs de données différentes.

Les scénaristes craignent que ces technologies ne soient utilisées pour écrire de nouveaux textes ou récrire les textes des scénaristes humains, ce qui aurait pour effet de miner au droit d’auteur et d’autres droits des scénaristes humains. Au cours du processus de négociation, la WGA a fait valoir que le contenu produit par l’IA ne devait pas être considéré comme du « contenu original » ou du « contenu littéraire », car cela pourrait avoir pour effet de considérer l’IA comme un scénariste à part entière dans la rédaction d’un texte ou de miner le droit d’auteur des scénaristes humains sur certains projets. L’utilisation d’œuvres créées antérieurement pour entraîner les systèmes d’IA générative suscite également des craintes.

Comment l’entente aborde-t-elle l’IA générative?

L’entente prévoit les règles suivantes pour l’utilisation de l’IA dans le cadre des projets qui en relèvent :

  • L’IA ne peut pas écrire ni récrire de textes littéraires, et le contenu généré par l’IA ne sera pas considéré comme du contenu original dans le cadre de l’entente, ce qui signifie que le contenu généré par l’IA ne peut pas être utilisé pour miner le droit d’auteur d’un scénariste ou ses autres droits;
  • Un scénariste peut choisir d’utiliser l’IA dans le cadre de ses services de rédaction si l’entreprise y consent et à condition que le scénariste respecte les politiques applicables de l’entreprise, mais l’entreprise ne peut pas exiger du scénariste qu’il utilise un logiciel d’IA (par exemple, ChatGPT) dans le cadre de ses services de rédaction;
  • L’entreprise doit indiquer au scénariste si le contenu qui lui est remis a été généré par l’IA ou s’il contient du contenu généré par l’IA;
  • La WGA se réserve le droit de faire valoir que toute utilisation du matériel des scénaristes pour entraîner l’IA est interdite par l’entente ou d’autres lois.
  • Ces règles permettront aux scénaristes et aux producteurs d’utiliser l’IA s’ils le souhaitent, dans la mesure où cette utilisation (1) ne réduit pas ni n’élimine le recours effectif à des scénaristes ou (2) ne réduit pas ni n’élimine la rémunération des scénaristes. L’entente permet également à la WGA de s’opposer à l’utilisation des œuvres des scénaristes pour entraîner les systèmes d’IA dans l’avenir.

Le pouvoir de l’IA d’augmenter la productivité représente-t-il vraiment un danger pour les scénaristes?

Il est difficile de prédire dans quelle mesure l’IA sera omniprésente au cours des prochaines années. L’entente reconnaît ce fait en précisant que « [l]es parties reconnaissent que le cadre juridique entourant l’utilisation de [l’IA générative] est incertain et évolue rapidement » [traduction]. Les modalités de l’entente ne sont pas immuables; l’entente restera en vigueur jusqu’au 1er mai 2026, après quoi les règles relatives à l’IA feront sans doute l’objet de nouvelles négociations.

Certaines préoccupations qui n’ont pas été abordées dans le cadre de l’entente pourraient poser problème bien avant 2026. Par exemple, les scénaristes qui créent des œuvres dans le cadre d’un contrat de travail – et qui ne conservent donc aucun droit d’auteur – pourraient néanmoins voir leurs mots utilisés pour entraîner des systèmes d’IA. Cela signifie également que les systèmes d’IA disposeraient tout de même de bases de données considérables dans lesquelles ils peuvent puiser si les studios commençaient à considérer l’entraînement de l’IA comme une utilisation productive de leurs textes.

Les négociations entre la WGA et l’AMPTP (et entre la SAG et l’AMPTP) montrent que toutes les parties prenantes devront trouver le juste équilibre dans l’utilisation de l’IA, qui permet de réaliser des gains de productivité et d’efficacité, tout en protégeant les droits et le contrôle des scénaristes et des auteurs sur leurs œuvres. Avec l’aide de l’IA et une approche équilibrée, les scénaristes pourraient être libres de se concentrer davantage sur ce qu’ils aiment et sur le développement de leurs idées et de leur créativité.

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