Le 6 octobre 2023, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé[1] le congédiement pour motif valable d'une employé qui avait fait de nombreux enregistrements clandestins sur une période d’environ 10 ans alors qu’il était à son emploi, et ce, même si l’employeur a découvert l’existence de ces enregistrements clandestins après que l’employé ait été licencié sans motif valable.
Contexte
L’employé était analyste financier et comptable professionnel agréé (CPA). Il a été licencié sans motif valable le 25 mars 2020. L’employé a entamé plusieurs procédures judiciaires à la suite de sa cessation d’emploi : il a déposé une plainte relative aux droits de la personne, une plainte en vertu de l’Employment Standards Act (loi provinciale sur les normes d’emploi) et a intenté une action pour congédiement injustifié devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique.
Lors des procédures devant le Tribunal des droits de la personne, l’employé a révélé avoir enregistré clandestinement de nombreuses conversations sur son lieu de travail. En fait, il avait enregistré plus de 100 réunions d’information en santé et sécurité, une trentaine de rencontres avec le personnel des ressources humaines, et a aussi accidentellement « capté » d’autres conversations avec des collègues lorsqu’il avait prétendument oublié d’éteindre la fonction d’enregistrement de son téléphone.
Lorsqu’il a découvert l’existence de ces enregistrements clandestins, l’employeur a modifié sa position et a affirmé qu’il avait un motif valable de congédier l’employé.
L’employé a prétendu avoir fait ses premiers enregistrements pour améliorer sa maîtrise de l’anglais. Il a affirmé que les enregistrements ultérieurs avaient été effectués parce qu’il avait des préoccupations concernant la discrimination et l’intimidation sur le lieu de travail, les irrégularités financières de l’entreprise et son droit à une rémunération incitative.
La décision du juge de première instance
Le juge de première instance a constaté qu’au fil du temps, la sensibilité de l’employé à l’égard du respect de la vie privée de ses collègues avait commencé à s’estomper, car il continuait d’enregistrer des conversations. Certains enregistrements contenant des renseignements personnels sur ses collègues n’avaient rien à voir avec le lieu de travail. Malgré les diverses explications fournies par l’employé, le juge de première instance a conclu que les enregistrements ne reposaient sur aucun fondement légitime. Plus précisément, rien ne permettait à l’employé de craindre de subir de la discrimination, il n’y avait aucune preuve d’une quelconque inconduite financière ni aucun indice d’une application inadéquate du programme de rémunération incitative.
Le juge de première instance a conclu que l’employé était conscient qu’il était contraire à l’éthique de procéder à ces enregistrements clandestins. Il a également conclu que certains des enregistrements avaient été faits dans le seul but de servir les intérêts de l’employé, et que ceux-ci n’étaient pas conformes aux normes établies par sa profession de CPA. Qui plus est, le juge de première instance a souligné que les employés dont les conversations ont été enregistrées se sont raisonnablement sentis lésés par ces enregistrements.
En ce qui concerne les motifs de congédiement obtenus ultérieurement par l’employeur, le juge de première instance a reconnu qu’il ne s’agissait pas d’un cas où la découverte tardive des faits justifiant le congédiement pour motif valable était un facteur d’importance, étant donné le caractère clandestin des enregistrements. Cela signifie que l’employeur n’avait pas vraiment la possibilité de découvrir l’existence des enregistrements avant le licenciement de l’employé.
Enfin, le juge de première instance a noté qu’une décision qui aurait approuvé la conduite de cet employé aurait pu encourager d’autres employés se sentant lésés au travail à enregistrer secrètement leurs collègues. Le juge de première instance a affirmé que [traduction] « cela ne serait pas une évolution positive sur le plan des politiques », compte tenu des récentes décisions de la Cour suprême du Canada, selon lesquelles les questions relatives à la protection de la vie privée ont un statut quasi constitutionnel.
Décision de la Cour d’appel
La Cour d’appel a confirmé les conclusions du juge de première instance selon lesquelles les enregistrements clandestins de l’employé étaient sournois et constituaient une faute minant la relation de confiance entre un employeur et son employé. Ce comportement a aussi porté atteinte au droit à la vie privée des personnes ayant été enregistrées et de celles dont il était question dans les conversations enregistrées. La Cour d’appel a également approuvé les commentaires du juge de première instance qui a invoqué des motifs relatifs à « l’ordre public » comme facteur pertinent au maintien du congédiement pour motif valable.
Conclusion
Pour qu’un employeur puisse prouver l’existence d’un motif valable de congédiement, il doit démontrer, selon une approche contextuelle, que la nature et le degré de l’inconduite justifiaient un congédiement. Chaque affaire est traitée en fonction des faits qui lui sont propres. En l’espèce, le juge de première instance a conclu que l’absence d’un motif valable pour procéder aux enregistrements clandestins, leur nombre élevé, les renseignements personnels qu’ils contenaient et la longue période durant laquelle les enregistrements ont eu lieu étaient des éléments qui pesaient en défaveur de l’employé.
Si vous souhaitez obtenir des conseils à propos de la découverte d’enregistrements clandestins justifiant une mesure disciplinaire ou un congédiement, veuillez communiquer avec votre avocat habituel de l’équipe Travail, emploi et droits de la personne de Fasken.