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Le Canada soumettra les investissements dans les médias numériques interactifs à un examen plus approfondi

Fasken
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Le 1er mars 2024, le gouvernement du Canada a dévoilé deux nouvelles politiques en matière d’investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs : l’une portant sur les examens relatifs à la sécurité nationale et l’autre sur les examens des investissements culturels.

Les politiques définissent les « médias numériques interactifs » (les « MNI ») comme, notamment, « le contenu et/ou les environnements numériques dans lesquels les usagers participent activement, ou qui encouragent la participation de plusieurs usagers à des fins de divertissement, d’information ou d’éducation. Ceux-ci sont, en général, disponibles via l’internet, les réseaux mobiles, les consoles de jeux ou les dispositifs de stockage multimédia. ».

Dans le contexte de la sécurité nationale, cette définition large englobe, par exemple, les jeux vidéo (y compris les jeux en ligne et les jeux de console) et les plateformes technologiques qui peuvent être utilisées à des fins de divertissement, d’éducation, de formation et de commerce électronique (y compris certaines applications mobiles et certains appareils de réalité virtuelle et/ou augmentée). Les activités culturelles susceptibles de relever du secteur des MNI sont potentiellement plus restreintes et comprennent, par exemple, les jeux sur PC, les jeux de console, les jeux en nuage, les jeux mobiles et certaines technologies immersives ou de réalité augmentée.

Dans une déclaration commune en annexe de l’honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, et de l’honorable Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien, les ministres ont affirmé :

Bien que le Canada continue d’être ouvert aux investissements étrangers directs qui appuient la croissance du secteur, le gouvernement du Canada reconnaît qu’un acteur parrainé ou influencé par un État hostile pourrait essayer de tirer parti des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs pour propager la désinformation et manipuler l’information. Le gouvernement reconnaît aussi qu’il faut assurer la présence d’une propriété intellectuelle distincte, détenue et créée par des Canadiens, qui rendrait possible la création de récits et de produits culturels canadiens.

Bien que les nouvelles politiques ne semblent pas constituer un changement radical par rapport à l’approche actuelle des investissements dans le secteur des MNI, elles indiquent que les investissements étrangers dans le secteur des MNI feront l’objet d’un examen plus approfondi.

Énoncé de politique sur la sécurité nationale

L’énoncé de politique sur l’examen des investissements étrangers dans le secteur des médias numériques interactifs définit l’approche du gouvernement en ce qui concerne les questions de sécurité nationale dans le secteur des MNI (l’« énoncé de politique sur la sécurité nationale »).

Rappelons qu’au Canada, lorsque le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a des motifs raisonnables de croire qu’un investissement par un non-Canadien pourrait porter atteinte à la sécurité nationale, le gouverneur en conseil peut prendre un décret pour examiner l’investissement pour des motifs fondés sur la sécurité nationale (un « examen relatif à la sécurité nationale »).

Dans l’énoncé de politique sur la sécurité nationale, le gouvernement du Canada a déclaré qu’il prendrait en compte les facteurs suivants pour déterminer si un investissement dans une entreprise canadienne du secteur des MNI porte atteinte à la sécurité nationale :

  • la portée et le public cible du contenu;
  • la présence d’autres éléments en ligne (par exemple, registres de clavardage, achats intégrés, accès au microphone ou à la caméra);
  • la nature et l’étendue des liens de l’investisseur avec un gouvernement étranger;
  • la propension de l’entreprise canadienne à être utilisée par l’État étranger en question afin de propager la désinformation ou [d’]imposer une censure incompatible avec les droits et les valeurs des Canadiens;
  • la composition du conseil d’administration de l’entreprise canadienne;
  • le degré de contrôle ou d’influence que l’investisseur serait susceptible d’exercer sur l’entreprise canadienne, y compris le contenu de ses produits.

Cette surveillance renforcée est justifiée par le risque accru que des acteurs parrainés ou influencés par un État propagent de la désinformation ou manipulent l’information d’une manière qui porte atteinte à la sécurité nationale du Canada. Par « manipulation de l’information », l’énoncé de politique sur la sécurité nationale entend, entre autres, l’omission de faits, l’amplification inauthentique de récits, du contenu audio ou visuel falsifié, le trollage, et la censure ou la contrainte à l’autocensure de l’information.

Étant donné que le secteur des MDI fera l’objet d’un examen plus approfondi en vertu de la Loi sur Investissement Canada, le gouvernement du Canada encourage fortement les investisseurs non canadiens à consulter la Division de l’examen des investissements au moins 45 jours avant d’effectuer tout investissement.

Énoncé de politique sur les entreprises culturelles

En plus de l’énoncé de politique sur la sécurité nationale, le gouvernement du Canada a aussi publié un énoncé de politique concernant les examens relatifs à l’avantage net des investissements étrangers dans les entreprises culturelles du secteur des médias numériques interactifs en vertu de la Loi sur Investissement Canada (l’« énoncé de politique sur les entreprises culturelles »). L’énoncé de politique sur les entreprises culturelles précise que les non-Canadiens qui cherchent à investir dans des entreprises du secteur des médias numériques interactifs du Canada qui possèdent ou créent des biens intellectuels peuvent s’attendre à être soumis à des engagements stricts.

Tandis que l’énoncé de politique sur la sécurité nationale a été motivé par des préoccupations relatives à la manipulation de l’information par des acteurs étatiques étrangers ou influencés par ceux-ci, l’énoncé de politique sur les entreprises culturelles découle du désir du gouvernement du Canada de voir les entreprises culturelles au Canada appartenir à des Canadiens et refléter les voix, les valeurs et l’identité nationale du Canada.

Rappelons qu’au Canada, le ministre du Patrimoine canadien est chargé d’examiner les investissements qui comportent l’acquisition du contrôle ou l’établissement d’une entreprise exerçant des activités liées à l’identité nationale ou au patrimoine culturel (c.-à-d. une entreprise qui produit, publie, distribue, vend ou affiche des documents imprimés ou des enregistrements vidéo ou audio) afin de déterminer si l’investissement est « à l’avantage net » du Canada. Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie est chargé d’examiner toutes les autres opérations susceptibles d’examen.

Dans l’énoncé de politique sur les entreprises culturelles, le gouvernement du Canada a déclaré qu’il prendrait en compte les facteurs suivants afin de déterminer si un investissement dans une entreprise culturelle canadienne serait à l’avantage net du Canada :

  • la mesure dans laquelle un État étranger est susceptible d’exercer un contrôle opérationnel et stratégique direct ou indirect sur l’entreprise canadienne à la suite de l’investissement;
  • la création ou la possession de sa propre propriété intellectuelle par l’entreprise canadienne visée par l’acquisition;
  • l’intensité de la concurrence qui existe dans le secteur, et la possibilité d’une concentration très importante de la propriété étrangère dans le secteur à la suite de l’investissement;
  • la gouvernance d’entreprise et la structure de rapport de l’entreprise étrangère, y compris le respect des normes canadiennes de gouvernance d’entreprise et aux lois et pratiques canadiennes, y compris les principes du libre marché dans ses opérations canadiennes;
  • la probabilité que l’entreprise canadienne visée par l’acquisition poursuive ses activités à des fins commerciales.

En outre, pour les investissements étrangers dans les entreprises culturelles du secteur des MNI qui impliquent la création ou la titularité d’une propriété intellectuelle, la ministre du Patrimoine canadien tiendra compte de l’expression de voix canadiennes et d’histoires reflétant les valeurs canadiennes dans le cadre de l’examen de l’avantage net. Ces investissements peuvent être assujettis à des engagements permettant, entre autres :

  • d’assurer l’indépendance créative de l’entreprise canadienne;
  • d’assurer une gouvernance d’entreprise solide et la transparence dans la prise de décision;
  • des exigences en matière de rapports continus, d’audit et de droits d’inspection.

Conclusion

Dans la foulée de l’énoncé de politique d’octobre 2022 du gouvernement du Canada annonçant que les demandes d’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne active dans le secteur des minéraux critiques par une société d’État étrangère ne seraient approuvées que « de façon exceptionnelle », ces nouvelles politiques témoignent de la préoccupation croissante du gouvernement du Canada à l’égard de l’influence étrangère, en particulier celle d’États qui n’ont pas les mêmes idées, dans des secteurs qu’il juge essentiels pour les intérêts économiques et de sécurité du Canada.

Le dévoilement de ces deux nouvelles politiques coïncide avec l’étude en cours du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et de l’économie sur le projet de loi C-34 (Loi sur la modernisation de l’examen des investissements relativement à la sécurité nationale), qui, comme nous l’avons indiqué dans des comptes rendus précédents, apportera des changements importants au processus d’examen des investissements étrangers relativement à la sécurité nationale du Canada lorsqu’il sera adopté en 2024, comme prévu.

Si vous avez des questions concernant le processus d’examen relatif à la sécurité nationale, sur le processus d’examen relatif aux entreprises culturelles ou sur le droit canadien en matière d’investissements étrangers de manière plus générale, n’hésitez pas à communiquer directement avec un membre du groupe Concurrence, commercialisation et investissements étrangers ou du groupe Sécurité nationale de Fasken. Les avocats de notre groupe ont une grande expérience en matière de conseil aux clients sur tous les aspects des investissements étrangers directs, y compris les réalités émergentes qui s’y rattachent désormais.

Veuillez noter que les renseignements et les conseils figurant dans cet article ne constituent pas un avis juridique et ne devraient pas être considérés comme tels.

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  • Anthony F. Baldanza, Associé, Toronto, ON, +1 416 865 4352, abaldanza@fasken.com
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  • Henry Gray, Avocat, Ottawa, ON, +1 613 696 3173, hgray@fasken.com
  • Robin Spillette, Avocate, Toronto, ON, +1 416 868 7817, rspillette@fasken.com

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