Aperçu
Est-ce le début d’une nouvelle ère dans le secteur minier canadien? Après des années de soutien stratégique décevant, le gouvernement fédéral du Canada, qui jusqu’à récemment adoptait le rôle d’un gardien désintéressé, se positionne maintenant comme un partenaire plus engagé et facilitateur de projets.
Cette décision est la bienvenue. Le secteur minier et le secteur des minéraux critiques sont à un point d’inflexion à l’échelle mondiale et le Canada est au centre de la croisée des chemins : au-delà de ce redémarrage de l’appui gouvernemental, l’exploitation minière au Canada bénéficie depuis longtemps de nombreux avantages, y compris une expertise financière, juridique et technique dans le secteur minier plus approfondie qu’ailleurs dans le monde.
Dans ce bulletin, nous mettons en lumière ce que doivent savoir les sociétés minières internationales et les investisseurs intéressés à explorer les possibilités canadiennes. Nous discutons également des avantages et des enjeux systémiques plus vastes – économiques et géopolitiques – en jeu.
Relance et soutien renouvelés du gouvernement
Le gouvernement fédéral canadien a compris que pour attirer des investissements dans le secteur minier, il faut une réglementation efficace, transparente et prévisible, ainsi qu’un appui du gouvernement.
En décembre 2022, le gouvernement fédéral a publié la Stratégie canadienne sur les minéraux critiques (la « Stratégie »), reconnaissant que les minéraux critiques représentent une occasion générationnelle pour l’économie du pays. Les principaux objectifs de la Stratégie comprennent 1) encourager l’exploration, 2) accélérer le développement de projets et 3) promouvoir l’appui des intervenants.
Le budget fédéral de 2024 (le « Budget ») récemment publié s’appuie sur ces initiatives et affecte 3,8 milliards de dollars à la Stratégie. Ceci inclut plusieurs crédits d’impôt, dont les suivants :
- Crédit d’impôt pour l’exploration minière: un crédit d’impôt de 15 % qui s’ajoute aux avantages fiscaux liés au régime canadien d’actions accréditives pour les sociétés d’exploration en démarrage (et en vertu duquel certaines déductions fiscales peuvent être transférées par la société aux investisseurs).
- Crédit d’impôt pour l’exploration de minéraux critiques: un crédit d’impôt de 30 % offert aux sociétés qui explorent l’un des 15 minéraux critiques, dont le cuivre, le nickel, le lithium, le cobalt et les éléments des terres rares. Les dépenses couvertes comprennent celles qui servent à déterminer l’existence, l’emplacement, l’étendue ou la qualité des ressources minérales.
- Crédit d’impôt à l’investissement dans la fabrication de technologies propres : un crédit d’impôt de 30 % applicable aux investissements dans des biens admissibles servant à la fabrication de technologies propres et à l’extraction ou la transformation des minéraux critiques.
En ce qui a trait à l’accélération du développement des projets, le Budget fixe : 1) un objectif de cinq ans (ou moins) pour réaliser les processus d’évaluation d’impact et d’autorisation des projets désignés par le gouvernement fédéral; et 2) un objectif de deux ans (ou moins) pour permettre l’exécution de projets non désignés par le gouvernement fédéral. Le Budget a également annoncé plusieurs autres mesures visant à améliorer la prévisibilité pour les promoteurs et promotrices de projets et à accroitre la coordination, la transparence et la reddition de compte du gouvernement fédéral dans le cadre des processus d’autorisation des projets. Ces mesures comprennent les suivantes :
- La publication d’une directive du cabinet établissant clairement les rôles et les responsabilités au sein des ministères fédéraux et entre eux.
- La réalisation simultanée plutôt que séquentielle d’examens réglementaires différents, mais partageant des points communs – lorsque les circonstances le permettent.
- La mise en place d’un nouveau coordonnateur des permis d’exploitation minière au sein du gouvernement fédéral, l’augmentation du financement accordé aux organismes fédéraux d’examen et divers mécanismes de coordination des permis afin de réduire le double emploi et d’accélérer le traitement.
- La modification de la Loi sur l’évaluation d’impact afin de faciliter un examen plus efficace des projets.
- L’objectif global de raccourcir de près de dix ans le délai d’autorisation des projets pour les nouvelles mines au Canada et de l’établir à cinq ans.[1]
En ce qui concerne la promotion du soutien des intervenants, le Budget prévoit 5 milliards de dollars de garanties de prêts pour faciliter la prise de participation des communautés autochtones dans les projets miniers. Les communautés autochtones bénéficieront également : 1) d’un financement visant à augmenter leur capacité pour aider à réduire les coûts de négociation avec les promoteurs de projets; et 2) d’un nouveau coordonnateur fédéral des consultations.
Parallèlement, le Canada mise beaucoup sur la production de batteries pour véhicules électriques. Les gouvernements fédéral, ontarien et québécois ont récemment signé une série d’accords d’investissement de plusieurs milliards de dollars avec Honda, Volkswagen, Ford, GM, Stellantis et Northvolt concernant des installations de production de batteries et de pièces pour véhicules électriques. L’objectif est de faire du Canada un acteur de premier plan dans la course mondiale à la création de chaînes d’approvisionnement pour les véhicules électriques, et cela se fait remarquer : Bloomberg a récemment classé le Canada au premier rang mondial pour ce qui est de l’attrait de la construction de chaînes d’approvisionnement de batteries véhicules électriques.
La force et les avantages historiques du secteur minier du Canada
Le gouvernement du Canada est déterminé à accélérer l’essor du secteur minier canadien, et ce, en s’appuyant sur les avantages sectoriels qui remontent à longtemps et qui sont profondément enracinés au pays.
Le Canada est une superpuissance minière durable. Nous sommes le plus grand producteur mondial de potasse et parmi les cinq premiers producteurs d’or, d’aluminium, de diamants, de métaux du groupe des platineux, de concentrés de titane et d’uranium. Au total, une soixantaine de minéraux et de métaux sont extraits dans environ 200 mines et 6 500 carrières.
Toronto est l’épicentre du financement minier à l’échelle internationale pratiquement depuis la création de la Bourse de Toronto (la « TSX ») en 1861, et cette dominance se poursuit aujourd’hui. Les sociétés minières inscrites à la TSX et à la Bourse de croissance TSX ont réuni 45 milliards de dollars au cours des cinq dernières années au moyen de plus de 6 500 financements, ce qui représente 48 % des financements miniers mondiaux et 36 % des capitaux propres miniers mondiaux réunis au cours de cette période. Dans l’ensemble, plus de sociétés minières sont cotées à la Bourse de Toronto et à la Bourse de croissance TSX que sur n’importe quelle autre bourse.
Cette concentration d’activités sur les marchés financiers s’accompagne de nombreux experts du secteur minier (disposant d’une expertise financière, comptable, juridique, technique et environnementale) tous efficacement rassemblés dans le quartier central des affaires de Toronto. En effet, peu (voire aucun) de centres financiers internationaux sont aussi spécialisés dans une seule industrie que Toronto dans le secteur minier.
Il en résulte une plus grande visibilité, un meilleur accès aux capitaux et une optimisation des opérations. Il n’est donc pas surprenant que Toronto compte plus de sièges sociaux de sociétés minières que toute autre ville au monde. Et c’est sans parler de Vancouver, qui est depuis longtemps un centre mondial pour les sociétés minières, le financement minier et l’expertise du secteur des mines.
Fasken incarne la force du secteur minier au Canada. En 2023, pour la quinzième fois et la neuvième année consécutive, Fasken a été nommé « Cabinet d’avocats de l’année en droit minier à l’échelle mondiale ». Notre cabinet a reçu ce prix plus souvent que tout autre cabinet d’avocats dans le monde. Nous figurons également parmi les plus importants cabinets d’avocats en matière de financement et de nouvelles inscriptions à la Bourse de Toronto, sur le marché AIM et à la Bourse de Johannesburg.
Le secteur minier au Canada profite également grandement de notre proximité immédiate avec les États-Unis. Le Groupe de travail canado-américain sur la transformation de l’énergie Canada–États-Unis a été créé en mars 2023 et a été prolongé par le Budget. Ce groupe de travail a pour mandat de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement nord-américaines pour les minéraux critiques, les combustibles nucléaires, l’acier vert et l’aluminium. Un aspect clé de cette collaboration consiste à appuyer les projets transfrontaliers et prioritaires de minéraux critiques et à renforcer l’intégration de la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques.
Nos conclusions : les questions importantes et systémiques en jeu
Malheureusement, et comme ailleurs, il fallait jusqu’à tout récemment compter de 12 à 15 ans pour faire autoriser une nouvelle mine au Canada[2]. Heureusement, le gouvernement fédéral canadien a expressément reconnu que ce délai était inacceptable et qu’il fallait le changer rapidement. Les enjeux sont importants et l’objectif est double.
Premièrement, l’amélioration de l’attrait du Canada pour les investissements miniers internationaux est une question de croissance économique et de prospérité nationale. D’énormes fortunes seront gagnées et perdues dans la transition vers les énergies vertes : les récentes prévisions indiquent que le prix du cuivre quadruplera au cours des prochaines années[3]. Le Canada a perdu en compétitivité sur plusieurs fronts. Notre priorité devrait être de mettre à profit nos forces et le secteur minier est sans contredit la plus grande force du Canada.
Deuxièmement, et c’est tout aussi important, la course aux minéraux critiques n’est pas qu’une question monétaire, elle est aussi une question cruciale de sécurité nationale et internationale. Jusqu’à maintenant, le Canada et ses alliés ont été surpassés par leurs rivaux pour ce qui est d’établir et de consolider des chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques. Le contrôle des minéraux critiques est devenu un nouveau centre de gravité stratégique mondial et menace d’être utilisé comme une arme géopolitique et militaire de poids[4]. Les ressources minérales abondantes du Canada peuvent contribuer considérablement à la réponse de l’Occident.
Nous accueillons chaleureusement les engagements récents du gouvernement fédéral visant à accélérer, à simplifier et à stimuler les investissements dans les projets miniers, l’exploration minière et l’autorisation des projets. La prochaine étape pour le gouvernement est de les mener à bien consciencieusement et avec diligence.
Or, il existe un problème plus vaste et plus systémique qui nécessite une attention urgente. Pour que la société réussisse la transition vers l’énergie verte, le rôle essentiel que jouera le secteur minier doit être plus largement reconnu, valorisé et défendu. Autrement dit, le gouvernement et le secteur devront se mobiliser, coopérer et se montrer résolus pour gagner les courses aux minéraux critiques et aux énergies vertes. La compréhension et le soutien de la collectivité dans son ensemble contribueront grandement à atteindre cet objectif. Il faut donc en faire davantage pour favoriser l’acceptation générale du secteur minier canadien à l’avenir. De même, le gouvernement fédéral doit fermement établir et maintenir la confiance des investisseurs dans la stabilité à long terme et dans l’importance stratégique du secteur minier canadien. Les éventuels gains politiques à court terme doivent passer après le maintien constant d’un climat d’investissement accueillant et attrayant. Il faut aussi s’engager à accroître la transparence et la prévisibilité du traitement et des examens réglementaires, notamment en ce qui concerne les investissements étrangers.
Bref, c’est très bien que le gouvernement fédéral déclare que le secteur minier canadien est prêt à faire des affaires, encore faut-il qu’il s’engage pleinement à veiller à ce qu’il le soit et qu’il le demeure.