Passer au contenu principal
Bulletin

Une proximité qui dérange? La BC Utilities Commission autorisée à agir comme partie à part entière dans le cadre de l’appel de sa propre décision

Fasken
Temps de lecture 9 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Bulletin Mondial Énergie et Climat

Dans l’arrêt Powell River Energy Inc. v. British Columbia (Utilities Commission), 2024 BCCA 327 (en anglais), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (la « Cour d’appel ») a accordé à Powell River Energy Inc. (« PREI ») l’autorisation de porter en appel une décision sur le réexamen rendue par la British Columbia Utilities Commission (la « BCUC »). Cette décision confirmait que PREI était visée par la définition de « service public » énoncée à l’article 1 de la loi sur la commission des services publics (Utilities Commission Act; la « Loi ») et était donc assujettie à la réglementation de la BCUC. Ce qui ressort de la décision de la Cour d’appel, c’est que cette dernière a également autorisé la BCUC à participer à titre de partie à part entière à l’appel, afin d’éviter qu’il soit sans opposition.

Comme nous l’avons résumé dans notre bulletin  qui examinait la décision initiale de la BCUC (décision et ordonnance G-332-23), PREI a fait valoir sans succès que la chaîne de sociétés du même groupe à laquelle elle avait recours pour vendre de l’électricité aux États-Unis constituait la même [traduction] « personne » au sens de la Loi et qu’elle vendait de l’électricité au sein de la même entreprise. Selon PREI, elle ne revendait donc pas d’électricité (ce qui aurait entraîné l’application de la réglementation de la BCUC).

En mars 2024, la BCUC a rejeté une demande de réexamen présentée par PREI en vertu de l’article 99 de la Loi, qui portait sur l’interprétation par la BCUC de l’exclusion (décision et ordonnance G-91-24). Nous avons d’ailleurs analysé cette décision dans ce bulletin (en anglais seulement). Plus particulièrement, la BCUC a rejeté l’argument selon lequel l’exclusion devait être divisée en deux sous-parties, ce qui aurait validé l’interprétation de PREI pour la disposition. 

En avril 2024, PREI a déposé un avis d’appel de la décision de réexamen de la BCUC, qui a suspendu ses ordonnances antérieures en attendant l’issue des procédures devant la Cour d’appel.

La décision en matière d’autorisation de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique

L’alinéa 101(1)(b) de la Loi permet généralement les appels des ordonnances et des décisions de la BCUC devant la Cour d’appel, avec l’autorisation de la cour de justice.

Le juge en cabinet qui a instruit la demande d’autorisation était d’accord avec la position de PREI selon laquelle la Cour d’appel avait compétence pour instruire l’appel proposé et, sans procéder à une analyse détaillée des principes régissant l’autorisation d’appeler [1], il a reconnu que l’appel soulevait une question de droit mettant en cause l’interprétation législative de la Loi qui n’avait pas été examinée auparavant par la Cour d’appel. Plus particulièrement, l’appel portera sur la justesse de l’interprétation par le comité de réexamen des mots « ou » et « et » dans le contexte de l’exclusion et d’autres articles de la Loi. La Cour d’appel a également reconnu que l’appel était important pour PREI, les autres entités et sites qui ont une capacité de production d’énergie pouvant alimenter leurs activités, tous les services publics assujettis à la Loi et tous les clients de ces services publics.

Participation de la BCUC à l’appel

La BCUC a demandé à la Cour d’appel de l’autoriser à participer à l’appel à titre de partie à part entière pour ne pas que l’appel soit sans opposition puisqu’il n’y avait pas d’autres intimés et qu’aucune autre partie n’avait demandé à intervenir.

Tout en affirmant que la question de la qualité pour agir d’un tribunal administratif est une question discrétionnaire lorsque le texte législatif applicable n’est pas clair sur ce point, comme l’a reconnu la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ontario (Commission de l’énergie) c. Ontario Power Generation Inc., 2015 CSC 44, la Cour d’appel a reconnu qu’il existe néanmoins des circonstances dans lesquelles il est [traduction] « inutile, voire problématique » que la BCUC assume un rôle élargi en défendant sa décision (par exemple, lorsqu’elle statue sur un litige entre un service public et une municipalité).

La question dont était saisie la Cour d’appel était donc de savoir si la BCUC pouvait être autorisée à participer à l’appel en tant que partie à part entière [traduction] « sans perturber l’équilibre qui doit être établi entre les intérêts d’une décision éclairée et l’impartialité du tribunal ». La nécessité de maintenir cet équilibre reflète le rôle unique qu’un tribunal administratif peut jouer en tant que décideur de la décision portée en appel. Par conséquent, les cours de justice sont conscientes qu’en autorisant un tribunal administratif à débattre questions de fond en appel – plutôt que d’avoir un rôle plus limité – on ne permet pas à un décideur d’étoffer ou de reformuler ses motifs d’appel (autojustification inappropriée), sinon on contreviendrait aux principes reconnus du caractère définitif des décisions et/ou de l’impartialité.

Le juge en cabinet a conclu qu’il serait avantageux pour la division de la Cour d’appel qui instruit l’appel de recevoir des observations en réponse de la BCUC concernant les questions d’interprétation législative que PREI a soulevées dans le cadre de l’appel, car :

  • aucune autre partie ne s’opposerait à PREI en appel;
  • la BCUC a joué un rôle de nature réglementaire plutôt que de nature judiciaire pour déterminer si PREI était assujettie à la réglementation de la BCUC à titre de « service public »;
  • la BCUC est [traduction] « bien placée pour présenter des observations concernant l’interprétation appropriée de l’expression “service public”, comme on peut s’attendre à ce qu’elle ait une connaissance “particulière” et “habituelle” de sa loi constitutive »;
  • un [traduction] « contexte de confrontation pragmatique » permettrait « d’approfondir les questions en litige et de rendre une décision finale mieux étayée ».
  • Étant donné que la question à trancher était une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, le juge en cabinet a conclu qu’il était peu probable que des préoccupations typiques concernant l’autojustification inappropriée et l’impartialité du tribunal soient soulevées.

Conclusion

La décision de la Cour d’appel démontre la volonté de cette dernière de se prononcer sur des questions d’interprétation législative à l’égard de la Loi, ce qui témoigne de l’importance des services publics pour les sociétés exerçant des activités en Colombie-Britannique et pour les Britanno-Colombiens en général.

La décision confirme également la valeur du contexte de confrontation, dans lequel une cour de justice peut évaluer plus en profondeur les questions en litige et, en fin de compte, comme l’a souligné la Cour d’appel, rendre [traduction] « une décision finale mieux étayée ». S’il est peu probable qu’un tribunal administratif ait recours à une autojustification inappropriée ou qu’il ne soit pas partial, un processus de confrontation fait pencher la balance en faveur de sa participation en appel lorsqu’il n’a d’autre choix que d’intervenir et de défendre le bien-fondé de sa décision.

 


[1] Ces facteurs sont énoncés dans la décision de la Cour d’appel Queens Plate Dev. Ltd. v. Vancouver Assessor, Area 09, (1987), 16 B.C.L.R. (2d) 104, aux pp. 109 et 110, et confirmés dans la récente décision North Vancouver (City) v. British Columbia (Utilities Commission), 2023 BCCA 203.

 

Contactez les auteurs

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Tariq Ahmed, Associé, Vancouver, BC, +1 604 631 4983, tahmed@fasken.com
  • Niall Rand, Avocat, Vancouver, BC, +1 604 631 3143, nrand@fasken.com

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire