Le 9 octobre dernier, la sanction royale a été apposée au projet de loi 68, Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins[1] , modifiant notamment la Loi sur les normes du travail[2]
Ce projet de loi visant à abaisser le fardeau administratif des médecins et améliorer la célérité des services de soins de santé entraîne un changement majeur à l’exercice du droit de gérance des employeurs quant aux absences de leurs employés. En effet, à compter du 1er janvier 2025, date d’entrée en vigueur du projet de loi, les employeurs se verront limités dans la possibilité de demander des preuves au soutien de la légitimité de certaines absences.
Cette initiative législative apparait visiblement emboîter le pas à la législature de la province de l’Ontario, qui, en mai 2024, a déposé un projet de loi interdisant aux employeurs de demander un billet médical de la part d’un professionnel de la santé pour les employés qui prennent au plus trois (3) jours de congé par année pour raison de maladie, blessure, ou urgence médicale personnelle. Ce projet de loi a reçu la sanction royale et les dispositions en cause sont entrées en vigueur le 28 octobre 2024.
Absences pour maladie
Le projet de loi 68 prévoit dorénavant que pour les trois premières périodes d’absences pour cause de maladie, de don d’organes ou de tissus à des fins de greffe, d’accident, de violence conjugale, de violence à caractère sexuel ou d’acte criminel [3] d’une durée de trois (3) jours consécutifs ou moins, l’employeur ne peut demander de document attestant des motifs de l’absence [4] .
Dans sa version actuelle la Loi sur les normes du travail (LNT) [5] permet à l’Employeur de demander pour ces absences, « si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l’absence ou au caractère répétitif de celle-ci », un document justificatif.
Le projet de loi 68 modifie ainsi cette possibilité, en empêchant l’Employeur de formuler une telle demande pour les trois premières périodes d’absence de trois (3) jours ou moins. Il faut bien noter, par ailleurs, que l’interdiction vise tout document attestant des motifs de l’absence, et non seulement un billet médical.
Le projet de loi prévoit toutefois une exception à l’interdiction de l’employeur de demander un document justificatif en cas d’absence pour maladie : un employeur peut requérir un tel document après que la personne salariée se soit absentée à trois (3) reprises différentes ou à partir d’une absence de plus de trois (3) jours [6] .
Absences pour obligations familiales
Par ailleurs, pour une absence afin de remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l’éducation de son enfant ou de l’enfant de son conjoint, ou encore une absence en raison de l’état de santé d’un membre de la famille ou d’une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant [7] , le projet de loi 68 interdit dorénavant aux employeurs de requérir des personnes salariées un certificat médical attestant des motifs de l’absence [8] . Les employeurs pourront ainsi toujours demander des documents qui justifient l’absence, à l’exclusion toutefois de certificats médicaux.
À noter que pour ces types d’absences, le projet de loi ne prévoit pas qu’il sera possible à partir d’un certain moment de demander des certificats médicaux. Cette interdiction s’appliquera donc à l’entièreté des jours de congé octroyés par la loi pour ces absences, soit un total de dix (10) jours par année.
Absences non visées
À noter également que les restrictions établies ci-haut quant à la possibilité de demander un certificat médical ou un document justificatif ne s’appliquent pas aux autres absences prévues à la loi[9] , dont notamment :
- Absence lorsque la présence est requise auprès d’un membre de la famille ou d’un proche affecté d’une maladie ou d’un accident grave (art. 79.8 LNT);
- Absence en cas de disparition d’enfant (art. 79.10 LNT);
- Absence en cas de décès d’un enfant mineur (art. 79.10.1 LNT);
- Absence en cas de décès de certains membres de la famille par suicide (art. 79.11 LNT);
- Absence en cas de décès d’un conjoint ou d’un enfant majeur à l’occasion ou résultant d’un acte criminel (art. 79.12 LNT);
- Absence à l’occasion du décès ou des funérailles de certains membres de la famille (art. 80 et 80.1 LNT).
C’est donc dire que tout employeur peut encore requérir un document justificatif, incluant un billet médical, au soutien de ces absences.
Considérations pratiques
Les modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2025. Bien que l’impact sur le droit de gérance de l’employeur soit flagrant, il convient de noter que la LNT ne permet actuellement pas aux employeurs d’exiger systématiquement des preuves au soutien de chaque absence d’une personne salariée. Cette interdiction se verra toutefois étendue et plus restrictive qu’auparavant suite à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives.
Les employeurs seront donc bien avisés de commencer à réviser leurs politiques, guides, manuels et pratiques internes de façon à se conformer à ces nouvelles restrictions dès le début de l’année 2025. À ce titre, bien que les employeurs seront limités dans la documentation qu’ils pourront exiger , une révision attentive des politiques internes pourrait permettre à l’employeur d’amenuiser les impacts du projet de loi notamment en imposant des obligations claires aux personnes salariées qui doivent s’absenter du travail pour cause de maladie ou pour une autre cause régie par la LNT. Par exemple, une politique pourrait légalement prévoir une obligation de divulgation, dès la survenance du motif d’absence, de suffisamment de détails pour permettre à l’employeur d’en confirmer le bien fondé et la durée. Advenant qu’un manquement soit flagrant du côté d’une personne salariée, que ce soit en lien avec le respect des politiques ou quant à la véracité du motif d’absence, les employeurs conserveront le droit d’agir de façon disciplinaire ou administrative.
Par ailleurs, pour les milieux de travail syndiqués, une révision des conventions collectives en vigueur s’impose, particulièrement dans le cas de celles qui prévoyaient l’obligation de fournir à l’employeur un billet médical ou un document justificatif en cas de certaines absences.
Pour toute question, n’hésitez pas à contacter vos avocats chez Fasken.
[1] Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins, 1ère sess., 43e légis. (Qc)
[2] Loi sur les normes du travail, RLRQ c. N-1.1 (« LNT »).
[3] Article 79.1 de la LNT.
[4] Article 8 du projet de loi.
[5] Article 79.2 de la LNT.
[6] Article 8 du projet de loi.
[7] L’article 79.7 de la LNT prévoit dix (10) jours d’absence par année pour ces motifs.
[8] Article 9 du projet de loi.
[9] Article 10 du projet de loi.