L’année 2025 commence sur une note d’incertitude, avec une nouvelle administration américaine à l’horizon, des changements politiques internes au Canada et un environnement économique et géopolitique mondial de plus en plus instable.
Afin d’aider les entreprises canadiennes à se préparer à cette période d’incertitude et à la traverser avec succès, nous avons analysé les principaux développements actuels en matière de commerce international et leurs conséquences sur les entreprises canadiennes, notamment :
- la deuxième administration de M. Trump;
- les surtaxes imposées à la Chine;
- les mesures de lutte contre le contournement des sanctions; et,
- le nouveau système de déclaration en lien avec le travail forcé et interdiction renforcée de l’importation de biens issus du travail forcé.
L’ensemble de ces développements devrait encourager les entreprises canadiennes à entamer l’évaluation attentive de leurs chaînes d’approvisionnement afin d’identifier et de traiter les vulnérabilités et s’assurer qu’elles ont mis en place des processus de conformité appropriés.
Deuxième administration de M. Trump : tarifs et examen de l’ACEUM en 2026
L’élection de Donald Trump est l’événement d’actualité qui comporte le plus de conséquences pour les entreprises canadiennes en matière de commerce international. Le président désigné Trump a fait campagne en promettant d’imposer des tarifs douaniers sur toutes les marchandises entrant aux États-Unis. Puis, quelques semaines seulement après son élection, il a annoncé son intention d’imposer des tarifs de 25 % sur tout produit provenant du Canada et du Mexique.
Bien qu’il reste du temps et plusieurs détails à clarifier avant l’investiture, les points suivants sont sûres :
- Le président américain dispose de pouvoirs étendus pour mettre en œuvre les tarifs en raison des pouvoirs délégués au Bureau du président par le Congrès.
- En théorie, l’imposition unilatérale de tarifs douaniers serait contraire aux engagements de l’ACEUM pour le libre-échange de produits originaires, mais en pratique, il est peu probable que cet accord constitue un obstacle à l’imposition de tarifs.
- La réponse canadienne inclura probablement des tarifs de rétorsion, ce qui pourrait avoir une incidence sur les entreprises canadiennes qui importent des marchandises américaines.
- La liste de doléances des États-Unis s’allonge en ce qui concerne leurs relations commerciales et générales avec le Canada. Le président désigné pourrait tenter de s’y attaquer au moyen de ces tarifs.
-
L’ACEUM doit être réévalué en 2026; l’approche agressive employée laisse croire qu’il ne sera probablement pas prolongé en 2026 sans modifications.
Les entreprises canadiennes doivent se préparer à d’éventuels tarifs. Voici quelques pistes de solution :
- Cartographier les chaînes d’approvisionnement afin de détecter les vulnérabilités.
- Réviser les contrats pour déterminer où il y a lieu de s’inquiéter d’une augmentation des tarifs ou pour les résilier de façon anticipée sans pénalité si les tarifs de rétorsion rendent trop coûteux les intrants des États-Unis.
- Repérer d’autres marchés potentiels (dans le cas des exportateurs) ou d’autres fournisseurs potentiels (dans le cas des importateurs).
- Tenter de faire traverser un maximum de produits à la frontière avant l’investiture, le 20 janvier.
Que le président désigné Trump impose ou non des tarifs au Canada, sa menace marque le retour d’une politique commerciale « America First » perturbatrice et laisse prévoir que l’examen conjoint de l’ACEUM en 2026 ne sera pas une partie de plaisir.
Surtaxes imposées à la Chine
En 2024, le Canada a intensifié les tensions commerciales avec la Chine, son deuxième partenaire commercial le plus important, en lui imposant ce qui suit :
- une surtaxe de 100 % sur les véhicules électriques fabriqués en Chine;
- une surtaxe de 25 % sur les produits d’acier et d’aluminium fabriqués en Chine.
Bien que le gouvernement s’était déjà engagé à imposer de nouvelles surtaxes sur les importations de certains produits solaires et minéraux critiques en provenance de la Chine au début de l’année 2025, on ne sait pas dans quelle mesure il utilisera ses pouvoirs réglementaires pendant la prorogation du Parlement. Toutefois, il serait prudent de supposer que de telles surtaxes seront imposées par tout gouvernement qui le remplacera.
Les importateurs doivent donc examiner et adapter leurs chaînes d’approvisionnement pour atténuer le risque. L’imposition de ceses surtaxes entraine également la possibilité de représailles de la part de la Chine, ce qui ajoute un degré d’incertitude pour les chaînes d’approvisionnement des exportateurs canadiens.
Lutte contre le contournement des sanctions
En 2024, le contournement des sanctions a fait l’objet d’une attention accrue en raison des modifications apportées à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT). Les principales modifications sont les suivantes :
- une obligation pour les entités déclarantes, en application de la LRPCFAT, de signaler les opérations susceptibles d’être liées au contournement de sanctions;
- de nouvelles obligations pour les importateurs et les exportateurs de déclarer si leurs marchandises importées ou exportées sont des produits de la criminalité ou sont liées au recyclage des produits de la criminalité, au financement d’activités terroristes ou au contournement de sanctions, et si les marchandises sont effectivement importées ou exportées;
- de nouvelles obligations en matière de conservation des documents pour les importations et exportations; et,
- de nouveaux pouvoirs de rétention et de saisie pour les agents des services frontaliers s’ils ont des motifs raisonnables de croire que des marchandises sont des produits de la criminalité ou qu’elles sont liées au recyclage des produits de la criminalité, au financement des activités terroristes ou au contournement de sanctions.
Étant donné ces modifications, les entreprises doivent examiner de près leurs chaînes d’approvisionnement et mettre en œuvre des processus de conformité afin de limiter les violations potentielles et d’éviter la saisie éventuelle de leurs marchandises.
Travail forcé : nouvelle législation, rapports et renforcement de l’interdiction de l’importation de biens issus du travail forcé au Canada
Le 1ᵉʳ janvier 2024, la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement du Canada (LTFTE) est entrée en vigueur. Des milliers d’entreprises se sont alors vu imposer des obligations annuelles de faire rapport sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Bien que les chaînes d’approvisionnement fassent l’objet d’une attention accrue en raison de la LTFTE, celle-ci n’impose aucune obligation de diligence raisonnable aux entreprises. Pour cette raison, le gouvernement s’est engagé à instaurer de telles obligations en matière des droits de la personne, à créer une nouvelle agence de surveillance et à renforcer l’interdiction d’importer des biens issus du travail forcé au Canada.
Bien qu’il soit peu probable que les changements législatifs se concrétisent en raison de la prorogation du Parlement, les entreprises peuvent tout de même s’attendre à une plus grande application de cette interdiction en raison de l’importance qu’accordent les États-Unis à la frontière canadienne, notamment à l’importation de biens issus du travail forcé. On peut aussi s’attendre à ce qu’un nouveau gouvernement canadien, peu importe qui le dirige, prenne d’autres mesures pour lutter contre le travail forcé.
L’attention accrue portée au travail forcé, y compris la position plus ferme du Canada à l’égard de l’application de la loi, entraînera des risques importants pour les importateurs en 2025. Ces derniers devront donc faire preuve de diligence raisonnable à l’égard de leurs chaînes d’approvisionnement et documenter correctement leurs processus afin d’éliminer ou de réduire ces risques.
Conclusion
En ce début d’année 2025, les entreprises canadiennes doivent se préparer à faire face à des défis constants en ce qui concerne leurs chaînes d’approvisionnement. Compte tenu de la rapidité des nouveaux développements, il est plus important que jamais pour les entreprises d’anticiper ces difficultés afin de ne pas être prises au dépourvu.