Passer au contenu principal
Bulletin

Enjeux juridiques importants concernant l’impact des tarifs sur les contrats transfrontaliers

Fasken
Temps de lecture 12 minutes
S'inscrire
Partager

Aperçu

Bulletin Litiges et résolution de conflits

Les États-Unis et le Canada entretiennent des relations commerciales étroites, chacun étant le principal partenaire commercial de l’autre. En 2023, les États-Unis et le Canada ont échangé près de 3,6 milliards de dollars en biens et services par jour. En effet, les deux pays partagent une chaîne d’approvisionnement hautement intégrée. 

Au cours des derniers mois, le président des États-Unis a annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 25 % sur les marchandises en provenance du Canada. Divers représentants canadiens ont, à leur tour, déclaré que des tarifs de représailles pourraient être imposés sur les marchandises en provenance des États-Unis si le président Trump mettait ses propos à exécution. 

Si des droits de douane étaient appliqués à une partie ou à la totalité des marchandises par l’un ou l’autre des pays, cela pourrait avoir un impact majeur sur les relations commerciales entre les entreprises transfrontalières et perturber les chaînes d’approvisionnement existantes de manière importante. Les entreprises pourraient envisager de revoir leurs engagements contractuels transfrontaliers actuels , y compris de résilier les contrats en vigueur, en raison de l’évolution de la conjoncture financière. Même si les affaires prospèrent, une entreprise peut tout de même faire face à un contractant transfrontalier cherchant à modifier la relation existante ou à s’en retirer complètement. Ce bulletin offre un aperçu de certains enjeux juridiques que les entreprises ayant des engagements contractuels transfrontaliers doivent prendre en compte si leurs activités sont touchées par les droits de douane ou pourraient l’être, à la lumière de la jurisprudence canadienne .

Passer en revue vos contrats pour en connaître les modalités essentielles

L’outil le plus précieux pour toute entreprise qui souhaite évaluer une relation d’affaires existante est le contrat applicable. Les ententes commerciales contiennent généralement des dispositions qui établissent les principales modalités de paiement ou de fixation des prix et précisent les conditions dans lesquelles une partie peut résilier le contrat ou être légalement relevée de son exécution. Ces dernières comprennent des clauses de résiliation particulières ou des clauses de force majeure.

Modalités de paiement ou de fixation des prix

L’un des moyens d’évaluer l’impact direct d’éventuels droits de douane est d’examiner attentivement les dispositions contractuelles applicables en matière de fixation des prix. Les dispositions contractuelles définissant la responsabilité pour les taxes à l’importation, les droits et les redevances peuvent apporter des précisions sur l’impact éventuel des droits de douane.
 
Certains contrats renvoient expressément aux tarifs (par exemple, en précisant que le prix de livraison inclut l’ensemble des taxes, des droits ou des tarifs), permettent aux parties de modifier le prix lorsque certaines conditions sont remplies, prévoient des ajustements automatiques des prix en fonction de facteurs externes (souvent liés à un indice de référence sectoriel) ou contiennent des clauses relatives aux changements législatifs pouvant être déclenchées par l’imposition de tarifs. 
Même si l’impact direct est limité, les droits de douane peuvent tout de même influencer la tarification des fournisseurs ou le coût des marchandises tout au long de la chaîne d’approvisionnement et ainsi entraîner certaines perturbations. 
 

Clauses de résiliation

Pour les entreprises ou les parties contractantes envisageant de se soustraire à des engagements contractuels, la possibilité de résilier un contrat et les modalités de résiliation sont souvent expressément précisées dans le contrat.
 
En droit canadien, les parties sont libres de négocier des modalités expresses leur permettant de résilier leur contrat, notamment
1) pour des raisons de commodité, 2) à la survenance de certains événements ou 3) pour un motif valable.
 
Dans le cas où un contrat contient une clause autorisant la résiliation pour commodité sans condition préalable, une entreprise est libre de résilier le contrat, sous réserve des exigences de préavis expresses ou implicites ou des obligations de common law (ces deux points sont abordés plus en détail ci-dessous).
 
Si un contrat contient une clause autorisant la résiliation lors de certains événements ou pour un motif valable, les parties doivent soigneusement évaluer si les nouveaux tarifs, les mesures prises en conséquence ou l’évolution des conditions du marché peuvent constituer des motifs suffisants pour justifier une telle résiliation.

Clauses de force majeure

Les ententes commerciales contiennent aussi souvent des clauses de force majeure. Ces clauses permettent de relever, de manière permanente ou temporaire, les parties concernées de l’exécution de leurs obligations contractuelles et des conséquences d’un manquement à celles-ci, lorsque l’exécution devient effectivement impossible en raison d’événements imprévus ou extraordinaires.  

Une clause de force majeure courante est souvent rédigée comme suit : « La “force majeure” désigne toute circonstance imprévisible, échappant au contrôle d’une partie, ou tout événement inévitable, même s’il est prévisible, qui empêche cette partie d’exécuter, en tout ou en partie, ses obligations aux termes du présent Contrat. Ces circonstances comprennent les catastrophes naturelles, les actes de guerre, le terrorisme, les émeutes, les conditions de travail ou les mesures gouvernementales. »

Dans la jurisprudence canadienne, le seuil requis pour déclencher l’application d’une clause de force majeure est élevé. La partie qui cherche à invoquer une clause de force majeure pour être exonérée de ses obligations contractuelles doit démontrer que la clause s’applique aux circonstances données et qu’il n’existe aucun moyen raisonnable d’honorer ses obligations contractuelles. 

Selon la jurisprudence canadienne, plusieurs tribunaux ont conclu que le simple fait qu’un contrat soit devenu plus coûteux à exécuter (même de manière considérable) ne constitue pas un motif valable pour exonérer une partie sur la base d’une force majeure. Toutefois, la majorité de ces décisions ont été rendues dans le contexte d’une hausse des coûts d’approvisionnement, plutôt qu’à la suite d’une intervention gouvernementale directe. 

Autres enjeux en droit des contrats

Lorsqu’une partie envisage de résilier un contrat ou craint que l’autre partie ne le fasse, deux autres considérations s’imposent. Plus précisément, elle doit évaluer l’obligation de fournir un avis, la manière dont il doit être donné, ainsi que l’obligation de bonne foi en matière contractuelle en common law. 

Avis

Comme indiqué ci-dessus, de nombreux contrats contiennent des obligations de préavis dans les clauses de résiliation applicables. Toutefois, en l’absence d’une disposition expresse, les parties sont généralement tenues de fournir un préavis raisonnable avant de résilier un contrat

La détermination de ce qui constitue un préavis raisonnable un examen approfondi des circonstances propres à chaque situation, y compris, par exemple, la durée de la relation d’affaires entre les parties et les pratiques établies dans le secteur concerné. 

Les tribunaux canadiens imposent rarement un délai de préavis inférieur à quelques mois; en général, ce délai se situe autour de douze mois. 

Obligation de bonne foi

Les tribunaux canadiens ont établi plusieurs obligations de bonne foi applicables aux relations contractuelles. 

L’une d’elles est l’obligation d’exécution honnête, laquelle impose aux parties d’agir avec honnêteté et de ne pas s’induire intentionnellement en erreur (y compris par omission) lors de l’exécution de leurs obligations contractuelles. 

Il y a aussi l’obligation d’exercer les pouvoirs discrétionnaires de nature contractuelle de bonne foi, qui oblige les parties à exercer tout pouvoir discrétionnaire d’une manière liée à l’objet sous-jacent à l’octroi du pouvoir discrétionnaire (la détermination de l’« objet » est une question d’interprétation contractuelle).

Le troisième est l’obligation générale de coopérer pour atteindre les objectifs de toute entente contractuelle.

Malgré le développement de ces obligations dans la jurisprudence canadienne, les tribunaux canadiens reconnaissent néanmoins que les parties doivent être autorisées à faire passer leurs intérêts avant ceux de l’autre partie et ont donc précisé que ces obligations n’exigent pas des parties contractantes qu’elles « subordonnent » leurs intérêts à ceux de l’autre partie. 

En fin de compte, les parties doivent tenir compte de ces obligations lorsqu’elles envisagent de résilier un contrat et la façon de le faire. 

Que faire si une partie à un contrat transfrontalier manque à ses obligations? 

Si, en raison d’un changement de la conjoncture financière, une partie n’exécute pas son contrat ou le rompt, il est normalement indiqué d’envisager des options juridiques pour remédier à son défaut. 

De nombreuses ententes commerciales contiennent des dispositions relatives à la résolution des litiges qui définissent les étapes à suivre. Ces mesures peuvent inclure la résolution informelle des conflits, par exemple, en imposant des discussions entre les cadres supérieurs, ainsi que la résolution formelle des conflits, comme la médiation ou l’arbitrage. 

En l’absence de dispositions applicables en matière de règlement des litiges, les parties doivent pondérer une kyrielle d’éléments avant d’entamer une procédure judiciaire. Voici quelques éléments à considérer :

  • l’utilité de recourir d’abord à des modes alternatifs de résolution des conflits (y compris ceux mentionnés ci-dessus);
  • la question de savoir si une éventuelle décision de justice (que ce soit pour une exécution particulière du contrat ou pour des dommages-intérêts) justifie les frais de procédure, qui peuvent souvent être considérables;
  • la capacité de l’autre partie à payer les dommages-intérêts éventuels;
  • le lieu d’introduction de l’action en justice (y compris la compétence du tribunal, la question de savoir si l’autorité compétente adopte une approche plus favorable à l’égard des réclamations prévues, le lieu où se trouvent les actifs de l’autre partie, etc.);
  • la possibilité de demander une injonction dès le départ (par exemple, pour empêcher la résiliation du contrat ou son inexécution continue).

 Conclusion

Pour les entreprises qui dépendent du commerce transfrontalier, il s’agit d’une période d’incertitude et de possibles bouleversements. Il incombe aux entreprises d’examiner leur situation juridique par rapport aux parties contractuelles susceptibles d’être affectées, afin de déterminer si elles disposent de motifs juridiques pour modifier leurs contrats en fonction de l’évolution de l’environnement financier ou pour se dégager d’un engagement contractuel désormais indésirable, ou si une partie peut invoquer les mêmes motifs.

 

Contactez l'auteur

Pour plus d'informations ou pour discuter d'un sujet, veuillez nous contacter.

Contactez l'auteur

Auteur

  • David A. Ziegler, Associé | Litiges et résolution de conflits, Toronto, ON, +1 416 865 4516, dziegler@fasken.com

    Vous pourriez être intéressé par...

    • Loi 29 - Québec publie son projet de règlement encadrant la garantie de disponibilité des pièces de rechange et des services de réparation, 30/01/2025
    • Trucs de rédaction éclair pour les clauses de règlement des différends Bulletin no 1 – Utilisation de clauses compromissoires types et arbitrages institutionnels, 10/12/2024
    • Canada-Administration Trump 2.0, Alors que les entreprises et les gouvernements du Canada continuent d’assimiler et d’examiner les répercussions de la 2e administration Trump, Fasken dirige ses efforts visant à soutenir notre réseau de clients et d’entreprises canadiennes à travers les risques et les perturbations que l’incertitude politique et économique est susceptible de créer.

    Abonnement

    Recevez des mises à jour de notre équipe

    S'inscrire