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Le CPLCC ne constitue pas un droit de veto, mais plutôt un « droit à un processus rigoureux » selon la Cour fédérale

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Bulletin Affaires juridiques relatives aux Autochtones

La Cour fédérale (la « Cour ») s’est récemment penchée sur la signification de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la « DNUDPA ») et du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (le « CPLCC ») en droit canadien. Il s’agit de l’examen le plus poussé en la matière depuis l’adoption par le Canada de la loi mettant en œuvre la DNUDPA, soit la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, L.C. 2021, ch. 14 (la « Loi »).

Dans le jugement Première Nation de Kebaowek c Laboratoires nucléaires canadiens, 2025 319 CF, la Cour fédérale a annulé une décision de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (la « Commission ») au motif que cette dernière avait l’obligation de tenir compte de la DNUDPA pour déterminer si la Couronne s’était acquittée de son obligation de consulter et d’accommoder et qu’elle ne l’avait pas fait. En effet, la Commission a eu tort de conclure qu’elle n’avait pas compétence pour examiner la DNUDPA ou la Loi. Toutefois, la Cour a clairement indiqué que la DNUDPA et ses exigences en matière de CPLCC ne confèrent pas un droit de veto sur la prise de décisions, mais constituent un « droit à un processus rigoureux ».

Contexte

Laboratoires nucléaires canadiens ltée (« LNC ») a demandé à la Commission la modification de son permis d’exploitation du site des Laboratoires de Chalk River afin de construire une installation d’élimination des déchets nucléaires. En activité depuis les années 1940, ce site est situé sur le territoire traditionnel de la Première Nation de Kebaowek, une Nation Algonquine Anishinabeg, qui n’a pas pu utiliser le site depuis le début des activités il y a plus de 75 ans. Si LNC a demandé la modification de son permis d’exploitation, c’est pour rendre son installation conforme aux normes internationales modernes et traiter des déchets qui sont déjà en grande partie sur place.

En janvier 2024, la Commission a accédé à la demande de LNC conformément à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, ch. 19, art. 52 et à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, L.C. 1997 ch. 9. La Première Nation de Kebaowek a contesté la décision, alléguant notamment que la Commission avait commis une erreur en omettant de tenir compte de la DNUDPA et de son effet sur l’obligation de la Couronne de la consulter et de l’accommoder.

La décision de la Cour fédérale

La Cour fédérale s’est rangée du côté de la Première Nation de Kebaowek en concluant que la Commission était habilitée à examiner l’application de la DNUDPA et que cette absence d’examen constituait une erreur de droit.

La Cour a donné des indications sur l’effet de la Loi en droit canadien. En particulier, avec l’adoption de la Loi, la DNUDPA est « un prisme d’interprétation qu’il faut appliquer pour déterminer si la Couronne s’est acquittée des obligations qui lui incombent [...] » (par. 76). La DNUDPA n’est pas en soi une source de droits, mais une codification de droits préexistants. Les droits garantis par l’article 35 [de la Loi constitutionnelle de 1982] et l’obligation concomitante de la Couronne de consulter et d’accommoder doivent donc être interprétés d’une manière conforme à la DNUDPA.

Dans le cadre de cet exercice et de l’application de la DNUDPA à titre d’outil d’interprétation, la Cour fédérale s’est lancée dans un examen détaillé du sens du « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause » (ou « CPLCC »), l’un des principes énoncés dans la DNUDPA. Le CPLCC était particulièrement important pour cette demande, car l’article 29(2) de la DNUDPA stipule qu’« aucune matière dangereuse ne [peut être] stockée ou déchargée sur les terres ou territoires des peuples autochtones sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ».

La Cour a conclu que, conformément aux publications internationales, le CPLCC ne s’est jamais voulu un « droit de veto » général. Cependant, avec l’adoption de la DNUDPA en droit canadien, le contenu de l’obligation de consultation de la Couronne va désormais plus loin que ce qui était exigé en common law. Lorsque la norme du CPLCC de la DNUDPA entre en ligne de compte, elle « exige un processus qui donne un rôle central à l’obligation de mener des consultations et des négociations approfondies dans le dessein de parvenir à un accord mutuel » (par. 130), et qui « tient compte du droit, du savoir et des pratiques des nations autochtones touchées » (par. 183). Autrement dit, « le CPLCC constitue un droit à un processus rigoureux », mais il ne s’agit pas d’un droit à un résultat donné (par. 131). La Cour a fait remarquer qu’« il aurait été prudent de la part de la Commission de modifier son processus de consultation de façon à répondre à certaines demandes et propositions de Kebaowek. [...] une telle démarche aurait été conformée à la DNUDPA et à la norme du CPLCC » (par. 138).

La Commission a donc commis une erreur en ne tenant pas compte de la DNUDPA lorsqu’elle a évalué l’obligation de consulter, puisque le principe du CPLCC donne lieu à une norme plus stricte. La Cour a renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle réévalue si la Couronne s’est bien acquittée de son obligation compte tenu de cette norme plus stricte.

Répercussions

Il s’agit de l’une des premières décisions à examiner l’effet sur le droit canadien de la mise en œuvre de la DNUDPA par le Parlement au moyen de l’adoption de la Loi, ainsi que la signification sous-jacente du CPLCC énoncé dans la DNUDPA. Aucun tribunal canadien n’avait auparavant affirmé avec autant de transparence que le CPLCC n’équivaut pas à un « droit de veto ». La Cour est également sans équivoque : la DNUDPA s’applique aujourd’hui, du moins au fédéral, et les obligations de la Couronne découlant de l’article 35 doivent être remplies d’une manière conforme à la DNUDPA. Au minimum, il faut consulter les peuples autochtones afin d’obtenir leur point de vue et conclure un accord mutuel.

Contactez les auteurs

Si vous avez des questions au sujet de la DNUDPA et de l’obligation de consulter, veuillez communiquer avec Bridget Gilbride, Pierre-Christian Labeau ou Christopher Rae.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Bridget Gilbride, Associée | Affaires juridiques relatives aux Autochtones, Vancouver, BC, +1 604 631 4891, bgilbride@fasken.com
  • Pierre-Christian Labeau, Avocat-conseil | Droit de l’environnement, Affaires juridiques relatives aux Autochtones, Québec, QC, +1 418 640 2094, plabeau@fasken.com
  • Christopher J. Rae, Associé | Litiges et résolution de conflits, Toronto, ON, +1 416 865 4551, crae@fasken.com

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