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Clauses Great Hill : les F&A de sociétés fermées et le secret professionnel

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Bulletin marchés des capitaux et fusions et acquisitions

Survol et principaux points à retenir

Les modalités des transactions de F&A de sociétés fermées évoluent constamment. La clause Great Hill, qui a fait l’objet d’une décision récente dans l’affaire Ellis Packaging, en est un exemple. Ellis Packaging est maintenant la troisième décision canadienne portant sur les clauses Great Hill, et est donc importante pour les avocats en fusions et acquisitions et en litige commercial.

La clause Great Hill, ainsi nommée en raison d’une décision rendue en 2013 dans l’État du Delaware, régit le contrôle, après la clôture, des communications privilégiées entre la cible et ses avocats avant la clôture. Plus précisément, elle porte sur la possibilité pour l’acheteur d’invoquer les communications entre la cible et son avocat qui précèdent la clôture dans le cadre d’une réclamation postérieure à la clôture contre le vendeur.

Voici les principaux points à retenir :

  • Dans l’affaire Ellis Packaging, la Cour a conclu qu’en l’absence d’une clause Great Hill, le vendeur ne peut pas, après la clôture, invoquer le secret professionnel pour empêcher la cible (ou l’acheteur, par l’intermédiaire de la cible) de s’appuyer sur des communications avec un avocat antérieures à la clôture, alors que le secret professionnel bénéficie aux deux parties.
  • La question de savoir si le secret professionnel qui protège les communications avec un avocat bénéficie à la fois au vendeur et à la cible, ou au vendeur seulement, est une question de fait qui dépend de l’ensemble des circonstances.
  • Dans Ellis Packaging, le fait que les avocats du vendeur aient conseillé la cible à l’égard de deux ententes préliminaires relatives à la transaction, à savoir (1) une entente de confidentialité et (2) un sommaire des modalités, a constitué un facteur clé militant en faveur d’une conclusion selon laquelle le secret professionnel bénéficiait aux deux parties.
  • L’importance d’une clause Great Hill pour un vendeur dépendra des circonstances et de la relation particulière entre le vendeur, la cible et leur avocat dans le cadre de la transaction.

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Sommaire de l’affaire Ellis Packaging

Le litige Ellis Packaging découle d’une acquisition conclue en septembre 2022, à la suite de laquelle l’acheteur a fusionné avec les sociétés cibles (ensemble, la cible). Environ un an après la clôture, l’acheteur a entamé une procédure pour rupture de contrat et déclaration frauduleuse en rapport avec certaines déclarations et garanties des vendeurs contenues dans la convention d’achat d’actions.

Les documents produits par l’acheteur comprenaient des courriels et d’autres documents échangés avec les avocats des vendeurs avant la conclusion de la transaction. Les vendeurs ont déposé une motion visant à faire retirer les avocats de l’acheteur du dossier au motif que les documents produits par l’acheteur incluaient à tort ces documents protégés par le secret professionnel. Les vendeurs ont également demandé une ordonnance obligeant les acheteurs à détruire tous les documents en leur possession qui contenaient des documents des vendeurs protégés par le secret professionnel. L’acheteur a contesté la motion en soutenant que les vendeurs et la cible bénéficiaient tous les deux du secret professionnel à l’égard des courriels et des autres documents en cause.

L’application du secret professionnel : une question de fait

La Cour a entrepris son analyse en énonçant les principes permettant de déterminer s’il existe une relation avocat-client. Elle commence ainsi [TRADUCTION] :

L’existence d’une relation avocat-client est une question de fait. Il n’est pas nécessaire de retenir officiellement les services d’un avocat par le biais d’une lettre ou d’un autre document. Il n’est pas non plus nécessaire qu’un état de compte soit émis ou qu’une facture soit payée. Un tribunal doit plutôt examiner un certain nombre de facteurs pour déterminer si une telle relation existe.

Ultimement, il faut se demander si « à la place d’une partie, une personne raisonnable ayant connaissance de tous les faits aurait pu raisonnablement croire que l’avocat agissait pour une partie particulière », résume le juge.

Le secret professionnel et les faits relatifs à l’acquisition

En appliquant ces principes aux circonstances de l’acquisition, la Cour a jugé que les vendeurs et la cible bénéficiaient tous les deux du secret professionnel à l’égard des courriels et des autres documents en cause. Le raisonnement de la Cour découle de trois facteurs clés :

  • Les avocats engagés par les vendeurs avaient conseillé la cible relativement à une entente de confidentialité signée par la cible qui soumettait celle-ci à des clauses restrictives en matière de confidentialité et de non-sollicitation.
  • Les avocats engagés par les vendeurs avaient conseillé la cible à l’égard d’un sommaire des modalités signé par celle-ci, qui lui imposait des obligations d’exclusivité, de confidentialité et des obligations relatives au cours normal des affaires.
  • En contre-interrogatoire, le dirigeant ayant signé l’entente de confidentialité et le sommaire des modalités au nom de la cible a déclaré qu’il avait compris que les avocats des vendeurs conseillaient également la cible au sujet de l’acquisition tout au long de la transaction.

Les vendeurs ont fait valoir que l’entente de confidentialité et le sommaire des modalités étaient accessoires à la vente de leurs actions, en soulignant que la cible n’était pas partie à la convention d’achat d’actions. Toutefois, la Cour a rejeté l’argument selon lequel les avantages que la cible a tirés des services juridiques fournis par les avocats des vendeurs n’étaient qu’accessoires au travail effectué par ceux-ci pour les vendeurs. S’appuyant sur la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. v. D., la Cour a statué que lorsque les parties consultent un avocat sur des questions dans lesquelles elles ont chacune un intérêt, les communications ne sont pas protégées par le secret professionnel de l’avocat entre ces parties.

La décision Ellis Packaging et les clauses Great Hill

Ayant conclu que le secret professionnel bénéficiait aux deux parties, la Cour s’est penchée sur les modalités de la convention d’achat d’actions. Elle a souligné que deux tribunaux canadiens avaient déjà examiné la possibilité d’inclure une clause Great Hill dans une transaction de F&A de sociétés fermées, dans les affaires Dente en 2023 et NEP Canada en 2013.

Aucun de ces dossiers ne mettait en cause une clause Great Hill, mais les deux tribunaux ont évoqué la possibilité d’y avoir recours. La Cour a fait de même dans Ellis Packaging, notant que la convention ne « contient pas une telle clause ». Dans ce contexte, la Cour a conclu ce qui suit :

[L]a société fusionnée continue de bénéficier du secret professionnel à l’égard des courriels en question dans le cadre de la présente motion, avec les [vendeurs]. Le secret soulevé par les [vendeurs] n’a pas pour effet d’empêcher […] la société issue de la fusion d’accéder aux documents [pertinents] [...].

Soulignons que la décision dans l’affaire Ellis Packaging semble dissiper tous les doutes laissés par l’affaire Dente, dans laquelle le tribunal n’a pas conclu à l’existence d’un secret professionnel bénéficiant aux deux parties. Cela place généralement le droit ontarien sur un pied d’égalité avec celui de Alberta, puisque les décisions rendues dans les affaires NEP Canada et Ellis Packaging sont très similaires. Dans les deux cas, les tribunaux ont conclu à l’existence d’un secret professionnel bénéficiant aux deux parties et ont fondé leur décision sur l’absence de clause Great Hill.

Nos conclusions

Bien que la décision NEP Canada, première décision canadienne sur les clauses Great Hill, ait été rendue en 2013, ces clauses ne figurent que dans une minorité de transactions de F&A de sociétés fermées au Canada, soit environ 10 % des transactions, selon l’échantillon de l’étude de l’ABA.

L’importance d’une clause Great Hill pour un vendeur dépendra des circonstances et de la relation particulière entre le vendeur, la cible et leur avocat dans le cadre de la transaction. Cela dit, même en l’absence d’une clause Great Hill, le vendeur peut prendre des mesures pratiques pour atténuer le risque posé par la possibilité d’un secret professionnel bénéficiant aux deux parties. Le vendeur et son avocat devraient examiner l’opportunité de prendre de telles mesures lorsque les services de l’avocat sont retenus au début de la transaction.

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Auteurs

  • Doug H. Scott, Associé | Fusions et acquisitions, Droit des sociétés et droit commercial, Toronto, ON, +1 416 943 8823, dhscott@fasken.com
  • Jesse R. Harper, Associé | Litiges et résolution de conflits, Toronto, ON, +1 416 865 4378, jharper@fasken.com
  • Kimberly Potter, Associée | Cochef, Facteurs ESG et développement durable, Toronto, ON, +1 416 865 4544, kpotter@fasken.com
  • W. Ian Palm, Associé | Fusions et acquisitions, Toronto, ON, +1 416 865 5155, ipalm@fasken.com
  • Alexandra Lazar, Associée | Fusions et acquisitions, Montréal, QC, +1 514 397 5238, alazar@fasken.com
  • Paul Blyschak, Avocat-conseil | Droit des sociétés et droit commercial, Calgary, AB, +1 403 261 9465, pblyschak@fasken.com

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