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Canada-Administration Trump 2.0 – bulletin 12

Fasken
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Aperçu

Comme l’a si bien résumé avec humour Alexander Panetta, journaliste à la CBC, le président Trump a prouvé cette semaine qu’il peut faire des miracles : « 1) les libéraux du Canada sont revenus à la vie après leur mort politique; 2) l’amour des Canadiens pour Wayne Gretzky a faibli pour la première fois depuis les années 1970; et 3) les commentaires du secrétaire au Commerce du président ont amené les Canadiens à défendre la TPS. »

Dans ce 12e bulletin Canada–Administration Trump 2.0, Alex Steinhouse, de l’équipe Relations gouvernementales et droit politique de Fasken, présente un aperçu des menaces liées aux tarifs (et d’autres menaces tout aussi graves) et de la façon dont les acteurs de la scène politique canadienne ont réagi.

Quels tarifs seront appliqués et à quel moment?

Il a été particulièrement difficile cette semaine de suivre les menaces de tarifs douaniers américains. Le président et ses conseillers continuent de garder le suspense en ce qui concerne l’application possible, le 4 mars prochain, de tarifs universels de 25 % sur les produits canadiens et de 10 % sur les importations d’énergie canadiennes.

À titre de rappel, les tarifs à l’égard du Canada et du Mexique sont (supposément) liés à la sécurité frontalière, mais d’autres tarifs universels de 25 % sur l’acier et l’aluminium devraient être imposés le 12 mars (en théorie, ces tarifs s’ajouteraient à la première tranche de tarifs). En outre, des tarifs de rétorsion à l’échelle mondiale (texte officiel en anglais) visant à « punir » les pays qui ont des barrières commerciales contre les États-Unis, y compris le Canada, pourraient être imposés le 2 avril (et non le 1ᵉʳ avril, la date suggérée initialement, pour s’assurer que personne ne croit qu’il s’agit d’un poisson d’avril).

Le lundi 24 février, le président Trump a confirmé que la pause de 30 jours sur les tarifs à l’encontre du Canada et du Mexique prendra fin le 4 mars : « Nous sommes dans les temps avec les droits de douane. »

Mais dès le lendemain, des représentants de la Maison-Blanche ont précisé aux journalistes que la reprise de ces tarifs faisait toujours l’objet de négociations avec leurs homologues canadiens et mexicains, et que le président faisait référence à un autre plan, celui plus large de tarifs de rétorsion à l’encontre de divers pays (article en anglais).

Le mardi 25 février, le président a signé un autre décret, qui vise cette fois-ci les importations de cuivre (texte officiel en anglais), également sous le couvert de la sécurité nationale, et qui constitue une autre menace de tarifs douaniers pour le Canada.

Le président Trump a ordonné la tenue d’un examen qui permettra de déterminer s’il devrait y avoir des tarifs sur les importations de cuivre, ainsi que sur les produits qui comprennent du cuivre, afin de reconstituer la production d’un métal essentiel aux réseaux électriques et au câblage résidentiel, aux véhicules électriques, au matériel militaire, aux produits électroniques et de télécommunications, ainsi qu’aux biens de consommation. Le rapport devra être remis au président dans un délai de neuf mois, et aucun taux spécifique pour les tarifs n’a été mentionné à ce jour. 

Le Canada est la deuxième source d’importation de cuivre aux États-Unis, après le Chili, ayant expédié environ 1,2 milliard de dollars américains de cuivre affiné aux États-Unis l’an dernier seulement. 

Toujours mardi, le président Trump a tourné son attention vers les voitures, les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques, qui pourraient se voir imposer des tarifs douaniers de 25 % d’ici quelques semaines. Son objectif est d’inciter des entreprises à installer leurs usines de fabrication aux États-Unis. Il a également menacé d’imposer des tarifs sur le bois d’œuvre et les produits laitiers.

Puis, le mercredi 26 février, le secrétaire au Commerce, Howard Lutnick, a réaffirmé (publication en anglais) la position de la Maison-Blanche de mardi et déclaré que si « le Canada et le Mexique arrivent à prouver au président qu’ils ont fait “un excellent travail” pour sécuriser la frontière, les tarifs douaniers pourraient être reportés ». M. Lutnick a aussi reconfirmé la date du 2 avril pour les autres plans tarifaires.

De plus, ce jour-là, le président Trump a juré d’imposer des tarifs de 25 % à l’Union européenne, car ce bloc aurait été « conçu pour arnaquer les États-Unis ». L’UE s’est engagée à répondre « fermement et immédiatement » à des barrières commerciales « injustifiées », indiquant qu’elle était prête à prendre des mesures de rétorsion rapides contre de nouveaux tarifs.

Le jeudi 27 février, le président Trump a annoncé (article en anglais) sur les médias sociaux qu’il allait mettre fin à la pause de 30 jours des tarifs douaniers contre le Canada et le Mexique le 4 mars. S’il prend ces mesures, c’est parce que « les drogues continuent d’affluer dans notre pays » et qu’il « ne peut pas permettre que ce fléau continue de nuire aux États-Unis », d’où l’imposition de tarifs de 25 % au Canada « jusqu’à ce que [ce fléau] cesse ou soit sérieusement limité ». Le même jour, il a également promis d’imposer des tarifs supplémentaires de 10 % à la Chine, en plus des 10 % qu’il a déjà imposés.

Puis, plus tard dans la journée, dans le bureau ovale, le président a déploré (article en anglais) l’absence de progrès à la frontière nord : « Je ne vois rien du tout. Non, pas pour les drogues », a répondu M. Trump lorsqu’il a été interrogé sur les efforts du Canada à la frontière. Il a semblé mal comprendre les statistiques américaines sur les saisies de fentanyl, affirmant que le Canada « devrait en saisir beaucoup plus, mais qu’il ne saisit que 1 % [du fentanyl] ».

M. Trump a ajouté que plus le Mexique serre la vis à la frontière, plus « ça se rend jusqu’au Canada, et beaucoup de drogues entrent en provenance du Canada ». Il a également rejeté l’idée de faire payer les tarifs par les importateurs et les consommateurs américains, disant à un journaliste : « Non, non, je pense qu’ils seraient payés par le pays ».

Malgré ce que le président en pense, les données du US Customs and Border Protection (CBP) publiées plus tôt ce mois-ci montrent qu’il y a eu une diminution importante des saisies de fentanyl en provenance du Canada, les saisies ayant chuté de 97 % en janvier 2025 par rapport à décembre 2024.

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a annoncé qu’elle et ses partenaires chargés de l’application de la loi ont effectué d’importantes saisies à la frontière depuis que le Canada y a fait de nouveaux investissements. « Rien qu’en février 2025, l’ASFC a effectué six saisies totalisant 56,1 g de fentanyl, dont celle de 20 comprimés de fentanyl et de 23 g d’une substance soupçonnée d’être du fentanyl auprès de deux citoyens américains au point d’entrée du tunnel Windsor-Détroit. »

Outre les enjeux à la frontière, la police a observé des progrès nationaux dans la lutte contre le fentanyl dans les communautés. Selon la GRC, au cours d’une récente période de six semaines, les forces de l’ordre canadiennes ont relevé « 489 incidents liés au fentanyl et aux opioïdes synthétiques » ayant entraîné 524 arrestations et la saisie de grandes quantités de drogues et d’autres produits.

Enfin, selon Kirsten Hillman, ambassadrice du Canada aux États-Unis, il y a eu une baisse de 90 % des passages clandestins en provenance du Canada vers les États-Unis au cours des derniers mois. Les représentants de M. Trump seraient satisfaits des progrès réalisés.

Le mois dernier, le CBP a confié à CTV News que « les passages illégaux entre des points d’entrée à la frontière canado-américaine ont diminué de plus de 80 % entre juin et novembre l’année dernière en raison des efforts accrus d’application de la loi ».

Autres développements Canada-Administration Trump 2.0

L’un des plus proches conseillers du président, Peter Navarro, a fait les manchettes deux fois cette semaine en raison de positions choquantes qu’il aurait prises à l’égard du Canada. Selon le Financial Times, M. Navarro aurait exercé des pressions pour exclure le Canada du Groupe des cinq, un réseau d’échange de renseignements composé du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, afin de forcer la main du Canada dans les négociations commerciales. Peu après la publication de l’article, M. Navarro a tenu un point de presse au cours duquel il a nié (article en anglais) catégoriquement avoir fait valoir cette position.

Puis, le jeudi 27 février, on pouvait lire dans le Telegraph du Royaume-Uni que M. Navarro avait également exercé des pressions sur les négociateurs commerciaux américains pour qu’ils redessinent la frontière canado-américaine dans le cadre de discussions avec leurs homologues canadiens : « M. Navarro a recommandé de revoir la frontière entre le Canada et les États-Unis, ce qui est tout simplement fou et dangereux », a avoué une source proche des négociations au Telegraph.

Réactions du gouvernement fédéral

Le premier ministre Justin Trudeau a convoqué une réunion virtuelle des premiers ministres mercredi pour discuter des relations entre le Canada et les États-Unis ainsi que des efforts déployés pour repérer, perturber et démanteler le commerce du fentanyl et protéger nos communautés. Le premier ministre « gard[e] l’espoir que ces droits de douane ne soient pas imposés, mais a rappelé que le Canada était prêt à riposter si la situation l’exigeait ».

En réponse à la menace du président Trump d’imposer des tarifs douaniers le 4 mars, le premier ministre a déclaré, en anglais, que le Canada répondrait aux États-Unis en imposant des tarifs de rétorsion le même jour : « Si jamais ils vont de l’avant avec ces tarifs, qui sont complètement injustifiés, nous aurons une réponse forte, immédiate et certaine. »

Quant à la prétendue intention de redessiner la frontière, le premier ministre Trudeau a affirmé que de telles conversations n’avaient jamais eu lieu. Il a défendu le rôle et la contribution du Canada au Groupe des cinq et a fait remarquer que M. Navarro avait démenti cette rumeur.

Cette semaine, les ministres canadiens continuent de plaider leur cause contre les tarifs à Washington. Le ministre de la Sécurité publique, David McGuinty, et le ministre de l’Immigration, Marc Miller, y passent une partie de la semaine. Ils ont notamment rencontré le tsar des frontières de M. Trump, Tom Homan, jeudi après-midi. Kevin Brosseau (tsar du fentanyl), Erin O’Gorman (présidente de l’ASFC) et Mike Duheme (commissaire de la GRC) ont accompagné les ministres dans leur visite à Washington.

Lorsqu’on lui a demandé (article en anglais) s’il croyait qu’on pourrait éviter les tarifs la semaine prochaine, M. McGuinty a déclaré que les représentants de la Maison-Blanche reconnaissaient les progrès réalisés à la frontière : « Nous faisons preuve de plus en plus de coopération. Ils veulent coopérer avec nous [...]. Tous les tests imposés à notre pays, au Canada, en termes de progrès et de respect des normes pour la frontière, je pense qu’ils ont été réussis », a soutenu M. McGuinty.

Par ailleurs, le mercredi 26 février, Jagmeet Singh, chef néo-démocrate fédéral, a demandé de bannir le président Trump du sommet du G7 qui aura lieu à Kananaskis, en Alberta, en juin. Le premier ministre Trudeau a rejeté l’idée en disant, en anglais, qu’il était facile de dire des choses « choquantes », mais qu’il n’« [était] pas un de ces politiciens canadiens qui pensent que c’est une façon responsable de diriger un pays ou même d’entretenir un dialogue politique important ».

L’ancien chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a aussi fait les manchettes (en anglais) cette semaine, en tant que partisan d’une alliance entre le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (alliance CANZUK), afin de mieux parer aux menaces de l’administration Trump. Ensemble, les quatre pays pourraient former un bloc économique avec un PIB combiné d’environ 6,5 billions de dollars et la troisième force militaire du monde.

« Pourquoi ne voudriez-vous pas d’une telle alliance? Ce sont nos plus proches amis et alliés, a lancé M. O’Toole lors d’une entrevue. Avec le retrait des États-Unis, on devrait mettre les bouchées doubles pour former l’alliance CANZUK. Les bons pays démocratiques doivent passer à la vitesse supérieure et combler le vide laissé par les Américains. »

Cette initiative fait suite à de récents voyages de ministres canadiens de haut rang en Australie et au Royaume-Uni, afin de renforcer les échanges commerciaux entre nos pays.

Nouvelles des premiers ministres

Au cours des derniers jours, deux premiers ministres relativement appréciés au Canada atlantique ont causé la surprise en démissionnant subitement, en partie parce qu’ils ne voulaient plus composer avec l’instabilité apparemment permanente causée par le président Trump.

Le jeudi 20 février, Dennis King, premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, a annoncé qu’il allait quitter ses fonctions dès le lendemain, après six ans à la tête de la province. Les menaces posées par l’administration Trump ont joué un rôle important dans sa décision : « Ce ne sera pas une période facile, a déploré M. King. Ce n’est pas le moment de se donner à moitié. Il faut être à fond. » Le ministre Rob Lantz a déjà été assermenté pour le remplacer. Les prochaines élections sont prévues en octobre 2027, conformément au système électoral à date fixe de la province.

Puis, le mardi 25 février, Andrew Furey, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, a soudainement annoncé sa démission comme premier ministre, après quatre ans et demi au pouvoir. M. Furey a joué un rôle de premier plan dans la réponse du Canada aux tarifs douaniers américains, s’étant rendu personnellement aux États-Unis à plusieurs reprises. Il restera en poste jusqu’à ce qu’un nouveau chef libéral provincial soit choisi.

Faire face à l’administration Trump était trop exigeant pour M. Furey, qui estimait (article en anglais) ne pas pouvoir servir davantage la population à ce moment dans sa vie : « Nous avons devant nous quatre années de comportements erratiques, fous et désordonnés de la part du président des États-Unis. Ce problème sera omniprésent pour les Canadiens au cours des quatre prochaines années. »

Il a aussi déclaré ceci : « C’est évident, non? Le gars est fêlé. Je peux peut-être parler plus librement maintenant. Vous le voyez : il se réveille un matin et dit quelque chose sur l’eau, les voitures. Le lendemain, ce sera le thon, qui sait? C’est erratique et déroutant à ce point. C’est pourquoi je pense que la réponse du Canada doit être calme, assurée, mesurée, équilibrée, mais responsable, face à cette brute, cette brute erratique. »

Des élections provinciales devraient avoir lieu en octobre ou en novembre.

Un autre premier ministre des provinces de l’Atlantique a aussi fait les manchettes dans la lutte contre les barrières commerciales intérieures au Canada. Le gouvernement du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, a déposé un projet de loi (article en anglais) sur le libre-échange et la mobilité au sein du Canada (Free Trade and Mobility within Canada Act), qui vise à éliminer la nécessité d’imposer des frais supplémentaires ou des exigences en matière d’analyse pour les marchandises en provenance d’autres provinces qui entrent en Nouvelle-Écosse. La loi ne s’appliquerait qu’aux provinces ou aux territoires qui adopteraient aussi une loi semblable. Les biens fabriqués et produits dans ces provinces et territoires seraient traités de la même façon que les produits fabriqués en Nouvelle-Écosse. De plus, les fournisseurs de services et les professionnels autorisés qui sont dûment agréés seraient reconnus comme s’ils étaient agréés en Nouvelle-Écosse. Enfin, la Nouvelle-Écosse n’appliquerait aucune exception ou « exclusion » prévue dans l’Accord de libre-échange canadien avec une province ou un territoire qui adopte un projet de loi semblable.

Pendant la campagne électorale, Doug Ford, premier ministre de l’Ontario, s’est engagé à emboîter le pas à la Nouvelle-Écosse.

M. Ford, qui vient tout juste de remporter ses élections jeudi soir, n’exclut pas les exportations d’électricité de l’Ontario des mesures de rétorsion possibles face aux tarifs américains. Il n’a pas donné d’autres détails sur la mesure proposée ni sur la façon dont elle s’inscrirait dans son plan annoncé précédemment d’arrêt des exportations d’énergie si le président Trump allait de l’avant avec les tarifs.

Pour terminer, l’Alberta a présenté son budget le jeudi 27 février. La menace de tarifs douaniers se fait sentir dans les perspectives budgétaires. Le budget du ministre des Finances, Nate Horner, prévoit un déficit de 5,2 milliards de dollars pour cet exercice, ce qui représente un écart de 11 milliards de dollars par rapport au budget actuel, qui est en voie d’enregistrer un excédent de près de 6 milliards de dollars. On prévoit que les déficits demeureront jusqu’aux élections provinciales de 2027. M. Horner a précisé que l’Alberta s’attend à une baisse du prix du pétrole et se prépare à l’imposition de tarifs douaniers américains qui auront une incidence sur l’économie provinciale. Le gouvernement respecte également une promesse électorale d’allégement de l’impôt sur le revenu.

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  • Alex Steinhouse, Avocat-conseil | Relations gouvernementales et stratégie, Montréal, QC, +1 514 397 4356 , asteinhouse@fasken.com

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