Dans le domaine de la recherche, un des aspects les plus controversés de la Loi sur l'accès[1] et de la Loi sur le secteur privé[2] porte sur le processus souvent long et incertain pour que les chercheurs obtiennent la permission d'avoir accès aux banques de renseignements personnels sises dans les organismes publics et les entreprises privées. L'approbation nécessaire de la Commission d'accès à l'information (« CAI ») est généralement accordée après un an ou plus d'attente alors que les fonds de recherche sont octroyés sur un cycle de trois ans.[3]
D'autres provinces comme l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario ont déjà simplifié les demandes d'accès des chercheurs dans le but de faciliter les connaissances scientifiques.
Le Projet de loi 64[4] apporte des modifications majeures pour les milieux de la recherche et des secteurs de l'économie qui s'appuient sur la science.
Une exception importante pour les fins de la recherche
Le principe central du consentement quant à l'utilisation d'un renseignement personnel détenu par une entreprise ou un organisme public est mis de côté dans les cas où « …son utilisation est nécessaire à des fins d'étude, de recherche ou de production de statistiques… ».[5] Toutefois, cette absence de consentement s'accompagne d'une nouvelle série de protections obligatoires de la part des entreprises et des organismes publics qui donnent accès aux renseignements personnels, mais également de la part de la personne (ou autre organisme) qui souhaite utiliser ces renseignements pour des fins d'étude, recherche, ou production de statistiques.
Le législateur prend par ailleurs une position importante quant à la définition de ce qui est un renseignement personnel et ce qui ne l'est pas en disposant qu'un « renseignement personnel est dépersonnalisé lorsque ce renseignement ne permet plus d'identifier directement la personne concernée. »[6]
Les obligations imputables tant aux entreprises du secteur privé qu'aux organismes publics[7]
Les entreprises et organismes publics peuvent communiquer à une autre personne/organisme des renseignements personnels pour fins de recherche, études ou production de statistiques si une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée est concluante quant aux points suivants :
- L'objectif de l'étude, de la recherche ou la production de statistiques ne peut être atteint que si les renseignements personnels communiqués permettent l'identification des personnes;
- Il serait déraisonnable d'obtenir le consentement des personnes;
- L'objectif de l'étude l'emporte sur l'impact de la communication et de l'utilisation des renseignements personnels sur la vie privée des personnes concernées;
- Les renseignements personnels sont utilisés de manière à en assurer leur confidentialité;
- Seuls les renseignements nécessaires sont communiqués.
Les obligations des chercheurs
Ces obligations s'appliquent également aux personnes ou organismes qui souhaitent faire de la recherche, des études ou produire des statistiques. Ces obligations se lisent comme suit :
- Faire la demande par écrit;
- Joindre le protocole de recherche;
- Démontrer que les critères de l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée sont remplis
- Faire une liste complète des personnes et organismes à qui une demande similaire pour les mêmes fins de recherche a été faite;
- Le cas échéant, décrire les différentes technologies utilisées dans le traitement des renseignements;
- Le cas échéant, transmettre la décision documentée d'un comité d'éthique de la recherche relative à cette étude etc.
L'entente écrite
Lorsque ces critères sont remplis, la communication des renseignements par l'entreprise ou l'organisme public doit faire l'objet d'une entente qui stipule notamment les éléments suivants :[8]
- Les renseignements personnels sont accessibles uniquement par les personnes pour lesquelles il est nécessaire d'y avoir accès dans le cadre de leurs fonctions. Ces personnes doivent également signer un engagement de confidentialité;
- Ces renseignements sont utilisés seulement pour les fins prévues au protocole de recherche;
- Ces renseignements ne peuvent être appariés avec tout autre fichier non prévu au protocole;
- Ces renseignements ne peuvent être publiés ou diffusés sous une forme permettant d'identifier les individus sur lesquels portent ces renseignements.
En plus l'entente doit prévoir :
- L'information à donner aux personnes avec qui on communique en vue de leur participation à la recherche;
- Les mesures prises pour assurer la protection des renseignements personnels;
- Le délai de conservation de renseignements;
- L'obligation d' aviser l'entreprise/l'organisme public de la destruction des renseignements;
- L'avis obligatoire et sans délai à donner à l'entreprise/l'organisme et à la CAI advenant qu'il y ait non-respect d'une condition de l'entente, d'un manquement aux mesures de protection prévues ou autre événement qui pourrait porter atteinte à la confidentialité des renseignements.
Cette entente doit être transmise à la CAI . Elle entre en vigueur 30 jours après sa réception.
Les biobanques[9]
Le PL 64 semble marquer la volonté de rendre le processus plus efficace que ce qui est actuellement en place. Dans ce contexte, le PL 64 modifie également la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information en disposant que la divulgation à la CAI de la création d'une banque de caractéristiques ou de mesures biométriques doit se faire au plus tard 60 jours avant sa mise en service.
La loi concernant le partage de certains renseignements de santé[10]
Les dispositions concernant le partage des renseignements de santé pour la recherche, sous réserve de l'autorisation de la CAI, n'ont jamais été mises en vigueur depuis leur adoption en 2012[11]. Toutefois, le PL 64 modifie l'article 106 de la Loi concernant le partage de certains renseignements de santé en adoptant une nouvelle approche visant à écarter l'implication de la CAI. Les renseignements de santé dans les banques de santé des domaines cliniques (sauf les numéros d'identification uniques) peuvent maintenant être communiqués par le ministre à des personnes ou organismes qui les utilisent pour étude, recherche ou production de statistiques dans le domaine de la santé et des services sociaux[12].
Conclusion
Ces nouvelles dispositions du PL64 semblent correspondre à ce qui semble être les meilleures pratiques en confidentialité, sécurité et éthique acceptées dans les milieux de la recherche. Avec le PL 64, les entreprises, chercheurs et organismes publics peuvent organiser leurs efforts en recherches à un rythme qui semble être plus avantageux. Les renseignements de santé pourront circuler de manière plus rapide et flexible pour les recherches urgentes. La CAI, à qui sont attribués de nouveaux rôles dans d'autres domaines de l'administration de la Loi sur le secteur privé et la Loi sur l'accès, ne jouera qu'un rôle de dépositaire des ententes de recherche.
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[1] Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, chapitre A-2.1.
[2] Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, chapitre P-39.1.
[3] L'accès aux données sur la santé et aux données connexes. Rapport du Conseil des Académies, 2015, Ottawa, pp. 47, 51, 82.
[4] Projet de loi n° 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels.
[5] Articles 19 et 102 du PL 64.
[6] Articles 19 et 102 du PL64.
[7] Articles 23 et 110 du PL64
[8] Article 23
[9] PL 64 article 77
[10] P-90001
[11] Article 106 Loi concernant le partage de certains renseignements de santé, chapitre P-9.00001. L'article 107 de la Loi concernant le partage de certains renseignements de santé (jamais entré en vigueur) est également aboli par le PL 64.
[12] Article 91 du Pl 64.