En mai 2017, M. Marc Garneau, ministre fédéral des Transports, a lancé une nouvelle stratégie du gouvernement fédéral relative aux véhicules à émission zéro (VÉZ). Cette stratégie de VÉZ fait partie du cadre pancanadien d'Ottawa visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 30 pour cent des niveaux de 2005 d'ici 2030. Les transports représentent un quart des émissions de GES du Canada, la plupart provenant des voitures et des camions. La stratégie de VÉZ explorera des options afin d'éliminer les principaux obstacles à un plus grand déploiement de VÉZ au Canada, y compris la production de VÉZ, les coûts et les avantages de posséder un VÉZ, la disponibilité des infrastructures, la sensibilisation du public, la croissance verte et les emplois verts.
Les délais pour élaborer une stratégie de VÉZ étaient courts. Un comité consultatif composé de deux douzaines d'experts provenant du secteur de l'automobile, du milieu universitaire, d'organisations non gouvernementales (ONG) et de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux a été rapidement constitué et chargé d'élaborer un plan visant à réduire radicalement les émissions de GES en faisant une importante promotion des VÉZ. À la mi-septembre, le comité consultatif a terminé une première ébauche de la stratégie de VÉZ. Le plan fait maintenant l'objet d'une série de consultations avec des hauts fonctionnaires fédéraux et provinciaux, et une annonce devrait être faite au début de 2018.
Au moment de son lancement, la stratégie de VÉZ devait tenir compte de toutes les options visant à réduire les émissions de GES provenant des transports. Rien n'a été laissé de côté, et le gouvernement souhaitait pouvoir tirer parti des politiques et programmes existants. Le budget fédéral de 2017 avait alloué 120 millions de dollars à Ressources naturelles Canada pour mettre en place une infrastructure pour les carburants de remplacement et des postes de recharge de véhicules électriques (VÉ). L'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique offrent des incitatifs aux consommateurs pour acheter des VÉZ. Mais le ministre Marc Garneau a déclaré qu'il était peu probable qu'une stratégie nationale de VÉZ suive la voie des gouvernements du Québec et de la Californie qui exigent que les fabricants d'automobiles vendent des VÉZ à certains niveaux établis et en hausse, le prétendu mandat obligatoire des VÉZ. En vertu d'un mandat de VÉZ, les fabricants d'automobiles reçoivent des « crédits VÉZ », qui représentent les ventes de voitures et de camions électriques réalisées par l'entreprise. Les fabricants doivent alors maintenir leurs crédits VÉZ équivalent à un pourcentage déterminé de vente de véhicules non électriques.
Les mandats de VÉZ ne constituent pas une approche privilégiée parmi les fabricants d'automobiles qui font valoir que la stratégie la plus efficace serait d'étendre les incitatifs, financiers, et autres, directement au niveau du consommateur pour promouvoir la vente des VEZ sur le marché. Ces incitatifs comprennent des rabais sur l'achat de véhicules, des stationnements préférentiels, des frais d'immatriculation réduits, l'accès aux voies réservées aux véhicules à occupation élevée, appuyés par des campagnes agressives de sensibilisation du public.
Le mandat de VÉZ du Québec exige que les fabricants d'automobiles produisent des crédits équivalents à 3,5 % des ventes pour l'année-modèle 2018, augmentant annuellement jusqu'à 6,9 % en 2020 et à 15,5 % en 2025. Actuellement, moins d'un pour cent des voitures vendues au Québec sont électriques. En Californie, les fabricants d'automobiles doivent maintenir des crédits de VÉZ équivalents à 4,5 % en 2018, augmentant jusqu'à 22 % en 2025. Il existe également des limites au nombre de crédits qui peuvent provenir de VÉZ « de transition » qui sont encore équipés d'un moteur à combustion interne. En 2018, les véhicules hybrides rechargeables (VHR) ne peuvent compter que pour 55 pour cent des crédits, ce qui signifie qu'au moins 45 % des crédits doivent provenir des véhicules électriques à batterie (VÉB) ou de véhicules électriques à pile à combustible (VÉPC), et ceux-ci ne sont pas admissibles aux crédits VEZ au Québec. Contrairement au Québec et à la Californie, l'Ontario a récemment adopté une approche volontaire pour aider la province à atteindre un objectif de 5 % de VÉZ d'ici 2020.
À la fin de 2017, il n'est toujours pas certain que le gouvernement fédéral tiendra sa promesse de ne pas obliger les fabricants d'automobiles à vendre des VÉZ au Canada. Néanmoins, il existe orientation politique claire adoptée dans l'un des plus grands marchés de véhicules du Canada, visant à promouvoir l'adoption des voitures à émission zéro.
Les VÉZ et les véhicules électriques à hydrogène (VÉH)
La pièce maîtresse d'une nouvelle stratégie de VÉZ pour le Canada sera la disponibilité des VÉZ et des technologies connexes. Pour être qualifié d'émission zéro, un véhicule doit rouler avec des batteries. Il existe aujourd'hui deux types de ces véhicules : les véhicules électriques à batterie (VÉB) ou les véhicules électriques à pile à combustible (VÉPC), lesquels sont moins connus. Bien qu'ils ne soient actuellement pas disponibles au Canada, les VÉPC devraient devenir un choix important de VÉZ sur le marché canadien.
Parmi les fabricants d'automobiles qui dominent le domaine du développement des VÉPC, citons Toyota, Hyundai, Honda, BMW, Kia, et Mercedes-Benz. Ces entreprises ont investi collectivement des milliards de dollars dans la mise au point de véhicules électriques à pile à combustible et dans la technologie visant à produire de tels véhicules de manière efficace au niveau des coûts. Ces véhicules propres à émission zéro sont prêts pour le marché et sont déployés dans les pays où les infrastructures de carburant à l'hydrogène sont disponibles.
Les véhicules à pile à combustible sont des véhicules électriques, sans moteur à combustion interne, qui produisent de l'électricité eux-mêmes quand ils roulent, contrairement aux véhicules électriques rechargeables qui tirent leur énergie électrique d'une batterie chargée préalablement.
L'hydrogène gazeux transporté à bord dans des cylindres sous pression est transmis aux piles à combustible dans lesquelles l'hydrogène se mêle à l'oxygène pour former de l'eau pure. Ce processus produit de l'électricité, silencieusement et en toute sécurité, qui devient la principale source d'énergie pour tous les systèmes du véhicule.
Un VÉPC peut actuellement rouler plus loin (de 400 à 600 km) qu'un véhicule électrique rechargeable, car la quantité d'énergie qui peut être emmagasinée dans les batteries d'un véhicule électrique rechargeable est bien inférieure à celle d'un VÉPC à hydrogène. En outre, quand il faut faire le plein d'hydrogène, le VÉPC peut être rechargé aussi rapidement qu'une voiture ordinaire à essence.
La possession et la conduite d'un VÉPC sont pratiquement semblables à celles d'un véhicule à essence. On ne les branche pas pour charger une batterie, mais ce sont néanmoins des véhicules électriques à émission zéro.
Actuellement, les VÉPC coûtent plus cher à construire que les voitures à essence ou au diesel, mais ils sont moins coûteux que les véhicules électriques rechargeables. On estime que le coût différentiel des VÉPC et des VÉ de 2015 par rapport à une voiture ordinaire était d'environ 6 000 $ et 12 000 $ respectivement, mais ces coûts devraient baisser avec l'évolution de la technologie. Entre 2030 et 2040, il est estimé la différence de coût entre les VÉPC, les VÉ et les voitures à moteur à combustion interne très efficace sera négligeable. Malgré le coût avantageux des VÉPC par rapport aux VÉ, ils sont confrontés à un obstacle plus considérable : le manque d'infrastructures de recharge en hydrogène.
Actuellement, plus de 5 000 VÉPC roulent sur les routes dans le monde entier comme voitures de tourisme, la plupart en France, en Allemagne, au Japon et en Californie. Dans la catégorie industrielle et usages lourds, dont les autobus et les chariots élévateurs à fourche, plus de 8 000 véhicules sont utilisés, rien qu'aux États-Unis.
Le marché devrait prendre rapidement de l'ampleur lorsqu'un réseau de recharge en hydrogène sera constitué. Par exemple, en Californie seulement, les fabricants d'automobiles prévoient lancer plus de 40 000 VÉPC d'ici 2022.
Toutefois, en l'absence des infrastructures nécessaires, le potentiel de développement des VÉPC ne peut être atteint. Au Canada, il n'y a actuellement qu'un seul poste de recharge en hydrogène ouvert au public, et trois autres postes seront construits avec l'aide d'un financement du gouvernement fédéral.
Hydrogenics Corporation, située en Ontario, recevra cette année un financement de 1,6 million de dollars du gouvernement fédéral pour construire deux postes de recharge en hydrogène dans la grande région de Toronto. Hydrogen Technology and Energy Corporation, située en Colombie-Britannique, recevra cette année un financement fédéral pour construire un poste de recharge en hydrogène à Vancouver. Aucun de ces postes n'est raccordé au projet de déploiement spécialisé des VÉPC sur les marchés de l'Ontario et de la Colombie-Britannique.
Les réseaux de recharge en hydrogène qui fonctionnent actuellement ailleurs ont bénéficié d'un appui gouvernemental. En France, il existe 26 postes ouverts au public qui sont soit complets, en construction ou dont le financement de la construction est assuré. L'État de la Californie a alloué une aide financière de 100 millions de dollars pour construire jusqu'à 100 postes, et pour appuyer les frais d'exploitation et d'entretien. En Allemagne, le gouvernement appuie un plan pour la construction d'un réseau national de 400 postes de recharge en hydrogène d'ici 2025.
La stratégie des VÉZ et les VÉPC
Le Canada ne peut être assuré de réduire considérablement les émissions de GES provenant des transports sans donner un appui ferme aux VÉZ en général, et aux VÉPC en particulier. Des analyses globales effectuées par des experts sur les moyens de décarburation dans le secteur des transports ont découvert que les chances de parvenir à une réduction significative des émissions de GES sont supérieures si on appuie plusieurs stragégies. L'évaluation de l'ampleur de l'engagement du Canada pourrait devoir attendre la publication de la nouvelle stratégie du Canada en matière de VÉZ, et la place des VÉPC et de l'infrastructure de recharge en hydrogène dans le cadre de cette stratégie.
Un financement initial important des gouvernements fédéral et provinciaux dans les infrastructures de recharge en hydrogène devrait donc être orienté vers le déploiement de postes de recharge ouverts au public dans ces trois provinces. Il faudra ce genre d'investissement pour faire du Canada un chef de file mondial dans le déploiement de VÉPC propres et à émission zéro. Grâce à notre compréhension des options de la technologie des divers VÉZ, une fois l'obstacle du manque d'infrastructure de recharge en hydrogène éliminé, les VÉPC devraient former une partie importante des VÉZ sur le marché canadien.