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Les paris sportifs au Canada

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La légalité des paris sur une seule épreuve sportive au Canada attirera de nouveau l'attention suivant la récente décision Murphy v. NCAA de la Cour suprême des États-Unis dans la cause[1]. Dans cette affaire, la Cour a statué que la loi fédérale américaine interdisant aux États américains (à l'exception de certains, dont le Nevada[2]) d'autoriser les paris sur les épreuves sportives est inconstitutionnelle. Par conséquent, on s'attend à ce que les États adoptent des mécanismes réglementaires autorisant les paris sur une seule épreuve sportive en vue d'augmenter les recettes fiscales et, potentiellement, le tourisme. D'ailleurs, au moins 18 États prévoient déposer des lois cette année visant à réglementer les paris sportifs[3]. À titre de comparaison au Canada, le Code criminel[4] interdit les paris sur une seule épreuve sportive. Bien que les paris sur une seule épreuve sportive puissent de nouveau faire l'objet de débats parlementaires en raison de cette décision récente rendue aux États-Unis, ceux-ci demeurent illégaux au Canada.

La loi américaine

La loi fédérale américaine invalidée dans la décision Murphy était la Professional and Amateur Sports Protection Act[5], laquelle interdit aux États de commanditer, d'organiser ou d'autoriser les paris sportifs, d'en faire la publicité ou d'émettre une licence à cet égard. En particulier, la Cour a statué que la loi contrevenait au 10amendement de la Constitution des États-Unis, lequel interdit au Congrès d'obliger les États à participer à des régimes règlementaires fédéraux[6]. Les partisans de cette loi, qui comprennent des ligues majeures de sports telles que la NFL, la LNH, la NBA et la MLB, ont fait valoir que le fait d'autoriser les paris sportifs risque de porter atteinte à l'intégrité des épreuves sportives en encourageant le trucage de match. De leur côté, les défenseurs de cette décision ont soutenu que les Américains effectuent des paris sportifs depuis des années auprès des preneurs de paris exerçant leurs activités illégalement et qu'en envisageant la règlementation de la part de l'État, des milliards de dollars pourraient être éloignés des organisations illégales de prises de paris. Les partisans ont également fait valoir que le fait de dévoiler ces activités au grand jour pourrait réduire plutôt qu'augmenter la corruption dans le domaine des sports.

La loi canadienne

Au Canada, l'article 207 du Code criminel autorise les provinces et les particuliers à effectuer des « paris progressifs », c'est-à-dire d'effectuer des paris sur plusieurs épreuves sportives avec le même billet[7]. Toutefois, l'alinéa 207(4)b) interdit aux provinces et aux particuliers d'organiser des paris sur une seule épreuve sportive[8], soit des paris dits en « face à face ». Trois projets de loi émanant de députés ont été déposés pour tenter de modifier la loi. En 2011, le projet de loi C-627 [9] visait l'abrogation de l'alinéa 207(4)b). Cependant, le projet de loi n'a pas dépassé la première lecture devant la Chambre des Communes. Ensuite, en 2014, le projet de loi de 2011 a été rétabli pour devenir le projet de loi C-290[10], qui a recueilli l'appui unanime de la Chambre mais ne fit jamais l'objet d'un vote au Sénat. Enfin, en 2016, le projet de loi C-221[11], projet de loi similaire aux deux autres précédents, a été déposé, mais a été rejeté en deuxième lecture devant la Chambre.

Les mêmes préoccupations concernant les paris sur une seule épreuve sportive et les paris face à face qui ont animé les parties dans la décision américaine Murphy ont été formulées au Canada. D'une part, les opposants aux divers projets de loi émanant de députés ont fait valoir qu'autoriser les paris face à face porterait atteinte à l'intégrité du sport, aggraverait la dépendance au jeu au Canada et ne serait pas une mesure suffisante pour empêcher les recettes de se retrouver dans les coffres d'organisations criminelles. Cette opinion provient en partie de la perception que les preneurs de paris agissant de façon illégale accordent des crédits directs aux parieurs et offrent généralement de meilleures chances que les preneurs de paris agissant légalement, ce qui contribue à perpétuer le marché noir en matière de paris[12]. D'autre part, les partisans à ce projet de loi soutiennent que l'autorisation des paris face à face redirigerait les quelque 14 milliards de dollars que dépensent annuellement les Canadiens en paris illégaux vers les municipalités et les provinces, lesquelles bénéficient des paris sportifs réglementés[13]. Ce revenu pourrait ensuite être affecté à divers biens et services publics, tels que les infrastructures et les soins de santé. En outre, les partisans affirment aussi que des recettes importantes pourraient provenir d'Américains voulant parier, mais demeurant plus près de villes frontalières canadiennes que de Las Vegas[14].

Maintenant que de nombreux États américains règlementent les paris sur une seule épreuve sportive, le Canada prendra-t-il aussi des mesures pour créer des règles du jeu équitables en procédant à l'abrogation de l'alinéa 207(4)b), soit par l'entremise d'un projet de loi émanant d'un député ou du gouvernement, soit en ayant recours à une réforme plus vaste? Bien que cette question reste théorique, les parieurs potentiels ne doivent pas oublier que, malgré les changements survenus aux États-Unis, cette pratique demeure illégale au Canada, sous peine d'un emprisonnement maximal de deux ans pour toute contravention à l'alinéa 207(4)b)[15].

Pour obtenir plus de commentaires sur la légalité des activités liées aux paris au Canada, veuillez contacter Andrew C. Alleyne, associé, Fasken.


 

[1] 584 U.S. 16-476 (2018) [Murphy].

[2] Les États du Nevada, du Montana, du Delaware et de l'Oregon ont été exemptés, puisque les paris sportifs y étaient autorisés avant l'entrée en vigueur de la loi.

[3] Associated Press, « Report: 18 States May Introduce Sports Betting Bills in 2018 », Sports Illustrated (9 janvier 2018), en ligne.

[4]Code criminel [L.R.C. (1985), ch. C-46, alinéa 207(4)b)]

[5] 28 U.S.C. § 178 (2016).

[6] Murphy, note précitée1 aux art. 24 et 25.

[7] Code criminel, note précitée 2.

[8] Idem.

[9] Projet de loi C-627, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs) 3e session, 40e lég. 2011.

[10] Projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs) 2e session, 41e lég. 2014.

[11] Projet de loi C-221, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs) 1re session, 42e lég. 2016.

[12] Débats de la Chambre des communes, 42e lég., 1re session, no 74 (16 juin 2016) à 1740 (M. Bill Blair).

[13] Ibid à 1405 (M. Brian Masse).

[14] Ibid à 1745-1750 (Mme Tracey Ramsey).

[15] Code, note précitée 2 au sous-al. 207(3)a)(i).

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Auteur

  • Andrew C. Alleyne, Associé, Toronto, ON, +1 416 868 3338, aalleyne@fasken.com

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