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Interprétation de la discrimination fondée sur l’état familial

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne | L'Espace RH

Dans la plupart des provinces au Canada, l'état familial constitue un motif de discrimination protégé en vertu de la législation sur les droits de la personne. En Ontario, une décision récente de la Cour supérieure de justice (la « Cour »), Peternel v. Custom Granite & Marble Ltd., 2018 ONSC 3508, est un excellent rappel des obligations liées à l'état familial et des facteurs examinés par les décideurs au moment de déterminer si un employeur a contrevenu à son devoir d'accommodement à l'égard d'un employé. 

Les faits en l'espèce

Dans cette affaire, l'employée travaille comme planificatrice pour la société Custom Granite & Marble Ltd. (l'« entreprise »). Son poste exige qu'elle se présente au travail tôt le matin. Or, l'employée affirme qu'elle est autorisée à arriver au travail en tout temps avant 10 heures, et ce, en raison de ses obligations parentales. Elle a également affirmé que lorsque l'entreprise avait besoin qu'elle se présente au travail plus tôt, elle le faisait, car sa mère, qui demeurait sous le même toit, s'occupait des enfants. L'entreprise a contesté ces déclarations en faisant valoir qu'elle avait discuté avec l'employée de sa propension à se présenter au travail après 8 h 30. L'entreprise n'a toutefois pas imposé de mesure disciplinaire à cet égard.

En décembre 2013, l'employée est partie en congé de maternité. En janvier 2015, avant son retour au travail, l'entreprise lui a fait savoir que dorénavant, elle allait devoir arriver au travail tous les jours au plus tard à 8 h 30. L'employée a fait savoir à l'entreprise que sa mère ne pouvait plus l'aider et qu'elle n'avait pas inscrit ses enfants à la garderie pour la période précédant le début des classes. Elle a demandé si elle pouvait continuer à arriver au travail à 10 heures. L'entreprise a refusé. L'employée a alors refusé de revenir travailler en alléguant que l'entreprise avait fait preuve de discrimination à son égard sur la base de son état familial. Elle a également fait valoir que l'entreprise l'avait congédiée de façon déguisée et avait contrevenu à la Loi de 2000 sur les normes d'emploi de l'Ontario en changeant son horaire et en ne lui redonnant pas l'horaire qu'elle alléguait avoir avant son congé de maternité. 

La décision de la Cour supérieure

La Cour a examiné les deux courants jurisprudentiels applicables à la discrimination au motif de l'état familial, à savoir celui de la décision Canada (Procureur général) c. Johnstone de la Cour d'appel fédérale et celui de la décision Misetich v. Value Village Stores Inc. du Tribunal des droits de la personne de l'Ontario (le « Tribunal »).

Dans l'affaire Johnstone, la Cour d'appel fédérale a déclaré que la discrimination fondée sur l'état familial est établie lorsqu'un employé démontre les facteurs qui suivent :

1. qu'il ou elle assume la garde et la surveillance de l'enfant ;

2. qu'il existe une obligation de garde de l'enfant qui engage la responsabilité légale de l'individu envers l'enfant, par opposition à un choix personnel ;

3. qu'il ou elle a déployé des efforts raisonnables pour s'acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu'aucune de ces solutions n'est raisonnablement réalisable ;

4. que les règles contestées régissant le milieu de travail entravent d'une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s'acquitter de ses obligations relatives à la garde des enfants.

Dans l'affaire Misetich, le Tribunal a exigé qu'un employé démontre une conséquence négative entraînant un désavantage réel à l'égard de la relation parent-enfant et les responsabilités qui découlent de cette relation ou du travail de l'employé. Ce test se distingue de celui de l'arrêt Johnstone, notamment parce qu'il n'exige pas explicitement que l'employé règle lui-même la situation. Il envisage plutôt l'accommodement comme un processus conjoint entre l'employeur et l'employé.

Appliquant ces deux tests, la Cour a jugé que l'entreprise n'avait pas fait preuve de discrimination contre l'employée pour les raisons qui suivent :

• L'employée n'a pas démontré que le placement de ses enfants d'âge scolaire en garderie avant l'école aurait des conséquences négatives sur ses besoins familiaux ou comment ce placement entraînerait un désavantage réel à l'égard de la relation parent-enfant ;

• L'employée avait plusieurs options à l'égard de la garde de ses enfants avant l'école dans sa communauté, et les heures de travail demandées par l'entreprise étaient raisonnables ;

• L'employée a omis de participer au processus d'accommodement. Elle a fourni très peu d'information en ce qui concerne les arrangements pris par elle et ses besoins en matière de garde d'enfants. Elle a nui aux efforts qui auraient pu être faits par l'entreprise pour accommoder ses besoins ;

• L'employée était aisée financièrement et faisait partie d'un foyer où les deux parents sont présents. Son mari avait un emploi très rémunérateur et le couple était propriétaire d'un immeuble à revenu. Cela signifie qu'elle pouvait partager les obligations liées à la garde des enfants avec son mari ou qu'elle avait les moyens de payer des services externes de garde d'enfants.

La Cour a également rejeté l'allégation de l'employée selon laquelle l'entreprise avait omis de la réintégrer dans le poste qu'elle avait avant son départ pour son congé de maternité. L'entreprise était obligée de réintégrer l'employée à un poste qui était [traduction] « substantiellement et qualitativement le même que celui qu'elle occupait avant le congé », ce qui a été fait. La Cour a également rejeté l'allégation de congédiement déguisé de l'employée. En effet, l'exigence d'être présent au travail avant 8 h 30 ne constitue pas une modification unilatérale de ses conditions d'emploi. L'employée devait souvent se présenter tôt au travail.

Leçon à tirer pour les employeurs

Cette décision ne précise pas quel est le test – celui de la décision Johnstone ou celui de la décision Misetich – qui s'applique aux affaires dans lesquelles un cas de discrimination fondée sur l'état familial est allégué. Elle fournit toutefois une orientation utile aux employeurs en raison du fait que la Cour leur indique exactement la marche à suivre, à savoir examiner les deux tests qui prévalent à l'égard des causes concernant un cas de discrimination fondée sur l'état familial. Il s'agit de la meilleure façon de procéder lorsqu'il est question d'examiner la discrimination fondée sur l'état familial, à condition que les employeurs collaborent avec l'employé pour évaluer la demande et l'offre de solutions raisonnables.

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Auteure

  • Avneet Jaswal, Avocate-conseil | Travail, emploi et droits de la personne, Toronto, ON, +1 416 865 4396, ajaswal@fasken.com

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