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Les caractéristiques génétiques : un motif de discrimination de plus en plus invoqué

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Bulletin Travail, emploi et droits de la personne

Les employeurs devraient porter une attention particulière à une forme de discrimination nouvellement reconnue qui a capté l'attention des législateurs et du public canadien : la discrimination génétique.

Avec des entreprises comme 23andMe, le dépistage génétique est devenu de plus en plus populaire ces dernières années. Les tests génétiques peuvent confirmer un diagnostic, indiquer qu'une personne est porteuse d'une mutation génétique particulière ou déceler un risque accru de développer une certaine maladie. Bien que ces renseignements génétiques puissent aider des personnes à faire des choix éclairés à l'égard de leur santé et à agir de manière préventive, des craintes sont soulevées à l'égard du fait que ces renseignements pourraient être utilisés par des employeurs au détriment de particuliers. Pourraient-ils être utilisés pour refuser d'embaucher une personne, refuser une promotion ou congédier un employé ?

Le gouvernement fédéral a été le premier à adopter une législation pour réagir à ces préoccupations. L'Assemblée législative de l'Ontario est actuellement saisie d'un projet de loi qui interdirait aux employeurs de faire de la discrimination à l'encontre d'employés en se fondant sur leurs caractéristiques génétiques. Les tribunaux ont commencé à se prononcer sur cette question dans le contexte de l'élément subjectif de la discrimination, ou l'« handicap perçu ».

Interdictions de discrimination génétique pour les employeurs fédéraux

En mai 2017, la Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée pour interdire la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques. De la même façon, en vertu du Code canadien du travail, les employés ne peuvent être forcés de subir un test génétique ou d'en divulguer les résultats.

Modifications proposées au Code des droits de la personne de l'Ontario

Le 3 octobre 2018, le projet de loi 40, Loi de 2018 modifiant le Code des droits de la personne (caractéristiques génétiques) a été présenté devant l'Assemblée législative de l'Ontario. Le projet de loi d'initiative parlementaire a été adopté à l'étape de la deuxième lecture et a été renvoyé devant le Comité permanent de l'Assemblée législative, le 18 octobre 2018. Le projet de loi 40 modifierait le Code des droits de la personne de l'Ontario afin qu'il comprenne les caractéristiques génétiques au titre de motif illicite de discrimination et de prévoir que toute personne a droit à un traitement égal, sans discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques. Il comprend le droit à un traitement égal pour quiconque refuse de subir un test génétique ou d'en divulguer les résultats.

Aux termes du projet de loi 40, le terme « caractéristiques génétiques » est défini de façon large et s'entend « des traits génétiques caractéristiques que présente un particulier, notamment des traits pouvant causer un trouble ou une maladie ou augmenter le risque que l'un ou l'autre se développe ». Le projet de loi prévoit une exemption à l'égard des contrats d'assurance qui peuvent établir des distinctions entre des personnes, les exclure ou leur accorder une préférence pour des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi et fondés sur des caractéristiques génétiques.

Ce n'est pas la première fois que l'Ontario présente une loi interdisant la discrimination génétique. Le projet de loi 164 aurait modifié le Code des droits de la personne afin qu'il comprenne quatre nouveaux motifs de discrimination, y compris les caractéristiques génétiques. Il n'a toutefois pas été adopté avant la dissolution de l'Assemblée législative précédente. Le projet de loi 164 a à nouveau été présenté le 26 septembre 2018 sous le titre de projet de loi 35. Le projet de loi 35 est toutefois un projet de loi d'initiative parlementaire qui n'a pas été présenté par un député de la majorité. Il est par conséquent peu probable qu'il soit adopté. Même si le projet de loi 40 est également un projet de loi d'initiative parlementaire, il a été présenté par un député du parti au pouvoir, le Parti progressiste-conservateur, ce qui signifie qu'il a de plus grandes chances d'être adopté.

Jurisprudence pertinente

Même sans interdictions expresses, les lois en matière de droits de la personne pourraient déjà être interprétées comme comprenant une protection contre la discrimination génétique aux termes des motifs de discrimination existants. C'est le cas parce que bon nombre de provinces canadiennes reconnaissent expressément un handicap perçu dans leurs lois sur les droits de la personne. Certaines caractéristiques génétiques pourraient être interprétées comme une forme d'handicap perçu.

Les tribunaux des droits de la personne et les tribunaux canadiens ont clairement reconnu l'élément subjectif de la discrimination. À titre d'exemple, dans l'arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville), 2000 CSC 27, il était question de trois personnes ayant été privées d'emploi ou congédiées en raison du fait qu'elles avaient été assujetties à un test à l'égard de conditions médicales ne s'étant pas, dans les faits, traduites en limitations physiques concrètes nuisant à leur capacité d'effectuer leur travail. Deux de ces personnes avaient des anomalies à la colonne vertébrale alors que l'autre personne avait la maladie de Crohn, sans symptômes. La Cour suprême du Canada a conclu que ces conditions pouvaient être considérées comme un « handicap » au sens de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec en raison de la composante subjective de l'handicap. Notamment, la Cour a déclaré qu'une définition trop étanche du terme « handicap » ne servirait pas nécessairement l'objet de la Charte « [c] ompte tenu de l'avancement rapide de la technologie biomédicale et, plus particulièrement, de la technologie génétique ». Cette décision pourrait constituer un précédent pour les tribunaux qui examineront des allégations en matière de discrimination génétique.

Pourquoi les employeurs doivent-ils prendre bonne note de ces développements ?

Bien qu'ils ne soient pas encore très répandus en milieu de travail, les tests génétiques prendront une importance croissante pour les employeurs, puisqu'ils deviennent plus courants. Cela s'explique de deux façons. D'une part, étant donné que la Loi canadienne sur les droits de la personne a déjà été modifiée pour interdire la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques, d'autres provinces devraient emboîter le pas et présenter une législation analogue. D'autre part, il s'agit certainement d'une question qui sera approfondie davantage dans la jurisprudence en matière de droits de la personne.

Les employeurs devraient donc s'intéresser au concept émergent de la discrimination génétique. Nous resterons à l'affût d'autres développements, notamment en ce qui concerne le projet de loi 40 de l'Ontario.

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