Une démission doit être claire et sans équivoque pour mettre fin à l'emploi d'un employé. Il arrive parfois que des employés changent d'avis et tentent de retirer leur démission. Lorsque cela se produit et que l'employé continue de travailler pour l'employeur aux mêmes conditions et sans interruption, la décision rendue dans l'affaire Theberge-Lindsay c. 3395022 Canada Inc. (Kutcher Dentistry Professional Corporation)(en anglais seulement) indique que l'employé peut être réputé avoir perdu toutes ses années de service antérieures auprès de l'employeur.
Les faits
En 1993, l'employée commence à travailler comme hygiéniste dentaire à la clinique dentaire de l'employeur à Stoney Creek, en Ontario. Elle n'a pas signé de contrat de travail au moment de son embauche, mais, en raison d'un certain nombre de restructurations au sein de l'entreprise, l'employée a dû signer plusieurs contrats de travail à compter de 1999 afin de demeurer à l'emploi de l'entreprise. Tous ces contrats de travail limitaient son droit à une indemnité de cessation d'emploi selon les normes minimales prévues par la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (« LNE ») de l'Ontario.
Le 28 mars 2005, l'employée donne un avis de démission à son employeur avec prise d'effet le 7 juillet 2005. Avant la date de prise d'effet de sa démission, l'employée informe l'employeur qu'elle souhaite continuer à travailler à la clinique dentaire. L'employeur est heureux qu'elle continue de travailler et ils signent un nouveau contrat de travail le 30 juin 2005. L'employée a travaillé sans interruption entre la date à laquelle elle a remis sa démission et le 30 juin 2005, et aucune modification n'a été apportée à ses conditions de travail aux termes du nouveau contrat de travail. Comme ses contrats antérieurs, le nouveau contrat limite son droit à une indemnité de cessation d'emploi selon les normes minimales prévues par la LNE.
En 2011, l'employée signe un autre contrat de travail qui restreint également son droit à un préavis et à une indemnité de cessation d'emploi selon les normes minimales prévues par la LNE. Toutefois, en décembre 2012, l'employée est congédiée sans motif valable et on lui accorde un préavis correspondant à une semaine de salaire en vertu de la LNE. L'employée intente alors une poursuite.
La décision de la Cour
Le juge de première instance a déclaré que la démission de l'employée en 2005 n'avait pas entraîné une interruption de son service, car l'employeur lui avait permis d'annuler sa démission et d'assumer les mêmes responsabilités sans aucune interruption. La lettre que l'employeur a rédigée pour aider l'employée à obtenir du financement était également pertinente, car elle montrait que l'employeur considérait que la période d'emploi de l'employée se poursuivait de façon ininterrompue depuis 1993. Le juge a déclaré qu'aucun des contrats de travail n'était exécutoire et a accordé 15 mois de préavis raisonnable pour ses 19 années de service.
L'employeur a fait appel de cette décision. La Cour d'appel a déclaré que la démission sans équivoque de l'employée en 2005 avait entraîné une interruption de ses années de service et que le nouveau contrat de travail avait force exécutoire. Par conséquent, la Cour d'appel a calculé le nombre d'années de service de l'employée à compter de 2005 (et non pas à compter de 1993) et lui a accordé 7,5 semaines de préavis conformément aux normes minimales prévues par la LNE.