À l'heure où les entreprises au Canada et partout dans le monde sont confrontées aux répercussions de la COVID-19, un domaine précis de l'activité commerciale devrait continuer de fleurir : le commerce électronique. Ce domaine comprend à la fois a) les commandes en ligne de biens matériels (appareils électroniques, livres, etc.) qui sont ensuite distribués par des services de livraison, et b) les services qui sont achetés et livrés en ligne (comme les outils de logiciel-service). Des services de livraison de produits alimentaires aux fournisseurs de plateformes éducatives en ligne, bon nombre d'activités de commerce électronique se caractérisent par des ventes directes au consommateur. Toute entreprise de commerce électronique qui vend des biens ou des services à des consommateurs au Canada est assujettie aux lois canadiennes sur la protection du consommateur.
Ces lois sont pourvues d'une applicabilité large, compte tenu de la définition étendue du terme « consommateur ». Concrètement, quiconque fait un achat qui n'est pas lié à une activité commerciale est considéré comme un « consommateur », de sorte que la plupart des entreprises qui font du commerce électronique avec des particuliers sont assujetties aux lois sur la protection du consommateur.
Dans le présent bulletin, nous entendons mettre en lumière certaines questions juridiques fondamentales portant sur la protection des consommateurs, qui devraient présenter un intérêt pour les entreprises de commerce électronique dans le contexte commercial actuel, dominé par la pandémie de COVID-19.
Accords en ligne
Alors que le commerce en ligne s'intensifie, en raison des ordres de confinement et du souhait de pratiquer l'éloignement social, les entreprises qui ne s'adonnent pas déjà au commerce électronique sont susceptibles d'envisager cette avenue. Toutefois, si elles décident d'aller de l'avant, elles doivent savoir que dans bon nombre de provinces et territoires au Canada, la conclusion de certains accords en ligne doit répondre à des exigences particulières, qui, lorsqu'elles s'appliquent, prévoient a) l'obligation d'inclure certaines clauses à l'accord, et b) l'obligation de suivre certaines procédures lorsqu'un contrat est conclu en ligne.
Par conséquent, si vous développez et lancez votre plateforme de commerce électronique, il est important que vous teniez compte de ces exigences juridiques dans sa conception et son fonctionnement. De la même manière, si votre entreprise choisit de recourir à une plateforme tierce pour fournir des services de commerce électronique, nous vous conseillons de prendre toutes les précautions nécessaires pour vous assurer que cette plateforme respecte les exigences de la législation canadienne sur la protection du consommateur, et d'intégrer à votre accord avec le fournisseur de services les protections juridiques qui garantiront le respect de ces exigences (par exemple, les déclarations et garanties applicables).
Modification des produits et des accords
Afin de réduire au minimum les coûts ou d'atténuer les risques découlant de la COVID-19 (comme une pénurie de personnel), les entreprises qui offrent des services en ligne pourraient songer à modifier leur offre. Elles pourraient par exemple envisager de cesser d'offrir certains services ou d'abaisser le niveau de prestation promis antérieurement. Avant de modifier leur offre de services de la sorte, elles doivent d'abord prendre connaissance des restrictions imposées à cet égard par la législation sur la protection du consommateur. En effet, dans plusieurs provinces, une prestation de services en cours ne peut être modifiée qu'avec le consentement du consommateur. Cela peut poser un problème particulier aux entreprises qui offrent différents types de services d'abonnement, car ceux-ci comportent en général un service de base que le consommateur s'attend à recevoir.
Par ailleurs, les entreprises qui souhaitent modifier le libellé d'un accord conclu en ligne avec un client pourraient devoir respecter certaines exigences énoncées dans l'accord si elles veulent s'assurer du caractère exécutoire des modifications. Ces règles prévoient généralement que les modifications peuvent être faites soit en conformité avec les modalités d'un accord existant (à condition que cet accord ne contredise pas lesdites règles) soit au moyen d'un avis. Ainsi, les entreprises de commerce électronique qui souhaitent modifier les accords conclus avec des consommateurs devraient déterminer si ces règles s'appliquent à leur situation et, le cas échéant, quel modèle de modification leur convient le mieux. Dans le même ordre d'idées, les nouvelles entreprises de commerce électronique qui sont en train de rédiger leurs accords devraient tenter d'y inclure des modalités qui faciliteront le plus possible leur modification.
Offre et modification des modalités de crédit
Pour offrir une certaine souplesse financière à leurs clients, les entreprises de commerce électronique pourraient être tentées de mettre à leur disposition des facilités de crédit. Quant à celles qui offrent déjà ce service, elles songeront peut-être à modifier leurs modalités de crédit afin d'apporter un certain soutien financier à leur clientèle. Dans les deux cas, il est important que les entreprises sachent que les lois sur la protection du consommateur réglementent les contrats de crédit conclus avec les consommateurs, et que ces règles s'appliquent non seulement aux institutions financières, mais également à toute entreprise qui propose du crédit.
Les dispositions des lois sur la protection du consommateur concernant les contrats de crédit visent, entre autres, les divulgations qui sont obligatoires à divers moments de la relation avec le consommateur. De plus, elles dictent les étapes à suivre lorsque divers changements sont apportés aux contrats de crédit (par exemple, l'avis et/ou le consentement pouvant être requis relativement à l'augmentation de la limite de crédit). Les dispositions de cette nature sont parfois très détaillées (elles peuvent, par exemple, préciser comment décrire le taux annuel en pourcentage); il est donc essentiel pour les entreprises de commerce électronique qui offrent du crédit de comprendre les exigences associées à cette pratique.
Conclusions
Plus les restrictions mises en place pour contrer la COVID-19 s'étireront, plus le commerce électronique risque de demeurer un moyen essentiel pour fournir des biens et des services aux Canadiens. En plus d'aider les ménages à obtenir des biens et des services, le commerce électronique crée des occasions d'affaires pour ceux qui les fournissent. Toutefois, à l'instar de toute autre activité commerciale, ce type de commerce comporte son lot d'enjeux juridiques que les entreprises ne doivent jamais perdre de vue. Dans le cas du commerce axé sur le consommateur, la plupart de ces considérations découlent de la législation sur la protection du consommateur.
La protection du consommateur étant une compétence provinciale et territoriale, les provinces et territoires du Canada ont chacun adopté leurs propres lois en la matière. Si ces lois se ressemblent sur plusieurs points, il existe entre elles d'importantes différences. De surcroît, plusieurs entreprises de commerce électronique seront vraisemblablement assujetties à la plupart, voire à l'ensemble, d'entre elles. Souvent, ces lois visent une entreprise même si celle-ci n'a pas d'établissement dans la province ou le territoire où elles s'appliquent; ce qui importe, c'est le lieu où se trouve le consommateur. Par conséquent, compte tenu de l'effervescence dans ce secteur, si votre entreprise de commerce électronique souhaite étendre à l'échelle nationale des activités qu'elle exerçait dans une partie du pays, vous pourriez être forcés de tenir compte de régimes juridiques qui vous étaient à ce jour inconnus et que vous ne respectez peut-être pas. De la même manière, toute entreprise internationale qui souhaite entretenir des relations commerciales avec des clients canadiens peut être assujettie aux lois canadiennes sur la protection du consommateur, et ce, même si l'entreprise n'a aucune présence au Canada.
Le non-respect des droits des consommateurs peut entraîner a) des recours collectifs, b) l'invalidité d'accords conclus avec les consommateurs et l'obligation d'effectuer des remboursements, c) l'imposition d'amendes, y compris aux administrateurs et d) une dénonciation par les organismes de réglementation. Ces risques juridiques ne s'affaibliront pas dans le contexte de la COVID-19. La conformité de vos activités de commerce électronique visant des consommateurs aux régimes de protection du consommateur applicables devrait donc demeurer une priorité, surtout si vous offrez vos services à un nombre croissant de clients et si, par le fait même, vous vous exposez à plus de risques en cas de non-respect de ces lois.