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Questions d’immigration que soulèvent les opérations commerciales

Fasken
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Bulletin d'Immigration

Il peut arriver qu’une société ne tienne pas compte des questions d’immigration que la conclusion d’une opération commerciale peut soulever, et ce, qu’elle procède à une restructuration ou à une acquisition ou qu’elle en fasse l’objet. Les conséquences possibles en cas de non-conformité sont graves et peuvent inclure une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars et un avis public d’interdiction permanente d’embaucher des travailleurs étrangers. Sont également examinées ici les questions importantes à se poser dans le cadre d’une opération commerciale et les pratiques exemplaires que les employeurs peuvent adopter afin de maintenir à l’interne un programme de conformité rigoureux en matière d’immigration.

Vérification diligente en matière d’immigration

Diverses opérations commerciales peuvent avoir des répercussions importantes en matière d’immigration, ce qui est le cas notamment des fusions (aussi appelées « regroupements »), des acquisitions, des scissions et des changements de dénomination. Une fusion consiste à regrouper deux sociétés en vue de créer une nouvelle entité juridique, tandis qu’une acquisition suppose l’achat d’une société par une autre. Lors d’une scission, une société mère se départit d’une de ses filiales.

Tous ces éléments peuvent avoir une incidence sur la capacité d’une société à continuer d’employer ses effectifs de travailleurs étrangers et à en embaucher d’autres. La société peut devoir informer les autorités gouvernementales compétentes de l’opération commerciale réalisée. Les avocats en immigration peuvent agir comme conseillers concernant l’incidence d’une opération et élaborer des stratégies qui tiennent compte des intérêts et des besoins de toutes les parties après la conclusion de celle-ci.

Questions importantes à se poser

Il est essentiel de mener à bien un processus exhaustif de vérification diligente dans le cadre de toute opération commerciale et de procéder, notamment, à une vérification diligente spécialisée en matière d’immigration afin de cerner les risques en cas de non-conformité aux exigences applicables en la matière. Un tel cas de non-conformité peut également poser un risque lié au droit du travail et compromettre le statut migratoire des employés.

Voici quelques questions à se poser dans le cadre de ce processus de vérification diligente :

  1. Tous les travailleurs étrangers qui travaillent actuellement pour l’employeur sont-ils autorisés à occuper le poste qui leur est confié, et l’employeur dispose-t-il des documents appropriés pour vérifier cette information (p. ex., un permis de travail valide sans conditions incompatibles avec l’emploi lui-même, une preuve du statut de résident permanent ou une carte de résident permanent valide, un numéro d’assurance sociale valide, etc.)?
  2. Quelles procédures ont été mises en place pour vérifier systématiquement le statut migratoire de chaque nouvel employé avant son premier jour d’emploi et de gérer les dates d’expiration des permis de travail de chaque travailleur étranger?
  3. Le lien admissible sera-t-il maintenu après l’opération dans le cas des travailleurs étrangers qui détiennent un permis de travail délivré dans la catégorie des personnes mutées à l’intérieur d’une société? Dans la négative, quelle autre option a été envisagée en ce qui concerne le permis de travail du travailleur étranger pour prévenir une interruption de travail et/ou éviter d’avoir à mettre fin à son emploi?
  4. Est-ce que l’employeur a déjà fait l’objet d’une inspection de conformité en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou fait présentement l’objet d’une telle inspection? Si oui, l’employeur a-t-il déjà été déclaré non conforme? Si oui, quelle(s) sanction(s) a été ou ont été imposée(s)? Bien que la plupart des inspections soient effectuées au hasard, toute situation antérieure de non-conformité augmente naturellement la probabilité qu’un employeur reçoive une autre demande d’inspection.
  5. Quels sont les frais/coûts que l’employeur s’est engagé à payer/rembourser relativement à la démarche d’immigration des travailleurs étrangers qu’il emploie? Existe-t-il des politiques écrites internes à ce sujet? Les lois provinciales et les règles fédérales en matière d’immigration interdisent le recouvrement direct ou indirect de certains frais liés à l’immigration auprès des travailleurs étrangers.
  6. L’employeur a-t-il des obligations en cours relativement à l’embauche de travailleurs étrangers dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (le « PTET ») pour les postes à bas salaire (p. ex., assurance maladie privée, frais de transport aller-retour, logement)?
  7. Combien de travailleurs étrangers travaillant pour l’employeur sont actuellement sous statut conservé? Est-ce que certains d’entre eux ont déposé une demande de prorogation de leur permis de travail qui sera vraisemblablement refusée?
  8. Les conditions d’emploi des travailleurs étrangers qui détiennent un permis de travail dans le cadre du PTET (permis de travail fondé sur une étude d’impact sur le marché du travail [une « EIMT »]) sont-elles les mêmes que celles décrites dans la demande d’EIMT et la lettre de confirmation? Des changements ont-ils été approuvés à l’avance par le gouvernement? Existe-t-il une procédure permettant d’examiner, au moins une fois par année, les conditions de chaque travailleur étranger afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux règles du PTET?
  9. Les conditions d’emploi des travailleurs étrangers qui détiennent un permis de travail dans le cadre du Programme de mobilité internationale (le « PMI ») [permis de travail dispensé d’une EIMT] sont-elles les mêmes que celles décrites dans l’offre d’emploi que l’employeur a déposée dans son compte sur le Portail des employeurs d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada? Des changements ont-ils été approuvés à l’avance par le gouvernement? Existe-t-il une procédure permettant d’examiner, au moins une fois par année, les conditions de chaque travailleur étranger afin de s’assurer qu’elles sont conformes aux règles du PMI?
  10. L’opération pourrait-elle avoir une incidence négative sur les demandes d’immigration en attente qui dépendent d’une structure organisationnelle ou d’une relation d’emploi particulière, comme certaines demandes de résidence permanente au titre de la catégorie des candidats des provinces ou demandes de prorogation du permis de travail?

Pratiques exemplaires pour les employeurs

Les règles de conformité en matière d’immigration sont complexes et changent de temps à autre. Les employeurs devraient établir et maintenir à l’interne un programme de conformité rigoureux en matière d’immigration afin de veiller à ne pas s’exposer à des risques juridiques. Les conséquences possibles en cas de non-conformité sont graves et peuvent inclure une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 1 million de dollars, l’incapacité d’embaucher des travailleurs étrangers pendant un certain temps (y compris une interdiction permanente), l’ajout à la liste noire publique, l’exposition à un risque en droit du travail et la compromission du statut migratoire des employés.

Les employeurs devraient envisager de mettre en œuvre les pratiques exemplaires qui suivent, si ce n’est pas déjà fait :

  1. Se tenir au courant des règles de conformité qui incombent aux employeurs. Les derniers changements importants sont entrés en vigueur le 26 septembre 2022. Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter notre bulletin intitulé Nouvelles obligations de conformité de l’employeur en vigueur le 26 septembre;
  2. S’assurer que les contrats de travail contiennent un libellé particulier pour les employés qui ne sont ni citoyens canadiens ni résidents permanents. Ce libellé devrait répondre à des questions telles que « Qu’arrive-t-il si la demande de permis de travail est refusée ou prend beaucoup plus de temps que prévu? » et « Qu’arrive-t-il si l’employé n’est plus autorisé à occuper le poste qui lui a été confié? »;
  3. Comprendre quels frais (frais juridiques et frais de traitement gouvernementaux) peuvent ou ne peuvent pas être recouvrés auprès de l’employé. Par souci d’uniformité, rédiger des politiques internes décrivant les frais qui seront couverts par l’employé et l’employeur, respectivement;
  4. Examiner et conserver la preuve qu’un employé est autorisé à travailler au Canada avant son premier jour d’emploi, surveiller l’expiration des permis de travail, demander des prorogations en temps opportun et garder en tête que les titulaires de permis de travail ne sont pas tous admissibles à une prorogation ou à la résidence permanente. La plupart des façons d’obtenir la résidence permanente exigent maintenant des invitations à présenter une demande, et comme la demande est largement supérieure à l’offre, de nombreuses personnes qui souhaitent devenir résidentes permanentes ne peuvent faire une demande avant l’expiration de leur permis de travail, ce qui peut entraîner une multitude de problèmes coûteux et parfois insolubles pour l’employeur et l’employé. Il est bon d’établir une stratégie d’immigration à long terme pour chaque travailleur étranger, en particulier pour les employés clés, afin d’éviter les mauvaises surprises plus tard;
  5. Tenir des dossiers complets (formulaires de demande, contrats de travail signés, talons de paie, descriptions de poste, preuve de l’inscription au régime d’avantages sociaux, etc.), étant donné que les permis de travail peuvent faire l’objet d’une vérification pendant une période pouvant aller jusqu’à six ans à compter de la date de délivrance;
  6. Assurer l’équité en matière d’emploi entre les employés qui sont des travailleurs étrangers et ceux qui sont des citoyens canadiens ou des résidents permanents afin d’éviter une éventuelle plainte pour discrimination et d’autres risques connexes. Récemment, un employeur s’est vu ordonner de verser 60 000 $ à une ancienne employée, après que le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a conclu qu’il avait profité de son statut migratoire[1];
  7. Garder en tête que les restructurations d’entreprises (et non seulement les fusions et les acquisitions) peuvent poser problème pour les employés qui détiennent un permis de travail. Supposons, par exemple, qu’une société canadienne se scinde en deux et que la seconde société ainsi créée n’ait aucun lien d’affaires avec sa société mère à l’extérieur du Canada. Cette société canadienne emploie un travailleur étranger qui détient un permis de travail dans la catégorie des personnes mutées à l’intérieur d’une société. L’une des conditions de ce permis de travail est que l’employeur étranger et l’employeur canadien de ce travailleur étranger maintiennent en tout temps un lien admissible. Ce travailleur sera muté au sein de la nouvelle société indépendante dès que l’opération commerciale sera conclue. Toutefois, comme le lien d’affaires sera rompu, ce travailleur étranger a besoin d’un nouveau permis de travail. Continuer à utiliser le même permis de travail constituerait une infraction aux règles d’immigration. Étant donné que la catégorie des permis de travail délivrés aux personnes mutées à l’intérieur d’une société n’est plus une option, il pourrait falloir imaginer une nouvelle stratégie d’immigration pour éviter l’interruption des activités et la perte de revenus.

Principaux points à retenir

Le non-respect des règles d’immigration peut avoir de nombreuses conséquences juridiques et porter atteinte à la réputation d’une société, que celle-ci soit partie ou non à une opération commerciale. Les sociétés qui prennent part à une opération commerciale peuvent engendrer un risque juridique ou se retrouver exposées à un tel risque, si aucune vérification diligente n’est effectuée en matière d’immigration. Il est donc essentiel que toutes les sociétés établissent et maintiennent à l’interne un programme de conformité rigoureux en matière d’immigration qui suit l’évolution des règles d’immigration.

Les auteurs souhaitent remercier Zoe Zeitouni pour son aide dans la rédaction de cet article.


[1] Kasagoni v. J Singh Enterprises dba Willingdon Husky and another (No. 3), 2023 BCHRT 65 (PDF). (en anglais seulement)

Contactez les auteurs

Si vous avez des questions concernant tout sujet abordé dans le cadre de ce bulletin, veuillez communiquer avec Daniel Lee ou Stephanie Heinsohn-Spiropoulos. Pour obtenir des renseignements sur la constitution, la structuration, l’acquisition ou la fusion d’une société au Canada, veuillez communiquer avec Laura Fetter, et pour en savoir plus sur notre groupe Technologies émergentes, communiquez avec Shahrooz Nabavi, Will Shaw, Constantinos Ragas, Adam Saskin ou Kate Grant.

Contactez les auteurs

Auteurs

  • Will Shaw, Associé, Toronto, ON, +1 416 865 4554, wshaw@fasken.com
  • Daniel C. Lee, Associé, Vancouver, BC, +1 604 631 4804, dalee@fasken.com
  • Stephanie Heinsohn-Spiropoulos, Avocate, Montréal, QC, +1 514 657 2769, sheinsohn@fasken.com
  • Kate Grant, Conseillère stratégique | Consultante en administration des affaires, Toronto, ON, +1 416 865 4472, kgrant@fasken.com
  • Laura Fetter, Avocate-conseil | de l'nnovation, Toronto, ON, +1 416 865 4450, lfetter@fasken.com

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