Le compte à rebours est commencé : les employeurs du secteur fédéral comptant 10 employés ou plus n’ont désormais plus qu’un an (c.-à-d. jusqu’au 3 septembre 2024 pour la plupart des employeurs) pour élaborer un plan d’équité salariale afin d’identifier et, s’il y a lieu, de corriger, les écarts salariaux fondés sur le sexe pour les employés occupant des postes dans des catégories d’emploi à prédominance féminine. Comme nous l’avons expliqué dans des bulletins précédents (Se préparer à la nouvelle loi fédérale sur l’équité salariale et The Federal Pay Equity Act is in Force: What Now? (disponible uniquement en anglais)), les employeurs comptant plus de 100 employés ou dont les employés sont syndiqués doivent élaborer ce plan d’équité salariale par l’entremise d’un comité mixte employeur-employés.
Pour la plupart des employeurs, il reste encore beaucoup à faire pour respecter la date limite fixée. Dans le présent bulletin, nous passerons en revue les principaux jalons à atteindre en matière d’équité salariale au cours de la prochaine année et examinerons les options et les conséquences possibles pour les employeurs qui n’arriveront pas à respecter les délais imposés par la loi.
Principaux jalons en matière d’équité salariale
Les employeurs en sont à différentes étapes de leur cheminement respectif vers la conformité à la Loi sur l’équité salariale fédérale (la « Loi »). Au moment d’élaborer le plan de votre organisation, tenez compte des principaux jalons suivants :
Évaluation de la situation et, s’il y a lieu, soumission d’une demande de plans multiples ou de considération à titre de groupe d’employeurs : Aux termes de la Loi, chaque employeur doit établir un seul plan d’équité salariale à l’égard de ses employés. Toutefois, la Loi établit un processus par lequel les employeurs peuvent demander à la commissaire à l’équité salariale (la « commissaire ») d’autoriser l’établissement de plusieurs plans d’équité salariale (et donc de plusieurs comités d’équité salariale, si l’employeur est tenu de constituer un tel comité). La Loi prévoit également un processus permettant à plusieurs employeurs de demander à la commissaire d’être traités comme un seul et même employeur qui élaborera un plan commun d’équité salariale.
Jusqu’à présent, la jurisprudence offre aux employeurs des perspectives peu réjouissantes : ces processus de demande sont longs et la commissaire, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a interprété la Loi de manière restrictive. Dans un bulletin antérieur, nous avons décrit la première décision de la commissaire concernant une demande de plans multiples, dans laquelle elle a rejeté la majorité des demandes de l’employeur (le CN) et n’a accordé qu’un seul plan distinct pour un petit groupe d’employés responsable de la gestion de la caisse de retraite. Dans les trois décisions[1] qui ont suivi, la commissaire a rejeté toutes les demandes de plans multiples même si, dans un de ces cas, le syndicat de l’employeur avait appuyé la demande .[2] Ces décisions renforcent le point de vue de la commissaire selon lequel les plans multiples d’équité salariale ne seront autorisés que dans des circonstances rares et exceptionnelles.
Mise en place du comité : Les employeurs comptant plus de 100 employés ou dont les employés sont syndiqués doivent mettre en place un comité mixte employeur-employés sur l’équité salariale, notamment en facilitant l’élection d’un ou de plusieurs représentants des employés non syndiqués et la nomination d’un ou de plusieurs représentants de chaque agent négociateur (le cas échéant) au sein de ce comité.
Élaboration du plan d’équité salariale : Les employeurs doivent élaborer un plan d’équité salariale en respectant le processus détaillé prévu par la Loi. Ce processus comprend notamment l’identification des catégories d’emploi, l’établissement de la prédominance féminine ou masculine pour ces catégories d’emploi, l’évaluation de la valeur du travail effectué dans celles à prédominance masculine et celles à prédominance féminine (y compris le choix d’un outil d’évaluation ne favorisant aucun sexe qui servira à cette évaluation), le calcul de la rémunération propre à ces catégories d’emploi (y compris l’application des diverses exclusions prévues par la Loi) et la comparaison de ces rémunérations afin de cibler les écarts salariaux fondés sur le sexe.
Le processus d’élaboration d’un plan d’équité salariale peut être particulièrement long lorsqu’il est mené par un comité d’équité salariale, compte tenu du nombre de décisions à prendre et des différents points de vue au sein du comité. La Commission canadienne des droits de la personne a publié des lignes directrices détaillées sur la façon d’interpréter et d’appliquer les exigences législatives lors de l’élaboration d’un plan d’équité salariale. Comme il reste cependant encore beaucoup de questions sans réponse, la porte est ouverte à d’éventuels débats (et différends) entre les membres du comité.
Affichage de l’ébauche et de la version définitive du plan : Les employeurs doivent afficher une ébauche de leur plan d’équité salariale pour permettre aux employés de fournir leurs commentaires dans les 60 jours suivant l’affichage. Les employeurs (ou les comités d’équité salariale, le cas échéant) doivent également prendre en considération ces commentaires au moment de préparer la version définitive de leur plan. En pratique, cela signifie que les employeurs devront achever leur travail (par l’entremise du comité, le cas échéant) et afficher l’ébauche de leur plan d’ici la fin du printemps 2024 afin de respecter la date limite du 3 septembre 2024 pour l’affichage du plan final.
Mise en œuvre des ajustements salariaux : Une fois que l’employeur aura affiché la version finale de son plan d’équité salariale, il devra mettre en œuvre les ajustements salariaux nécessaires au plus tard le jour suivant le troisième anniversaire de la date à laquelle il est devenu assujetti à la Loi (c.-à-d. le 4 septembre 2024 pour la plupart des employeurs).
Plus précisément, la Loi exige que l’employeur augmente la « rémunération à verser » à ses employés occupant un poste compris dans toute catégorie d’emploi à prédominance féminine pour laquelle le plan prévoit une augmentation de rémunération. Il convient de noter que la Loi définit le terme « rémunération » de manière large de sorte qu’il englobe non seulement les salaires, mais aussi, entre autres, les commissions, les indemnités de vacances, les primes et les cotisations de l’employeur aux régimes d’assurance-maladie.
Ajustements échelonnés? Un employeur peut choisir d’échelonner les augmentations de rémunération, plutôt que de toutes les appliquer en même temps, si les augmentations annuelles à verser représentent plus de 1 % de sa masse salariale annuelle pour l’année précédente. Les employeurs admissibles qui choisissent d’échelonner les augmentations de rémunération doivent effectuer ce processus sur une période de trois ou cinq ans, selon la taille de l’organisation.
Un employeur peut également demander à la commissaire de repousser la date limite pour l’introduction échelonnée des augmentations de rémunération qu’exige son plan d’équité salariale. Toutefois, la commissaire accordera le prolongement de la période d’échelonnement seulement si l’employeur parvient à démontrer qu’il éprouve de sérieuses difficultés financières – un seuil qui, selon nous, sera difficile à atteindre pour la plupart des organisations.
Une fois que les employeurs auront franchi ces premiers jalons de l’équité salariale, ils seront tenus de déposer une déclaration annuelle auprès de la commissaire, au plus tard le 30 juin suivant le troisième anniversaire de la date à laquelle ils sont devenus assujettis à la Loi. Ainsi, les employeurs qui y sont assujettis depuis le 31 août 2021 doivent déposer leur première déclaration annuelle au plus tard le 30 juin 2025. Dans le cadre de ce processus, les employeurs seront tenus de rendre compte de leur conformité à la Loi en fournissant, notamment, des renseignements détaillés sur les écarts salariaux relevés dans leur plan d’équité salariale. La Loi impose également un exercice de maintien de l’équité salariale, qui doit être réalisé tous les cinq ans.
Qu’arrive-t-il si vous ne respectez pas les délais prévus par la Loi?
Les employeurs qui croient avoir besoin de plus de temps pour finaliser leur plan d’équité salariale peuvent demander à la commissaire de prolonger le délai en vertu de l’article 112 de la Loi. La commissaire peut approuver leur demande si elle est d’avis que « les circonstances le justifient ». Selon les lignes directrices de la Commission canadienne des droits de la personne, les facteurs utilisés lors de cette évaluation peuvent comprendre, entre autres :
- les raisons pour lesquelles l’employeur n’est pas en mesure d’achever le plan d’équité salariale final dans le délai prévu par la Loi;
- si l’employeur a fait des efforts raisonnables pour établir le plan d’équité salariale dans le délai prévu par la Loi.
Si une prolongation est accordée, la commissaire déterminera la nouvelle date limite pour afficher le plan d’équité salariale.
Toutefois, même si une prolongation est accordée, les employeurs sont tout de même tenus de verser des paiements forfaitaires – avec intérêts – relativement à toute augmentation de rémunération due en vertu de leur plan d’équité salariale. Ces paiements forfaitaires doivent couvrir les ajustements de rémunération totale à verser aux employés concernés entre la date limite prévue par la Loi pour afficher la version définitive du plan d’équité salariale et celle à laquelle l’employeur affiche son plan définitif. Les intérêts doivent être calculés selon le taux d’escompte en vigueur le jour du calcul, majoré de 2 % l’an, et composés quotidiennement.
Les employeurs qui n’ont pas obtenu de prolongation de la part de la commissaire et qui ne respectent pas les délais prévus par la Loi peuvent, entre autres, être dénoncés sur le site Web de la Commission et faire l’objet de sanctions administratives pécuniaires pouvant aller de 30 000 $ à 50 000 $.
Les employeurs qui comptent nécessiter une prolongation des délais sont encouragés à tenir des registres détaillés des efforts qu’ils ont déployés pour se conformer, comme les notes prises lors des réunions du comité et de la correspondance entretenue avec leurs syndicats et leurs employés concernant leurs projets d’équité salariale.
Points à retenir pour les employeurs
Si votre organisation n’a pas encore entamé le processus d’élaboration d’un plan d’équité salariale, il n’est pas trop tard. Cependant, comme il ne reste qu’un an, il est essentiel d’enclencher le processus de façon stratégique et efficace. Si vous avez des questions ou si vous avez besoin de conseils à n’importe quelle étape de ce processus, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs du présent article ou avec votre avocat(e) attitré(e) chez Fasken.
[1] Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada et al., 2023 PEC 001; Administration portuaire de Toronto et Syndicat des employés municipaux de Toronto, section locale 416, Syndicat canadien de la fonction publique, Association internationale des débardeurs, section locale 1854 et employés non syndiqués, 2023 PEC 002 (« Administration portuaire de Toronto »); Bruce Power Limited Partnership et Syndicat des travailleurs et travailleuses du secteur énergétique, Society of United Professionals et employés non syndiqués, 2023 PEC 003.
[2] Administration portuaire de Toronto, précité, note 1.