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Les règles définitives de la SEC sur la divulgation d’information relative aux questions climatiques et leurs conséquences possibles pour les émetteurs canadiens

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Bulletin marchés des capitaux et fusions et acquisitions

Après plusieurs retards, 24 000 lettres de commentaires et des menaces de poursuites de la part de divers acteurs, la Securities and Exchange Commission (SEC) des États-Unis a publié ses règles définitives sur la divulgation obligatoire d’information sur les risques liés aux changements climatiques le 6 mars 2024 (les règles définitives).

Les règles définitives représentent un changement important pour le Canada, puisque les organismes canadiens de réglementation s’apprêtent à publier un nouvel ensemble de règles sur la divulgation obligatoire d’information sur les questions climatiques dans le contexte des exigences adoptées aux États-Unis et à l’échelle internationale.

Les règles définitives de la SEC constituent une version plus ciblée des projets de règles publiés par la SEC en 2022. Notamment, les sociétés inscrites aux États-Unis ne seront pas tenues de divulguer les émissions indirectes de gaz à effet de serre de leur chaîne de valeur (émissions du champ d’application 3), et la divulgation des émissions directes (émissions du champ d’application 1) et des émissions liées à l’énergie achetée (émissions du champ d’application 2) ne sera imposée qu’à certains grands émetteurs.

Nous passons brièvement en revue les obligations prévues par les règles définitives, leur incidence sur les émetteurs canadiens et leurs conséquences éventuelles potentielles sur les divulgations relatives aux questions climatiques au Canada et à l’échelle internationale.  

Principales caractéristiques des règles définitives de la SEC

L’objectif des règles définitives, comme l’a indiqué la SEC, est d’améliorer et d’uniformiser les divulgations relatives aux questions climatiques effectuées par les sociétés ouvertes ainsi que lors d’appels publics à l’épargne. Elles exigent la divulgation, dans les états financiers annuels et les déclarations d’inscription, des risques climatiques importants qui ont une incidence considérable réelle ou potentielle sur la stratégie commerciale, les activités ou la situation financière d’un émetteur, notamment l’incidence financière des phénomènes météorologiques violents et, pour certains émetteurs, les paramètres de mesure des gaz à effet de serre (GES) aux fins de la divulgation. 

Les règles définitives traitent de nombreuses questions, dont les suivantes :

  • la surveillance des risques liés aux changements climatiques par le conseil d’administration de l’émetteur;
  • le rôle de la direction dans l’évaluation et la gestion des risques importants liés aux changements climatiques;
  • les initiatives des émetteurs, le cas échéant, visant à atténuer un risque important lié aux changements climatiques ou à s’y adapter, y compris l’utilisation, s’il y a lieu, de plans de transition, d’analyses de scénarios ou de mécanismes internes de tarification du carbone;
  • les incidences financières des phénomènes météorologiques violents, des compensations des émissions de carbone et des crédits d’énergie renouvelable, s’ils constituent un élément important des plans de l’émetteur pour atteindre ses cibles ou objectifs divulgués.

Toutefois, les règles définitives présentent un adoucissement de certaines exigences figurant dans le projet de règles de 2022 de la SEC. En voici quelques exemples :

  • la divulgation d’information sur l’expertise des membres du conseil en matière de changements climatiques n’est plus requise;
  • des règles d’exonération ont été prévues concernant la divulgation d’informations prospectives liées à la planification de la transition, à l’analyse de scénarios, aux mécanismes internes de tarification du carbone, ainsi qu’aux cibles et aux objectifs;
  • les notes requises dans les états financiers audités de l’émetteur se limitent à deux questions, à savoir les coûts capitalisés de l’actif, les dépenses, les charges et les pertes :
    •  engagés en raison de phénomènes météorologiques violents et d’autres conditions naturelles;
    • liés aux compensations des émissions de carbone et aux crédits ou certificats d’énergie renouvelable (CER), s’ils constituent un élément important des plans de l’entreprise pour atteindre ses cibles ou objectifs déclarés en matière de changements climatiques.

Émissions des champs d’application 1, 2 et 3 selon les règles définitives de la SEC 

La question la plus controversée en ce qui a trait aux divulgations relatives aux changements climatiques est sans doute celle de l’étendue des émissions devant faire l’objet d’une divulgation obligatoire. À cet égard, les règles définitives prévoient ce qui suit:  

Champ d’application 3 – En réponse aux préoccupations concernant la difficulté de recueillir de l’information sur les émissions dans la chaîne de valeur d’un émetteur et de calculer ces émissions (champ d’application 3), l’obligation de divulgation à cet égard, qui figurait auparavant dans le projet de règles de 2022 de la SEC, a été abandonnée. Un commissaire de la SEC a également indiqué dans des commentaires publics du 6 mars que la décision de la SEC avait été influencée en partie par les commentaires des investisseurs selon lesquels l’information sur les émissions du champ d’application 3 est moins utile que celle sur les émissions des champs d’application 1 et 2. En revanche, les normes publiées par l’International Sustainability Standard Board (ISSB), la directive européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et la nouvelle législation californienne imposent la divulgation d’information sur les émissions du champ d’application 3.

Champs d’application 1 et 2 – Les règles définitives exigent que certains GDPA et DPA non exemptés (définis ci-après) divulguent les émissions directes de GES (champ d’application 1) et les émissions liées à l’énergie achetée (champ d’application 2), si ces émissions sont importantes. De façon générale, l’information sur les émissions des champs d’application 1 et 2 a soulevé moins de contestations étant donné que ces émissions sont plus faciles à calculer et à contrôler pour l’émetteur. L’information sur les émissions des champs d’application 1 et 2 est également obligatoire en vertu des normes de l’ISSB, de la directive de l’UE et de la nouvelle législation de la Californie. 

  • Les « GDPA » (grands déposants utilisant le processus accéléré) sont des émetteurs qui, en plus de satisfaire à d’autres conditions, ont une capitalisation flottante d’au moins 700 millions de dollars américains. 
  • Les « DPA non exemptés » (déposants utilisant le processus accéléré non exemptés) sont des émetteurs qui, en plus de satisfaire à d’autres conditions et de n’être ni des petites entreprises déclarantes ni des entreprises émergentes en croissance (au sens des règles définitives), ont une capitalisation flottante de 75 à 700 millions de dollars américains.

Certification raisonnable – Les règles définitives prolongent les périodes de mise en œuvre progressive pour la certification des données sur les émissions de GES. Les émetteurs sont initialement tenus de fournir une certification limitée à l’égard des émissions des champs d’application 1 et 2. Dans un deuxième temps, une certification raisonnable (semblable à celle fournie par les auditeurs pour les états financiers) sera également exigée, mais seulement pour les GDPA, après une période de mise en application progressive. La directive de l’UE adopte une approche semblable en deux étapes, tandis que les normes de l’ISSB reposent sur l’adoption d’exigences en matière de certification par les autorités territoriales et de réglementation. 

Quelle est l’incidence des règles définitives de la SEC sur les émetteurs canadiens?

Les règles définitives s’appliquent aux émetteurs privés étrangers (EPE), qui sont des émetteurs non gouvernementaux exerçant des activités aux États-Unis, mais qui sont constitués ailleurs. Comme pour les émetteurs américains, les règles définitives assujettissent les EPE à diverses obligations en matière de divulgation et de déclaration. Toutefois, les EPE peuvent être dispensés de certaines de ces exigences, dispenses auxquelles les émetteurs américains ne sont pas admissibles. 

En vertu des règles définitives, les EPE sont tenus, comme les émetteurs américains, de déclarer leurs paramètres de mesures des émissions de GES dans le cadre de leur rapport annuel produit au moyen du formulaire 20-F, mais disposeront de plus de temps pour le faire. Cela dit, les entreprises canadiennes inscrites qui utilisent le régime d’information multinational (RIM) et qui déposent leur rapport annuel au moyen du formulaire 40-F sont dispensées de l’application des règles définitives. 

Comment les règles définitives de la SEC pourraient-elles influencer les autorités de réglementation canadiennes?

Les règles définitives de la SEC constituent un développement important qui sera sans aucun doute examiné de près par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) dans le cadre de la finalisation de leur approche à l’égard des exigences en matière de divulgations relatives aux questions climatiques au Canada. 

Toutefois, nous ne nous attendons pas nécessairement à un alignement intégral. Par exemple, dans sa proposition de 2021 concernant les règles de divulgation de l’information liée aux questions climatiques [projet de Règlement 51-107 sur l’information liée aux questions climatiques (Règlement 51-107)] (le projet de règlement des ACVM), les ACVM ont proposé une approche selon laquelle il faut démontrer sa conformité ou expliquer sa non-conformité, et ce, pour toutes les mesures d’émissions de GES, ce qui signifie qu’une société pourrait choisir de ne pas divulguer ses émissions, à condition d’expliquer pourquoi. Contrairement au projet de règlement de 2022 de la SEC, le projet de règlement des ACVM semblait plus clément, car, contrairement au projet de règlement de la SEC, il n’imposait aucune obligation concernant l’analyse de scénarios, les plans de transition, le mécanisme de tarification interne du carbone, les compensations d’émissions ou l’information financière.

Reste à voir comment les émissions du champ d’application 3 seront traitées en vertu du règlement révisé des ACVM. Étant donné que l’information sur le champ d’application 3 n’était pas incluse initialement dans le projet de règlement des ACVM et que la SEC a abandonné l’obligation de divulgation sur les GES du champ d’application 3 dans les règles définitives, la divulgation obligatoire d’information sur les GES du champ d’application 3 pourrait être moins probable. 

En contrepartie, après la publication des normes de l’ISSB en juin 2023, les ACVM ont indiqué qu’elles étaient disposées à intégrer ces normes aux obligations de divulgation canadiennes, avec les modifications appropriées dans le contexte canadien. Selon les normes de l’ISSB, il est obligatoire de divulguer l’information sur les GES du champ d’application 3.

Comme prochaine étape, il semble que le Conseil canadien des normes de développement durable (CSSB), la section canadienne de l’ISSB, publiera sa version préliminaire des normes de l’ISSB plus tard ce mois-ci (mars 2024). Nous nous attendons également à ce que les ACVM les examinent attentivement. 

Un consensus international sur la divulgation d’information relative aux questions climatiques est-il envisageable? 

Il n’est pas certain qu’il soit possible d’assurer une harmonisation considérable des divulgations sur la durabilité à l’échelle mondiale. En raison de l’abandon par la SEC de l’obligation d’information sur les émissions du champ d’application 3, les règles définitives s’écartent des normes de l’ISSB ainsi que de certaines normes adoptées ou proposées par plusieurs autres autorités territoriales importantes. Par exemple, l’Union européenne, la Californie, le Brésil, Singapour et trois des principaux marchés boursiers de la Chine ont soit publié, soit mis en vigueur, des règles de divulgation comprenant l’information sur les émissions du champ d’application 3. Le Royaume-Uni, l’Australie et Hong Kong ont également proposé des règles à cet égard. De plus, malgré les efforts de la SEC, dans les heures suivant l’adoption des règles définitives, dix États américains ont annoncé qu’ils les contesteraient au motif qu’elles outrepassaient les pouvoirs conférés par la loi à la SEC.

Dans un avenir proche, le paysage réglementaire semble susceptible de demeurer fragmenté à l’échelle internationale, de sorte que les multinationales assujetties à des obligations de divulgation dans plusieurs pays devront composer avec un environnement réglementaire complexe.

L’équipe de rédaction remercie tout particulièrement Nivi Srinivasan pour son aide à la recherche.

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Auteurs

  • Marie-Christine Valois, Associée | Fusions et acquisitions, Facteurs ESG et développement durable, Montréal, QC, +1 514 397 7413, mvalois@fasken.com
  • Dyna Zekaoui, Conseillère stratégique | Consultante en administration des affaires, Ottawa, ON, +1 416 865 4400, dzekaoui@fasken.com
  • Kai Alderson, Associé | Droit des Autochtones, Responsabilité sociale d’entreprise, Vancouver, BC, +1 604 631 4956, kalderson@fasken.com
  • Peter Villani, Associé | Fusions et acquisitions, Montréal, QC, +1 514 397 4316, pvillani@fasken.com
  • Paul Blyschak, Avocat-conseil | Droit des sociétés et droit commercial, Calgary, AB, +1 403 261 9465, pblyschak@fasken.com

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